Un Français sur deux est-il au chômage au moment de la retraite ?

Les opposants à une réforme qui allongerait les carrières avancent régulièrement qu’un sénior sur deux n’a plus de travail au moment de prendre sa retraite.

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Temps de lecture : 3 min

« La moitié des gens qui arrivent à la retraite sont au chômage. » C'est ce qu'affirmait Jordan Bardella, président du Rassemblement national, durant la campagne présidentielle. Cet argument est souvent brandi par ceux qui s'opposent à toute réforme du système de retraite qui allongerait la durée des carrières. Les responsables de La France insoumise le reprennent régulièrement pour justifier leur volonté de revenir à la retraite à 60 ans après 40 annuités de cotisations pour tout le monde.

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Michael Zemmour, professeur d'économie à l'université Paris-I, spécialiste de la protection sociale, explique, pour sa part, dans une interview accordée à L'Humanité, « qu'une personne sur deux » n'a plus de travail au moment où elle prend sa retraite. Ce qui voudrait dire qu'allonger les carrières risque encore plus de dégrader leur situation. Une étude publiée en février par le régime complémentaire des salariés du privé, l'Agirc-Arrco, auquel cotisent 96 % de la population française au moins une fois dans sa vie, montre pourtant que l'affirmation de Jordan Bardella est grossièrement exagérée.

En 2020, 63 % des nouveaux retraités ayant cotisé, à un moment ou à un autre au régime complémentaire, étaient bien en emploi l'année précédant leur départ à la retraite. Ils occupaient un poste essentiellement dans le secteur privé, pour plus de 43 %, mais pas seulement. Ces jeunes retraités étaient aussi issus du secteur public (12 %) ou étaient non-salariés (6 %) ; 1 % d'entre eux travaillait précédemment dans un régime spécial.

Qu'en est-il pour les 40 % de nouveaux retraités de 2020 restants ? Que faisaient-ils l'année précédant leur retraite ? Étaient-ils au chômage comme l'affirme le président du RN ? En réalité, seuls 11,5 % pointaient à Pôle emploi. Précisons qu'ils peuvent avoir occupé un emploi une partie de l'année précédant leur retraite, mais qu'ils ont été au chômage par la suite. C'est le cas de 23 % d'entre eux dans les 12 mois avant la retraite, 42 % dans les 24 mois et 62 % dans les 36 mois avant la retraite. 6,5 % supplémentaires étaient en invalidité ou en maladie. Soit près de 20 % des nouveaux retraités.

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Plus de femmes

Q'en est-il des près de 20 % restants (catégorie « autre » du graphique) ? Ces personnes n'ont acquis aucun nouveau droit à la retraite l'année précédant leur départ. « Ils représentent, décrit l'Agirc-Arcco, les personnes éloignées du marché du travail français et non identifiées comme percevant des indemnités chômage, des indemnités journalières maladie, une rente d'invalidité ou d'incapacité. Ils regroupent diverses situations telles que le chômage de longue durée non indemnisé ne remplissant pas les conditions d'acquisition de trimestres, les personnes au foyer, les personnes parties vivre à l'étranger, qu'elles occupent un emploi ou non. »

Il s'agit d'une population plus féminisée que les autres (60 % d'entre eux sont des femmes). « Plus d'un nouveau retraité sur quatre de cette catégorie perçoit une pension au titre de l'invalidité ou de l'inaptitude. » Ces personnes peuvent toucher les minima sociaux comme l'AAH (Allocation aux adultes handicapés) ou le RSA (Revenu de solidarité active). « Il peut également s'agir de personnes ne percevant ni revenu personnel ni minimum social, mais étant en couple avec un conjoint ayant lui-même des ressources », souligne l'étude. Près de 30 % des personnes de cette catégorie (en dehors de celles qui travaillaient à l'étranger) se voient appliquer le taux maximum de CSG, calculé au niveau du foyer, sur leur pension. À l'inverse, ils sont près de 40 % à avoir une pension faible, avec un taux de CSG nul. Dans cette catégorie disparate, 6,8 % vivent à l'étranger, dont 4 % occupent un emploi.

« 40 % des salariés aujourd'hui, quand ils arrivent à la retraite, ne sont déjà plus au travail », arguait, en 2019, le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger. C'est déjà plus proche de la réalité. Mais il faut tenir compte des femmes au foyer ou des personnes parties à l'étranger.

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Commentaires (37)

  • JacquesChabanDelmas

    Le problème de compétitivité vient du faible nombre d'heures de travail effectif en France pendant toute une vie : entre des études inutiles à rallonge qui entraînent une entrée tardive dans la vie active, un départ à la retraite prématuré, un taux de chômage élevé, les congés payés et les RTT... Les Français travaillent beaucoup moins que les autres Européens (sans parler des autres bien sûr), dans un monde ultra concurrentiel. Nous ne sommes pas encore sous un régime franquiste dont rêve le RN ou sous un régime marxiste qui fait fantasmer LFI, mais nous y en sommes beaucoup plus près que du fameux "ultra-libéralisme" qui n'a jamais existé en France depuis Colbert.

  • HOLLYWEB

    Combien de mes connaissances ou amis on construit autour d’un départ qui leur permettaient d’aller jusqu’à la retraite en touchant de juteuses indemnités chômage…honteux que cela puisse être possible, bref tout cela est du cinéma bien orchestré par un état providence. Quel politique aura un jour le courage de jeter une grenade dans ce bourbier dont tout le monde se satisfait. Hypocrites …va !

  • BOCITRON

    Relativité c'est ce qu'il faut admettre tant les situations sont disparates, compliquées et donc propices aux exploitations politiciennes trop habituellement malhonnêtes mais qui font mouche.
    Donc à la limite 40 % serait plus proche de la réalité, c'est déjà beaucoup ; et le ressenti s'en empare.
    Mais alors pourquoi laisser se développer ces notions inexactes ?
    Quand c'est possible un départ progressif dans beaucoup de cas est une bonne formule à divers titres. Difficile d'accepter une réduction de rémunération dans beaucoup de cas.
    Je ne parle pas de Boloré et bien d'autres y compris politiques.
    Ces deniers en montrent-ils l'exemple ? Non, cela se saurait.
    Pourtant les retraites de par leurs carrières sont... Très confortables
    l'Eat est très dispendieux en ce domaine, davantage que pour les profs ou urgentistes, mais ce sont les cheminots qui font grève comme à chaque départ ou retour de vacances.
    Vous avez dit chantage ? Aubaines ?
    Allons donc : Mauvais esprit ou ressenti.