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Politique

Comment Macron veut faire du fort de Brégançon une Elysée méditerranéenne

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Ce lundi, Emmanuel Macron reçoit Vladimir Poutine au fort de Brégançon. Si le chef de l'Etat tend à faire du lieu de villégiature présidentiel un outil diplomatique à part entière, certains de ses prédécesseurs ont déjà voulu faire de l'endroit une annexe de l'Elysée, connaissant des fortunes diverses.

Solidement accroché à son rocher, coincé entre Le Lavandou et Bormes-les-Mimosas, le fort de Brégançon a connu du mouvement depuis que le général de Gaulle, qui n'aimait pourtant pas l'endroit, en a fait une résidence officielle de la présidence de la République, et son premier lieu de villégiature.

"Cadre plus intimiste"

Ce lundi, Emmanuel Macron y reçoit le président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, en prélude à un G7 dont ce dernier est exclu. Fixer rendez-vous au chef d'Etat russe dans ce château accoudé à la Méditerranée, où il a eu le temps de prendre ses aises, est une manière pour Emmanuel Macron de donner aux discussions bilatérales un tour qu'il espère avantageux:

"Brégançon est un symbole de la puissance de la France. Emmanuel Macron est très sensible à la dimension quasi psychologique des relations qu’il entretient avec ses homologues étrangers", explique dans le livre Guillaume Daret, Le Fort de Brégançon. Histoire, secrets et coulisses des vacances présidentielles, une proche du chef de l'Etat. 

L'Elysée avait prévenu. En juin 2018, un membre de l'entourage du président de la République vantait auprès du Parisien le "cadre plus intimiste" de Brégançon, le comparant au "Camp David" des présidents américains. Comme ceux-ci, Emmanuel Macron a d'ores et déjà fait de la maison de campagne de la République un théâtre diplomatique. L'an passé, il y passait quelques heures avec celle qui était alors la Première ministre britannique, Theresa May. La conversation avait alors roulé sur un Brexit dont l'accomplissement se compliquait déjà. 

Helmut Kohl et François Mitterrand.
Helmut Kohl et François Mitterrand. © PIERRE CIOT / AFP

2004: Chirac et Bouteflika prennent leur temps 

Il faut attendre près de 20 ans pour que Brégançon serve à nouveau de décor à une entrevue internationale. Le 16 août 2004, le fort abritait le rabibochage de Jacques Chirac et de son homologue algérien Abdelaziz Bouteflika. Signe des temps, et du caractère jouisseur des deux hommes, le déjeuner s'était étiré sur quatre longues heures dans "un climat excellent et une ambiance très chaleureuse", proclamait l'Elysée. 

Certaines déclarations du natif d'Oujda avait pourtant de quoi plomber l'atmosphère. Jacques Chirac avait notamment peu apprécié les propos d'Abdelaziz Bouteflika, en 2000, décrivant les harkis comme des "collaborateurs". 

Jacques Chirac et Abdelaziz Bouteflika dans l'un des salons du fort.
Jacques Chirac et Abdelaziz Bouteflika dans l'un des salons du fort. © ELYSEE / AFP

2008: le bain de foule de Condoleezza Rice

Quatre ans plus tard, le personnel a changé. Dans le rôle de l'hôte, on retrouvait désormais Nicolas Sarkozy et dans celui de l'invitée, Condoleezza Rice, secrétaire d'Etat des Etats-Unis. Le Français et l'Américaine s'installaient dans la cour de la bastide provençale peu après que la Russie avait envahi la Géorgie. Condoleezza Rice s'était échappée de ce difficile dossier pour un bain de foule impromptue.

Interrogé par France 2 sur les vertus du fort de Brégançon, le journaliste Patrice Duhamel a estimé que les dirigeants pouvaient tirer parti de la solitude des lieux: "Ils sont isolés et peuvent se dire les choses en face, même les plus désagréables". 

Nicolas Sarkozy et Condoleezza Rice dans la demeure varoise.
Nicolas Sarkozy et Condoleezza Rice dans la demeure varoise. © PHILIPPE LAURENSON / POOL / AFP

Un lieu qu'on partage avec son Premier ministre... à ses risques et périls

Mais si le manoir méridional se rapproche du "Château" du 8e arrondissement, c'est aussi parce que le président de la République y convoque son Premier ministre de temps à autre. Un geste qui ne semble pas toujours bien inspiré. Ainsi, comme l'a remarqué la chaîne publique, Jacques Chirac s'était senti humilié lors de sa réception à Brégançon le 6 juin 1976, contraint de discourir assis sur une simple chaise devant un Valéry Giscard d'Estaing confortablement installé dans son fauteuil, la solennité et l'intimité du moment de surcroît mises en péril par la présence d'un professeur de sport. 

En 2010, le schéma était inverse. Pour une fois, le Premier ministre en remontrait à son supérieur. Invité à rejoindre Nicolas Sarkozy dans le Var tandis que Paris bruissait de rumeurs de remaniement et après trois années à subir les avanies de l'Elysée, François Fillon s'était rendu sur place avec une veste décontractée, tranchant avec les costumes-cravates alentours. 

  • Il portait alors une "forestière", soit l'un des articles les plus célèbres du tailleur parisien Arnys, là même d'où Robert Bourgi fera sortir les costumes qui contribueront à envoyer sa campagne présidentiel par le fond en 2017. 

Enfin en 2014, se voulant "lucides et combatifs", François Hollande et Manuel Valls avaient pris place autour d'une table du jardin local pour y discuter croissance, ou plutôt absence de croissance, et situation internationale. Edouard Philippe n'a pas encore eu droit à cet honneur. 

Robin Verner