Epidémie

Covid-19 : un patient admis en réa toutes les dix minutes, les soignants peuvent-ils tenir le rythme ?

La pandémie de Covid-19 en Francedossier
Alors que les soignants se mobilisent pour défendre leurs conditions de travail, la cinquième vague de Covid commence à se faire sentir à l’hôpital. Le ministère de la Santé promeut la vaccination et le maintien des gestes barrières pour y remédier.
par Olivier Monod
publié le 3 décembre 2021 à 19h12

«En France, actuellement, c’est un patient qui est admis en réanimation toutes les dix minutes, jour et nuit.» Ce vendredi, vu l’explosion des cas d’infection en France, Olivier Véran a ostensiblement fait le choix de l’électrochoc. «La cinquième vague liée au variant delta monte vite, on est bien au-delà de la quatrième vague et on est même en train de rejoindre le pic de la troisième vague», a souligné le ministre des Solidarités et de la Santé sur France Info. En première ligne depuis plus de dix-huit mois face à une épidémie dont on ne voit toujours pas le bout, il est bien placé pour le savoir : les hôpitaux sont dans une situation fragile.

Avec ce coup de semonce, Olivier Véran veut booster la vaccination et le respect des gestes barrières, en espérant que cela suffise pour mettre un coup d’arrêt à l’épidémie et alléger le travail de soignants lessivés. «Nous avons encore notre destin entre nos mains. Il nous appartient à nous de changer nos comportements», martèle le ministre, parlant pêle-mêle d’aération des réunions, de gel hydroalcoolique et de pots de fin d’année à annuler. Mais où en est réellement l’épidémie ? Et la stratégie gouvernementale permettra-t-elle de réduire le pic épidémique ?

Hausse du nombre de cas

Dans son point hebdomadaire de jeudi, Santé publique France (SPF) explique que le taux d’incidence bondit encore de 61 %, s’établissant à 311 cas pour 100 000 habitants. Une hausse notamment portée par les plus jeunes puisque l’incidence chez les 0-9 ans est en hausse de 85 % et de 76 % chez les 10-19 ans. Sur le critère du nombre de cas, la quatrième vague de cet été (23 473 cas au plus haut) est dépassée et la troisième du printemps dernier (34 992) le sera bientôt.

L’hôpital de nouveau en tension

Le gouvernement l’a suffisamment répété. Son arbitre, c’est la tension hospitalière. Les modélisations de l’Institut Pasteur estiment qu’au rythme actuel, nous atteindrons les 3 000 malades du Covid-19 en réanimation mi-décembre, contre près de 2 000 actuellement. Cette semaine, SPF note des hospitalisations en hausse de 35 %, des admissions en services de soins critiques de 37 % et des décès de 38 %.

Ces taux d’hospitalisation sont encore loin des pics de début de crise, mais l’hôpital n’est plus dans le même état qu’en mars 2020, quand la première vague avait frappé et que jusqu’à 7 000 patients avaient été admis en même temps en soins critiques. Depuis, les personnels de santé ont géré quatre vagues, sans le matériel adéquat parfois. Ils ont négocié un Ségur de la santé jugé insuffisant. Beaucoup ont quitté l’hôpital public, dégoûtés des conditions de travail qui y régnaient. Selon le Conseil scientifique, en octobre dernier, 20 % des lits étaient fermés faute de soignants. Les services pédiatriques ont été mis à genoux par le retour de la bronchiolite. Dans ces conditions, même une vague de Covid-19 amoindrie peut affaiblir les services.

En termes d’admissions en réanimation, le niveau du pic de la quatrième vague est atteint dans neuf des treize régions métropolitaines, selon SPF. Plusieurs hôpitaux du Grand-Est ont déjà déclenché le plan blanc, qui leur permet de solliciter des renforts de personnels et de déprogrammer des opérations. Les taux les plus élevés de nouvelles hospitalisations étaient observés en Provence-Alpes-Côte-d’Azur et en Corse, selon SPF. A contrario, les nouvelles admissions en soins critiques sont stables en Centre-Val-de-Loire et diminuent même en Pays-de-la-Loire.

Un accent mis sur la vaccination

Pour éviter que les services de réanimation ne soient trop sollicités, le pivot de la politique sanitaire du gouvernement est la vaccination. Le suivi des cas contacts n’a jamais vraiment fonctionné en France. Avec moins de 18 % des nouveaux cas connus comme cas contacts, SPF reconnaît qu’«une part croissante des chaînes de transmission n’est pas identifiée par le dispositif». La lutte contre la transmission se heurte au refus de l’exécutif d’investir pour améliorer les systèmes d’aération dans les lieux clos et bondés. Le gouvernement a donc décidé de rendre la vaccination à trois doses obligatoire pour les adultes. Des médecins, comme Christian Lehman dans Libération, craignent que le rappel pour tous ralentisse la troisième dose pour les personnes qui en ont le plus besoin, car elles sont le plus à risque de développer une forme grave du Covid-19. De fait, le système de prise de rendez-vous est saturé.

Olivier Véran a un objectif chiffré global, fourni par les modélisations de l’Institut Pasteur. Il veut 600 000 doses de rappel par jour pour «amputer la vague» en cours. Le ministre de la Santé s’enorgueillit de la dynamique de la campagne de rappel qui génère «plus de vaccinations au mois de décembre qu’en juillet. Un demi-million de Français font leur rappel vaccinal par jour. […] Nous sommes parfaitement dans le modèle demandé par l’Institut Pasteur pour réduire l’impact de cette vague», se réjouit-il. Si un pic à 500 000 doses administrées en un jour a bien été atteint récemment, ce n’est pas encore la vitesse de croisière, qui n’a pas dépassé 400 000 doses en moyenne glissante sur sept jours. Trois quarts de la population sont vaccinés et à peu près autant des plus de 65 ans ont déjà reçu leur troisième dose. Les non-vaccinés représentent toujours la majorité des patients actuellement en réanimation.

A quand le pic ?

Combien de temps les personnels de santé vont-ils devoir tenir ? Olivier Véran évalue le pic de cette cinquième vague d’ici «à la fin du mois de janvier», «si rien ne change». Mais il affirme aussi que «si nous changeons nos comportements au quotidien dès maintenant, que nous recréons de la distanciation sociale nous-mêmes, nous pouvons réduire jusqu’à 20 % la circulation du virus» et passer d’un «pic très élevé à la fin janvier à un pic modéré fin décembre».

Ce calendrier est aussi cohérent avec une cinquième vague qui balaie l’Europe d’est en ouest. Ainsi, la Roumanie, l’Estonie, la Lettonie ou encore la Bulgarie ont connu un pic fin octobre ou début novembre. En ce moment, l’Autriche, la Slovaquie, la Pologne ou l’Allemagne semblent avoir atteint leur pic ou en être proches. La France, elle, devrait suivre avec un décalage de quelques semaines.

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