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L'incroyable histoire des wagons de l'Orient-Express que la SNCF veut remettre sur les rails

La SNCF expose ce mercredi à Paris des wagons de l'emblématique Orient-Express. La compagnie ferroviaire, qui a acquis 16 voitures au total, envisage de refaire rouler le train le plus célèbre du monde.

Et si l'Orient-Express roulait à nouveau? La SNCF veut réveiller le mythe en rénovant ses plus belles voitures art déco et en s'associant à Accor pour exploiter la marque, avant, peut-être, de remettre le célèbre train sur les rails. Événement phare de l'opération portes-ouvertes "Vive le train!" qu'il organise cette semaine, le groupe public expose mercredi sept voitures des années 1920 Gare de l'Est à Paris, après quatre années d'une méticuleuse restauration. Tous les créneaux de visite sont d'ores et déjà complets.

Trois wagons-restaurants et quatre voitures-salons

Les puristes retiendront que seuls trois wagons-restaurants ont appartenu à l'Orient-Express qui a circulé de 1883 à 1977 entre Paris et Constantinople/Istanbul, par Vienne d'abord, puis par Venise. Ces voitures du train le plus célèbre de l'histoire (avec le Transsibérien) associent laques, dorures et marqueteries dans un douillet décor de bronze, de cuivre et de bois. On y croisait les grands de ce monde, des diplomates, des espions et des marchands...

Plus spectaculaires encore, les quatre autres voitures-salons exposées n'allaient pas jusqu'aux rives du Bosphore. "Le matériel de la Compagnie internationale des wagons-lits était interchangeable entre les différents trains. Elle n'utilisait pas de voitures-salons sur les grands express européens", explique Arthur Mettetal, le responsable du patrimoine. "Celles-ci étaient réservées pour des trajets plus courts, comme sur le Train bleu vers la Côte d'Azur".

C'est pourtant dans ces voitures-salons Pullman qu'a été tourné le Crime de l'Orient-Express en 1973. "Du coup, cette voiture est devenue le ‘style Orient-Express’ dans l'imaginaire collectif, avec les marqueteries en bouquets de fleurs, le bar et le piano. En fait, c'est le cinéma qui a provoqué ça", relève l'historien. La SNCF assume, appelant désormais le tout "Pullman Orient-Express".

Des wagons récupérés sur une voie de garage en Pologne

La SNCF a retrouvé les wagons de l'Orient-Express sur une voie de garage à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie, qu'elle a fini par racheter et rapatrier en France. "Cela a pris trois ans pour les ramener", raconte l'historien Arthur Mettetal, responsable du patrimoine chez Orient-Express (filiale de la SNCF, propriétaire de la marque, et d'Accor), qui a redécouvert les précieuses voitures.

Un peu d'histoire: à la disparition de l'Orient-Express historique (Paris-Istanbul) en 1977, deux entrepreneurs fous de trains en rachètent des voitures pour poursuivre l'aventure. L'Américain James Sherwood fonde ainsi le Venice-Simplon-Orient-Express, désormais exploité par le groupe Belmond -qui vient d'être racheté par le géant du luxe LVMH- entre Calais, Paris, Vérone et Venise.

Le voyagiste suisse Albert Glatt met de son côté sur les rails un Nostalgie-Istanbul-Orient-Express, qui sombrera en tentant d'aller jusqu'à Tokyo par les voies du Transsibérien. Ce dernier train était tombé dans l'oubli, jusqu'à ce qu'Arthur Mettetal ne parte à sa recherche. Il s'agissait au début surtout de faire un inventaire des voitures de la Compagnie internationale des wagons-lits pour sa thèse, explique-t-il. "Il en reste une centaine!"

Des recherches documentaires, des discussions avec des passionnés, des échanges avec des anciens de la Compagnie des wagons-lits et une providentielle vidéo sur YouTube lui ont permis de localiser le fameux "train Glatt" dans une localité polonaise appelée Malaszewicze. "Il y a plusieurs endroits qui s'appellent comme ça en Pologne", relève l'historien. "Heureusement, pour faire des repérages, Google Maps et Google 3D, c'est juste le paradis!"

Rachetés pour quelques millions d'euros

Ces recherches lui ont permis de retrouver début 2016 un convoi de treize voitures qui semblait correspondre sur une zone de transbordement à la frontière biélorusse, un endroit où l'écartement des voies change. "On est allé voir et on est tombé dessus. Et c'était chouette", jubile-t-il. Ces voitures étaient dans un état étonnamment bon. "Aucun tag, très peu de dégradations. Il y a eu des vols de cuivre, mais les panneaux de verre Lalique, qui sont pourtant facilement démontables, étaient intacts."

Ont suivi des négociations passionnées avec le propriétaire allemand, dont la rame était immobilisée là depuis 2008. Orient-Express a fini par racheter le train en juillet dernier -pour "quelques millions d'euros", selon le patron de la SNCF Guillaume Pepy. Les précieux wagons ont été depuis acheminés -par la route- à Clermont-Ferrand, pour être examinés.

Pepy veut refaire rouler l'Orient-Express

Trois autres voitures ayant été récupérées chez le même propriétaire, Orient-Express en a donc acquis seize, détaille Arthur Mettetal: neuf voitures-lits, quatre salons, une voiture-douche et deux fourgons. "On étudie aujourd'hui les différentes pistes possibles pour l'avenir de cette rame", dit-il, prudent: "une rame patrimoniale, une rame commerciale, un mix des deux, un musée..."

Au-delà de la simple restauration, une adaptation au confort contemporain pourrait en effet coûter très cher. Si Guillaume Pepy ne cache pas son "envie" de refaire rouler l'Orient-Express, aucune décision n'a encore été prise.

"Il faut d'abord faire le diagnostic de l'état des voitures pour regarder dans quelles conditions elles pourraient à nouveau rouler, dans quelles conditions elles pourraient être conformes aux spécifications de sécurité qui sont en vigueur dans toute l'Europe", souligne-t-il. "C'est ce travail technique qu'on est en train de faire, et j'espère qu'on pourra prendre une décision positive cet été."
Paul Louis avec AFP