ÉTATS-UNIS - Les opérateurs de téléphonie mobile AT&T et Verizon vont finalement retarder temporairement le déploiement de la 5G autour de “certains aéroports” aux États-Unis afin d’éviter le potentiel “chaos” craint par les acteurs du transport aérien.
AT&T et Verizon devaient activer la nouvelle technologie d’internet mobile ultra rapide dans l’ensemble du pays ce mercredi 19 janvier. Mais l’autorité américaine de l’aviation, la FAA, s’inquiète de possibles interférences entre les fréquences utilisées par la 5G et celles utilisées par des instruments de bord essentiels à l’atterrissage des avions dans certaines conditions, et a exigé des ajustements.
La FAA a pour l’instant validé l’utilisation de certains modèles radioaltimètres et donné son aval pour 48 des 88 aéroports américains les plus directement affectés par les risques d’interférences, imposant donc encore des restrictions dans certains cas.
La 5G activée dans le reste du pays
Les patrons de dix sociétés de transport aérien avaient appelé lundi les autorités à intervenir “immédiatement” afin d’empêcher “une importante perturbation” du trafic. Ils demandaient notamment de ne pas déployer la 5G dans un rayon de 2 miles (3,2 km) autour des aéroports.
Dans ce contexte, AT&T et Verizon, qui ont déjà repoussé à plusieurs reprises le déploiement de cette technologie depuis décembre, ont accepté de différer temporairement l’activation de tours de téléphonie mobile autour de certaines pistes d’aéroports, tout en maintenant le lancement de la 5G dans le reste du pays.
La FAA s’attend à ce que cela réduise le gros des annulations et retards redoutés par les compagnies mais anticipe toujours des conséquences en raison des limitations liées à certains radioaltimètres, selon des responsables du secteur.
Emirates suspend ses vols vers 9 destinations
United Airlines a indiqué être dans l’immédiat dans l’attente de détails pour comprendre l’impact sur ses opérations. Southwest n’avait pour sa part pas encore annulé de vols en prévision du déploiement de la 5G, notamment car les restrictions imposées par la FAA ne s’appliquent que dans certaines conditions météorologiques dans certains aéroports.
Emirates, la compagnie aérienne de Dubaï, a elle suspendu ce mercredi ses vols vers neuf destinations aux Etats-unis, invoquant des “inquiétudes opérationnelles”. La mesure s’applique ”à partir du 19 janvier 2022 et jusqu’à nouvel ordre”, a précisé Emirates dans un communiqué, citant neuf aéroports : Boston, Chicago, Dallas Fort Worth, Houston, Miami, Newark, Orlando, San Francisco et Seattle. L’une des plus grandes compagnies aériennes au monde pour les vols long-courriers, continue toutefois de desservir New York, Los Angeles et Washington.
Selon le Wall Street Journal, quelques compagnies basées hors des États-Unis, dont Japan Airlines et Air India, ont égaement bien annulé certains vols à destination du pays.
Perturbation du trafic aérien
Joe Biden a remercié dans un communiqué les deux opérateurs pour cette décision, qui évite selon lui des perturbations “potentiellement dévastatrices” du trafic aérien tout en permettant l’activation de l’immense majorité des tours de téléphonie mobile prévues pour la 5G, élément essentiel pour la compétitivité du pays.
Les deux opérateurs regrettent pour leur part que les autorités aient mis autant de temps à réagir à ce déploiement de la 5G, prévu depuis au moins deux ans.
La FAA et les compagnies aériennes du pays “n’ont pas été capables de résoudre la problématique de la 5G autour des aéroports alors même qu’elle a été déployée de façon sûre et efficace dans plus de 40 autres pays”, a souligné un porte-parole de Verizon dans un message transmis à l’AFP. “Nous sommes frustrés par l’incapacité de la FAA à faire ce que près de 40 pays ont fait”, a abondé AT&T dans un message séparé.
Des fréquences proches de celles des radars
La problématique a commencé à prendre de l’ampleur en novembre, après la publication par la FAA d’un bulletin sur les radioaltimètres, des instruments mesurant la distance séparant l’avion du sol pouvant être essentiels en cas de mauvaise visibilité.
Certaines fréquences attribuées pour plusieurs dizaines de milliards de dollars début 2021 à AT&T et Verizon pour le déploiement de leur 5G, qui vont de 3,7 à 3,98 gigahertz (GHz), sont en effet proches de celles utilisées par ces radars, qui fonctionnent dans le spectre des 4,2 à 4,4 GHz. Ce faible écart de 0,2 GHz pourrait créer des interférences.
S’il n’y a pas de risque d’interférence directe, la puissance d’émission des antennes 5G ou une partie des émissions dirigée vers le haut pourrait poser problème à certains altimètres susceptibles d’être brouillés par ces fréquences proches.
Pour la présidente de l’agence américaine en charge des télécoms (FCC), Jessica Rosenworcel, le déploiement de la 5G “peut coexister en toute sécurité avec les technologies de l’aéronautique”.
L’Europe pas concernée par ce problème
Il est désormais “essentiel” que la FAA termine son évaluation et résolve toutes les préoccupations encore en suspens “avec soin et rapidité”, a-t-elle estimé dans un communiqué.
Ce sujet est toutefois purement américain, assurait Guillaume Faury, le patron d’Airbus, début janvier: “Ce n’est pas un sujet mondial ou européen, c’est vraiment un sujet spécifique sur l’utilisation de la 5G et sa mise en œuvre aux États-Unis en termes de bandes de fréquences et de puissance.”
En Europe, la bande-cœur de fréquences pour la 5G a été délimitée entre 3,4 et 3,8 GHz, des fréquences moins proches de celles des radioaltimètres qu’outre-Atlantique.
En Corée du Sud, pays très en pointe dans le déploiement de cette technologie mobile, les fréquences 5G ne vont pas au-delà de 3,7 GHz. Le Japon, qui permet à ses opérateurs d’aller jusqu’à 4,1 GHz, ne prévoit “aucune mesure d’atténuation au-dessous de 4 GHz -c’est-à-dire aucune restriction dans le spectre où se dérouleront les opérations 5G aux États-Unis-, et il n’y a pas eu de déclarations d’interférences”, plaide le CTIA, l’organisme regroupant les acteurs de la téléphonie mobile américains.
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