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«Ce gosse est un fantôme!» : à Bobigny, une mère jugée pour la mort en 2019 de son bébé de 4 mois

Jugée pour «violences mortelles» devant la cour d'assises de la Seine-Saint-Denis, à Bobigny, la mère de Youssef encourt 30 ans de réclusion criminelle.
Jugée pour «violences mortelles» devant la cour d'assises de la Seine-Saint-Denis, à Bobigny, la mère de Youssef encourt 30 ans de réclusion criminelle. KENZO TRIBOUILLARD / AFP

Seule association à s'être constituée partie civile, L'Enfant Bleu-Enfance Maltraitée pointe la responsabilité du Samu social et de la maternité dans ce qu'elle dénonce comme une «terrible affaire d'infanticide.»

Lésions traumatiques résultant du syndrome dit du «bébé secoué», traces de violences, signalements auprès du Samu Social… Autant de signaux avant-coureurs qui n’auront pas suffi à sauver la vie d'un enfant maltraité. L'«affaire» du petit Youssef fait partie de ces drames déchirants dont on veut croire qu'ils auraient pu être évités.

Ce mardi 18 janvier et pour trois jours, s'ouvre devant les assises de la Seine-Saint-Denis, à Bobigny, le procès de la mère de Youssef, accusée de «violences mortelles» en 2019. Pour L'Enfant Bleu-Enfance Maltraitée, seule association à s'être constituée partie civile, il est primordial que ce procès «interpelle sur les mesures qui permettraient d'éviter autant que possible que de tels drames se produisent à nouveau.» Car aux violences répétées de sa mère, Youssef n'aura survécu que 146 jours.

Tout commence en décembre 2018. Arrivée d'Espagne, seule, enceinte de huit mois et sans parler français, Nina* est prise en charge et hébergée par le Samu social dans plusieurs hôtels de la Seine-Saint-Denis, dans des conditions plus que précaires. Le 5 février 2019, la jeune femme accouche à l'hôpital Jean Verdier de Bondy d'un enfant souffrant d'hypotonie musculaire.

Aucune aide éducative ni aucun suivi

En dépit de son isolement, de la précarité dans laquelle elle vivote mais surtout du diagnostic réalisé sur son bébé, la jeune maman quitte la maternité comme une patiente ordinaire, sans qu'aucune aide éducative ni aucun suivi ne lui soient proposés par les services de l'aide sociale à l'enfance. «On laisse repartir dans la nature une mère qui parle à peine le français avec un nourrisson à l'état de santé fragile, et cela ne semble choquer personne ? C'est incompréhensible», déplore Laurence Micallef-Napoly, avocate de L'Enfant Bleu au procès.

Dans les semaines suivant l'accouchement, le réceptionniste d'un l'hôtel social de Sevran - où Nina et le petit Youssef sont hébergés - effectue plusieurs signalements auprès de l'opérateur de réservation du Samu Social, pour faire part du comportement violent de la mère et des négligences répétées envers son fils. Ce dernier indique également que la mère laisserait régulièrement son nouveau-né seul dans la chambre de 10 mètres carrés qu'ils partagent. Une main courante d'intervention mentionnera le déplacement de la police pour ces faits sans que cela ne conduise jamais à une quelconque mesure, mis à part le changement d'hébergement de la mère et de son enfant.

« Certains parents se retrouvent avec des mesures éducatives sur le dos alors qu'ils n'ont rien à se reprocher, notamment dans des affaires de maladie des os de verre, et là c'est tout à fait l'inverse. Il y a une absence totale d'intérêt pour cet enfant. Ce gosse est un fantôme! »

Laurence Micallef-Napoly, avocate de la partie civile pour L'Enfant Bleu au procès.

Dans un communiqué sur l'affaire transmis au Figaro, L'Enfant Bleu dit s'interroger «sur l'existence et l'efficacité des procédures d'alerte au sein du Samu social, structure pourtant spécialisée dans la prise en charge de populations fragilisées.» Et Me Micallef-Napoly d'ajouter : «Même si eux [Le Samu social] n'avaient pas la structure ou le temps pour faire un signalement, ils auraient au moins pu appeler le 119.» Aucune poursuite n'a par ailleurs été engagée à l'encontre du Samu social de Paris.

Pronostic vital engagé

Le 20 juin 2019, les pompiers sont appelés en urgence par une passante à l'entrée de la station du métro Saint-Ouen, à Paris. Le petit Youssef, alors âgé de quatre mois, vient de chuter dans les escaliers. Sa mère explique qu'après avoir détaché le cosy de la poussette pour descendre les escaliers conduisant au métro, elle aurait trébuché entraînant dans sa chute son fils qui n'était lui-même pas attaché.

L'enfant est immédiatement conduit à l'hôpital Necker où les médecins constatent des blessures antérieures à l'accident, notamment de nombreux hématomes. Les examens révèlent aussi plusieurs lésions au niveau du cerveau. Le pronostic vital du bébé est engagé. Ce dernier décède finalement à l'hôpital le 30 juin 2019 des conséquences de lésions résultant du syndrome dit du «bébé secoué».

Diagnostiquée schizophrène

Lors de ses auditions, Nina reconnaît avoir commis des actes de maltraitance à l'encontre de son enfant. Les expertises psychiatriques mettront en lumière une femme à la personnalité complexe. Sujette à la dépression, en proie à des problèmes psychiatriques et consommatrice de stupéfiants, la jeune femme aurait par ailleurs été diagnostiquée schizophrène en Espagne, selon sa mère. «Comment la maternité Jean-Verdier et les différents services d'urgence n'ont-ils, pour aucun d'eux, pas réussi à déceler un tel trouble ? Je n'arrive pas à comprendre», s'interroge Me Micallef-Napoly.

Au terme de sa garde à vue, Nina est mise en examen pour «violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner sur un mineur de moins de 15 ans par un ascendant ou une personne ayant autorité sur la victime» et écrouée dans l'attente de son procès. Pour ces faits, elle encourt 30 ans de réclusion criminelle.

Pour une meilleure formation des professionnels de santé

Outre la responsabilité du Samu social et de la maternité dans la prise en charge de la mère et de son nourrisson pointée par L'Enfant Bleu, l'association alerte aussi sur les carences dans la formation des professionnels de santé à la détection de la maltraitance infantile. Pour preuve, les conclusions des experts désignés par le juge d'instruction qui mettent en évidence, à partir du dossier médical de Youssef, deux épisodes de secouements violents.

Or, entre sa naissance en février 2019 et son décès en juin 2019, le nourrisson a été examiné à deux reprises par des médecins aux urgences pédiatriques pour des vomissements et hospitalisé à l'hôpital Robert Debré pour une perte de poids. «Ces symptômes d'apparence bénins auraient pu inquiéter le personnel soignant, s'ils avaient eu l'opportunité de bénéficier d'une formation poussée de la symptomatologie des maltraitances commises sur les nourrissons et particulièrement sur celle des bébés secoués. Néanmoins, aucun signalement ne sera effectué par les équipes médicales suite à ces passages», regrette l'association.

*Le prénom a été modifié


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7 commentaires
  • Biker44

    le

    Quelle tristesse !

  • lynn

    le

    J’ai cru comprendre que le service des urgences pédiatriques que St Denis était fermé… c’était dans le Parisien

  • anonyme

    le

    Quelle horreur ,
    Quelle tristesse ! Pauvre petit ! Comment se peut il que personne n’ait réagi avant !! Il aurait sûrement pu être sauvé.

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