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Amazonie : que montrent les cartes qui représentent l'évolution des feux ?

Plusieurs visualisations montrant le nuage au dessus de l'Amazonie ont circulé ces derniers jours, soulevant des interrogations sur leur pertinence.
par Emma Donada
publié le 24 août 2019 à 8h30

Question posée le 22/08/2013

Bonjour,

De nombreuses images de forêts en feu sorties de leur contexte ont circulé sur les réseaux sociaux ces derniers jours, afin d’évoquer la situation en Amazonie. Mais qu’en est-il des cartes et images satellites, elle aussi largement relayées ? Dans un précédent article consacré aux incendies au Brésil, nous vous proposions de suivre l’évolution de la situation avec le site Windy.com qui présente, entre autres, les concentrations de monoxyde de carbone (CO) sur le globe, car ce gaz issu de la combustion incomplète de composés de carbone est libéré en grande quantité lors des feux de forêt.

Certains internautes nous ont interrogés sur la pertinence de cet outil, remarquant sur la même carte des zones de forte concentration en monoxyde de carbone dans d’autres régions du monde : l’Angola, la république démocratique du Congo, l’Ouest de la Chine, la Sibérie, ainsi que les régions de New York et de Los Angeles.

La réponse à cette remarque légitime tient au fait que, selon les régions, la concentration de monoxyde de carbone a différentes origines. Pour autant, «sur l'Amazonie ces combustions ne peuvent être dues, pour l'essentiel qu'à des feux de forêt», confirme Hervé Le Treut, climatologue, membre de l'Académie des sciences. «Les concentrations de CO dans les régions du Brésil reflètent les feux», abonde Philippe Ciais, directeur de recherche au Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement (LSCE) au CEA Paris-Saclay.

Que mesurer ? 

«Tous ces pays brûlent ?», demande l'internaute. Certains d'entre eux oui. «On voit aussi des excès de CO en Afrique, probablement liés à la saison des feux également sur ce continent, au sud de l'équateur. Mais ce sont des feux de savanes qui se produisent de manière plus récurrente et sont compensés par de la repousse ensuite, ce qui n'est pas le cas des forêts amazoniennes qui brûlent mais ne repoussent pas rapidement», explique Philippe Ciais. De même, la Sibérie est en proie à de violents incendies depuis le mois de juin, comme nous le racontions dans Libération.

En revanche, «en Chine, en Inde, et sur la côte Est des Etats-Unis, les excès de CO sont plus liés aux émissions de combustion produites par l'utilisation des fuels fossiles», précise-t-il. Par ailleurs, Frédéric Chevallier, chercheur au LSCE, rappelle que les particules se déplacent, ce qui explique qu'on retrouve des taux de concentration particulièrement élevés au milieu de l'océan, par exemple. «Le CO a une durée de vie assez courte, autour de deux mois. Mais en deux mois, les particules vont avoir le temps de quitter le continent américain», explique-t-il.

Il est aussi possible d'avoir un aperçu de la situation en Amazonie grâce à l'outil worldview de la Nasa (d'où proviennent les données sur le taux de CO mises en image par Windy). Comme nous l'avions indiqué dans une réponse précédente, les images de la Nasa montrant, telle une photo, un nuage de fumée au-dessus de la région amazonienne ont été relayées dès le début du mois d'août par un chercheur de l'agence, Santiago Gassó, afin d'alerter sur la présence d'un corridor de fumée en raison des incendies. Il est toutefois plus difficile sans un œil expert de comprendre exactement quel est l'état du feu, sans filtrer sa recherche avec les différents indicateurs que propose le portail (concentration en CO, températures anormales, ou l'épaisseur optique de l'aérosol).

Ce type d'image est aussi proposé par le National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA).

Le service de données européen Copernicus propose plus directement de suivre l'évolution des incendies, sur une carte. L'indicateur utilisé cette fois-ci est le «nuage de combustion de la biomasse» qui permet de suivre plus précisément les incendies dans le monde (et pas seulement le taux de concentration en CO). «Ils utilisent une vue de l'espace, ils voient l'énergie dégagée par les feux et déduisent la constitution de ce qui brûle [dont le taux de CO, mais pas uniquement, ndlr]», explique Frédéric Chevallier. Les données ne sont donc pas directement récupérées par des capteurs – comme cela peut être le cas pour les mesures de qualité de l'air d'une ville par exemple – mais sont déduites grâce à différents calculs et mesures.

Sur la version complète de la carte (en date du 20 août), on retrouve des nuages de combustion de la biomasse dans le sud-ouest de l'Afrique et en Sibérie (mais pas aux Etats-Unis ni en Chine).

Cordialement

Pour aller plus loin :

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