Interview

Kev Adams : “Je ne sais pas ce que je préférerais : être comme aujourd'hui ou alors être moins vu et du coup moins critiqué, moins au centre de l’attention, moins insulté.”

Kev Adams est à l'affiche du film Haters disponible sur Amazon Prime Video entouré d'un casting de dingue. Mais c'est bel et bien avec l'humoriste et acteur de 30 ans que nous avions envie de discuter de sa carrière pour mieux connaître celui qui se cache derrière les succès et les polémiques. 
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Kev Adams : “Je ne sais pas ce que je préférerais : être comme aujourd'hui ou alors être moins vu et du coup moins critiqué, moins au centre de l’attention, moins insulté.”© Dominique Charriau/Getty Images

C’est dans la chambre 110 de célèbre palace le Royal Monceau que nous avons pu converser près de 30 minutes durant avec Kev Adams. 30, comme l’âge de l’humoriste/comédien Kevin Smadja (ses vrais nom et prénom) qui a connu le succès bien avant ses vingt ans. Sa carrière est donc longue d’au moins d’une décennie, une décennie durant laquelle il s’est passé tant de choses : le succès fulgurant avec des spectacles qui cartonnent en salles et à la télévision, des films qui attirent des millions de spectateurs dans les salles comme Les Profs et Les Profs 2 ou les deux volets d’Aladdin, des collaborations marquantes comme celle avec Gad Elmaleh, des doublages de films d’animation comme La Famille Addams ou Les Croods, de la production comme pour son prochain film à l’affiche en 2022 Maison de retraite avec, entre autres, Gérard Depardieu, mais également des polémiques, des critiques, des reproches. C’est tout cela qui a conduit Kev Adams à jouer le rôle de Thomas dans le film Haters disponible sur Amazon Prime Video à partir du 3 décembre, le rôle d’un YouTubeur adulé de tous jusqu’au jour où il rate une vidéo. Il prend alors un torrent de violence sur les réseaux sociaux, des messages d’insultes, des désabonnements de sa chaîne de YouTube. Comme cela représente toute sa vie, il décide de partir à la rencontre d’une dizaine de haters pour se confronter à eux, comprendre et faire la paix. Évidemment, au gré de ses rencontres avec des personnages joués par Franck Dubosc, Jean-Claude Van Damme, Fred Testot, Elie Semoun, Olivier Giroud, Pascal Demelon, Seth Gueko, Audrey Fleurot, Lucien Jean-Baptiste et même William Baldwin, Thomas va se rendre compte de ce qui est vraiment important pour lui dans sa vie. Plutôt drôle dans son ensemble malgré quelques lourdeurs passagères, ce film était l’occasion parfaite pour nous de faire le point lors d’une interview avec Kev Adams, car nous n’avons pas toujours été tendres à son encontre. 

Dans Haters, Kev Adams est “Thomas le lama”, un YouTubeur qui va recevoir un flot de critiques et d'insultes à la suite d'une vidéo controversée.© RUBENS HAZON

Je vais commencer par parler de… nous. Il y a deux ans, vous étiez venu tourner une vidéo dans les locaux de GQ, un “Presqu’en Couv’”, vous vous souvenez ?
Ouais, bien sûr ! Je me suis éclaté. 

Ce qui est assez marrant est que, dans cette vidéo, vous deviez militer pour faire la couverture du magazine mais vous étiez venu en fait pour autre chose : comprendre pourquoi on ne faisait que des articles mauvais sur vous et donc pour faire la paix, comme vous tentez de le faire dans le film Haters avec deux qui vous critiquent anonymement derrière leur écran… 
C’est vrai. Vos articles étaient des horreurs, clairement. Il y avait une vanne dans cette vidéo qui me fait encore beaucoup marrer qui était “les gars si on continue comme ça, votre prochaine couv’ c’est ‘Kevin Adams, sa grand-mère la tainp’”. Ça m’avait beaucoup fait marrer et ça m’avait kiffer que vous l’ayez gardé dans le montage car c’était significatif. Après, il y a moins de mauvais articles depuis cette vidéo, mais je pense que ça va revenir. À un moment, c’était vraiment de l’acharnement. Je me rappelle d’un article qui était “Ces 50 ou 100 humoristes plus drôles que Kev Adams”. (C’était en fait “Ces humoristes 100 fois plus drôles que Kev Adams (mais 100 fois moins connus…)”) J’avais trouvé ça particulièrement à charge puisque, pour le coup, je trouvais ça cool de mettre d’autres humoristes, pas forcément exposés, en avant. Je suis le premier à le faire, j’ai ouvert un comedy club, j’adore mettre des mecs que l’on connaît pas encore sur le devant de la scène, mais là, le coté comparatif, je m’étais dit “Putain, c’est vraiment des enfoirés”. Et puis il y avait un autre genre « Le top 5 des pires films de Kev Adams”, je m’étais dit que quelqu’un m’en voulait chez vous et il faudrait que je comprenne pourquoi. C’est pour ça que c’était cool de faire cette vidéo, il y avait un côté “on règle nos comptes” et en même temps, tout ça reste léger, et ça m’avait fait plaisir. (Nous avons recherché cet article après notre interview et il s’avère que ce n’est pas GQ qui a fait cet article, on ne balancera pas des collègues, on vous laisse chercher sur Internet, ndlr.)

C’est peut-être justement parce que vous êtes venu dans notre rédaction que l’on a fait moins d’articles “mauvais” sur vous depuis, non ?
Je ne pense pas. Ce n’est pas le genre de GQ de dire “Bon, il est venu alors on l’attaque moins.”

En y repensant, c’est vrai que c’était sympa que vous veniez…
Oui. J’avais parlé avec deux gars très très cool.

Thibaud et Antoine…
Exactement. Et ils m’avaient dit justement que le fait que je vienne changeait un peu leur opinion sur moi. Ils ne pensaient que j’aurais, entre guillemets, le courage ou l’humilité de venir chez des gens qui m’avaient critiqué. La discussion était plutôt sympa, et puis ce qui était étonnant est que je me suis retrouvé dans la salle avec deux mecs de ma génération (ils sont en fait plus vieux que Kev Adams, surtout le second, ndlr) à kiffer plein de trucs assez similaires, en termes de cinéma, de pop culture en général. Je me suis dit “C’est dingue l’image que l’on peut renvoyer, que ce soit de la part d’un magazine ou d’un artiste, ça peut être tellement faussé par pleins d’éléments qui fait que, au final, la rencontre ne se fait pas du tout.” Pour être très honnête, je pensais rencontrer des connards finis. Et pour avoir parler avec eux, je peux dire qu’ils étaient cool, alors qu’ils m’ont quand même massacré. 

En fait, comme dans Haters, c’est votre nom qui fait parler. Il est clivant… 
C’est vrai. Ça fait cliquer. C’est assez juste. Je regardais la bande-annonce de Haters, sur Twitter où il y a les rois des haters. Elle est ultra critiquée mais en même temps c’est l’une des plus vues. On a dû faire plus de 200.000 sur Haters alors que les autres font entre 50.000, 60.000, 80.000, 100.000 vues. C’est l’une des plus vues et en même temps c’est la plus critiquée. C’est un peu une bonne synthèse de ma carrière. C’est souvent des trucs très vus dont beaucoup de gens en parlent, avec souvent des grosses critiques, une tonne de messages dégueulasses. Donc c’est juste ce que tu dis me concernant. Je ne sais pas ce que je préférerais en fait : être comme aujourd'hui ou alors être moins vu et du coup moins critiqué, moins au centre de l’attention, moins  insulté. Je crois qu’avec le temps je me suis fait une raison et je suis plus dans un truc de “Pense ce que tu as envie de penser”. Moi je propose, tant mieux si c’est vu, si c’est exposé et tant pis si on critique.

Là vous vous attendez à quoi lors de la sortie de Haters le 3 décembre sur Amazon Prime Video ? 
Il va y avoir une déferlante sur Twitter, c’est sûr. Franchement, je n’ai même plus besoin de m’y préparer. Quand tu vois ce que certains disent de la bande-annonce, tu te dis que eux sont pré-préparés psychologiquement à ne pas aimer le film, Ce n’est pas très grave. Et je pense franchement que le film peut être une bonne surprise pour plein de gens qui pensent que ce sera une espèce de bouse à la française alors que pour le coup c’est un joli film à sketches. J’ai des potes qui sont plutôt durs avec ce que je fais et se sont vraiment marré.

Ça reste l’avis de potes…
Oui, mais tu sais, parfois le potes sont encore plus durs avec toi que les haters. Ils peuvent te dire des choses qui te font vraiment mal car ils te connaissent vraiment bien. Un mec qui écrit “C'est de la merde” dès qu’il y a Kev Adams, je lui dis “Pardonne moi cousin, mais je m’en fous”. Alors qu’un ami qui me dit “Je t’ai beaucoup aimé là-dedans, mais là par contre, c’est chaud ce que t’as fait”, bah tu dors pas pendant deux nuits. Ils te critiquent de façon raisonnée, pas parce que c’est la mode et là tu te demandes ce que tu as raté. Quand il n’y a pas d’insultes, pas de haines, les avis sont toujours bien à prendre.

Votre personnage est dans Haters est tout le contraire : il est très perturbé et concerné par l’avis négatifs d’inconnus mais ne voit pas celui de la personne qui l’aime le plus, sa copine… 
Exactement. Il la réalise au fur et à mesure du process.

Vous étiez comme ça avant ?
Ouais, ouais. Au début… Il faut remettre les choses dans leur contexte en fait : c’est vachement dur quand t’es un artiste pour devenir et avoir une place dans la lumière, c’est une bagarre, une vraie bagarre, qui que tu sois. Qui dit bagarre dit souffrance et dit rejet. Et à un moment donné quand tu arrives à avoir enfin ta place et que tu as des mecs qui disent “Tout ce qu’il fait c’est de la merde, c’est nul, c’est pas du cinéma”, au début tu te dis “C’est quoi le délire ? Qu’est-ce que je vous ai fait pour que vous vouliez absolument casser du sucre, tout le temps être énervé avant même d’avoir vu les trucs ?” Car il faut bien préciser que 70% des gens qui me critiquent n’ont absolument rien vu de ce que je fais. La bonne preuve est qu’il y a deux ans, j’ai fait un sketch où je m’étais déguisé en hater et je me critiquais. Il y avait 4000 commentaires sur Twitter de gens qui disaient “Trop drôle, LOL, enfin un mec qui défonce Kev Adams, trop fort…” Et quand j’ai enlevé mon déguisement à la fin des vidéos, les mêmes disaient “Ah non finalement c’est nul”. Tu vois donc bien que l’on n’est pas dans l’objectivité mais bien dans la méchanceté gratuite. Donc au début, oui cela m’a vachement perturbé et choqué. Mais j’ai de la chance, ça été constant, sur tous mes films, sur tous mes spectacles. Et cela n’a jamais empêché les films de connaître le succès. Avec le temps, je me suis dit que je m’en foutais et à force de le dire, bah finalement je m’en fous vraiment. J’en suis arrivé à un stade où même je me marre pas mal à lire des messages de haters car, il faut le reconnaître, certains sont assez drôles. 

Kev Adams et Estéban, un duo qui ne jure que par la vidéo dans Haters.© RUBENS HAZON

Aujourd’hui, vous avez 30 ans. Est-ce à un moment, plus jeune, vous ne vous êtes pas dit “Mais pourquoi moi ?!”
Complètement. Mais on comprend vite pourquoi. Tu réfléchis et analyses un petit peu. Je fais ce qu’on appelle vulgairement de la comédie populaire, ce n’est pas spécialement le style le plus apprécié par la critique en France, c’est même le plus critiqué et pourtant, paradoxalement, le style le plus vu au cinéma par les Français, le plus apprécié à la télévision aussi. Ça ne date pas  de moi tout ça. J’ai lu une interview bouleversante sur la troupe du Splendid qui te raconte comment Les Bronzés (sorti au cinéma en 1978, ndlr) ont été accueillis à l’époque alors qu’aujourd’hui c’est un des films les plus mythiques de notre histoire, ils te disent : “On s’est fait massacrer la tronche !”. Et ce n’était pas l’époque des haters, Il n’y avait que des journalistes qui disaient “C’est quoi cette daube ?”. C’est dingue… Pareil pour Le Père Noël est une ordure, ou Bienvenue chez les Ch’tis, qui est le plus grand succès de l’histoire de France au cinéma. Donc la comédie populaire a toujours été cible de critiques. Comme j’en fait et que je l’assume à fond, ça doit être une raison de ce “pourquoi moi”. Après, l’autre raison, c’est la jeunesse. J’ai eu la chance de commencer à faire ce métier très jeune, je jouais mon spectacle à l’Olympia à l’âge de 20 ans… Ça agace, ça énerve. Et après, ce que je fais n’est certainement pas parfait, comme plein d’autres gens. Je revois des sketches ou films d’il y a quelques années et, en tant que mec de 30 ans, ça me fait moins marrer. Ou même pas marrer du tout. Au final, un mix de tout ça fait que je suis critiqué. Et ça t’évite de te poser la question “Pourquoi moi ?”. Mais quand tu vois la méchanceté de certains propos qui touchent ta famille, de ton physique… Tu dis, attendez les gars, là on touche plus du tout au film, à l’artistique ni à la qualité de ce que l’on fait. C’est juste être méchant pour être méchant. Et ce film là, je le trouve cool car cela ne touche pas seulement à la notoriété, il y a quelques années seules les stars étaient massacrées sur Internet, aujourd’hui il y a un vrai problème avec le cyber harcèlement, le harcèlement scolaire. Des mômes rentrent chez eux et l’intégralité de leur classe le massacre sur les réseaux en se cachant derrière un pseudo. Ils peuvent le vivre très très mal. C’est un peu la dérive d’Internet : donner la parole à tout le monde, à un moment les gens l’utilisent mal et comme on écoute un peu tout le monde… C’est un message du film : il faut apprendre à jeter le téléphone, pour vivre en paix.

Le casting est assez dingue, et d’ailleurs tous vos haters sont des gens connus sauf votre copine, Clara Joly…
C’était une volonté du réalisateur Stéphane Marelli car tu n’aurais pas cru à l’histoire de l’amour avec elle si cela avait une star. Là, tu y crois. C’est un personnage central du film, c’est elle à la vie qui lui dit qu’il donne son attention aux mauvaises personnes. 

Clara Joly qui joue la copine de Kev Adams dans Haters est l'actrice la moins connue du film. Mais elle a sans doute le rôle le plus important. © RUBENS HAZON

Dans ces 10 sketches, lequel était le plus fou ou drôle à faire ?
Avec Philippe Lacheau, c’était cool, comme avec Sara Forestier, une actrice incroyablement brillante. Rencontrer Olivier Giroud dans un film qui s’appelle Haters, j’ai trouvé ça cool car c’est un des footballeurs les plus critiqués alors qu’il a marqué un nombre de buts incroyable pour la France. Il y a Pascal Demelon, un mec brillant (notre personnage préféré, ndlr). Mais mon passage préféré est celui avec Franck Dubosc. On parlait de comédie populaire tout à l’heure, lui en est un des représentants. Son numéro d’acteur dans le film, ce schizophrène qui a 18 personnes en lui, c’est top. Comme la scène avec Audrey Fleurot et Fred Testot. Il n’y a pas un jour où je n’étais pas heureux en plateau. J’allais un peu au spectacle en fait. Seth Gueko est devenu un pote depuis, à des années lumière de l’image publique que l’on peut avoir. On a fait beaucoup de lecture avec tous les personnages, c’était très écrit, très rythmé. 

Et Jean-Claude Van Damme alors ?
On a pas échangé vraiment, non. C’est une déception de pas rencontrer JCVD mais le fait qu’il ait accepté de jouer dedans, c’est ouf ! Il m’a dit qu’il connaissait bien ce phénomène de haters.

Durant votre carrière, vous avez dû faire face à quelques polémiques : le sketch “Les Chinois”, Aya Nakamura, l’instagrameuse Maeva Ghennam. On vous tombe dessus, vous accusant de racisme, sexisme… Comment vous le gérez ? Il y avait eu cette petite fille qui vous avait dit avoir été choquée par votre sketch avec l’accent chinois…
C’est bouleversant quand une petite fille de 10 ans te dit ça. Toutes ces polémiques m’énervent mais c’est le métier que j’ai choisi. Il n’y a pas de métiers où il n’y a pas d’inconvénients. Je suis dans un milieu où j’ai un paquet d’avantages. 90% du temps je rencontre des gens qui me disent “Kev on t’adore, on kiffe ce que tu fais…” Je me sens bien à 30 piges dans ma carrière, donc j’essaie de relativiser. Mais ce saurait te mentir de te dire que cela ne m’énerve pas. Pour revenir sur chacune des polémiques, car je n’ai absolument aucun souci à le faire, voilà ce qu’il faut savoir. Le sketch des chinois est un truc que l’on fait avec Gad Elmaleh. L’assistante de Gad est d’origine asiatique et le premier truc qu’on lui demande est si elle trouve cela choquant car si ça l’est, on ne le joue pas. Si je ne parle pas de politique et de religion dans mes spectacles ce n’est pas pour offenser sur les races. Elle nous a dit qu’elle trouvait cela hyper drôle, que son père le trouvait génial et qu’il fallait le garder. On termine la tournée, je pars à Los Angeles, nous voilà quatre mois plus tard et tu as les équipe de Clique (émission télé présentée par Mouloud Achour sur Canal+, ndlr) qui sortent cette espèce de polémique de nulle part. Quand je dis de « nulle part », il y a sûrement quelque chose qui a choqué les gens dans ce sketch, ce n’est pas le plus drôle que j’ai fait dans ma carrière, mais c’est fou car ce spectacle a fait 4 millions de téléspectateurs à la télé, on l’a joué devant 400.000 spectateurs et quatre mois après ça sort… J’ai trouvé ça fou, inédit. Normalement tu détruis quelqu’un en live, t’attend pas quatre mois. J’ai vu ça comme une forme de violence. Pareil pour Aya Nakamura (Kev Adams comparait son nom à un sort d’Harry Potter, ndlr). Je fais un sketch, il faut savoir que je suis fan de sa musique, et elle répond avec une violence dingue, puis elle dit que c’est pas elle qui a répondu, et après elle va à la radio et dit “j’aime pas ce gars”. Tu te dis “c’est fou quand même”. Moi je viens d’un école où jamais publiquement je ne permettrai de dire que je n’aime pas un ou une artiste, ne serait-ce que par respect pour les fans qui m’apprécient et apprécient cet(te) artiste. Et puis, là récemment Maeva Ghennam, c’est un non-lieu pour le coup. Je la parodie dans une vidéo car c’est quand même dingue de faire une vidéo où tu te dis que tu refais faire le vagin et dire “J’ai un vagin d’une fille de douze ans”. S’il n’y a que moi que ça fait marrer et réagir, et bien on est dans une société dans laquelle j’ai perdu complètement le contact. Mais j’ai fait le truc. Quelques personnes ont dit c’était honteux de se moquer d’elle mais 90% ont dit “oui, on peut se moquer d’elle”. C’est grave quand même de faire une vidéo où on fait ça. Elle m’a envoyé un message pour me dire que ce n’était pas cool, mais je lui ai dit que si ça lui faisait du mal, j’enlevais la vidéo. Je suis là pour faire marrer, pas pour faire du mal aux gens. Et elle m’a dit de la laisser. Souvent, quand tu creuses un peu dans les histoires, ça part de petites choses, d’incompréhension, de petits malaises qui prennent des proportions énormes. Et encore une fois j’ai l’impression que c’est parce que je suis dedans que ça devient gigantesque et que plein de gens saisissent le truc pour me critiquer. C’est comme ça. Bourvil et Louis De Funès disaient à leur époque : “On ne va pas tendre le bâton pour se faire battre puisque l’on sait qu’il y en a plein qui n’attendent que ça”. Je ne me compare évidemment pas à eux, mais c’est quelques chose qui a toujours existé de péter à la gueule de quelqu'un à la première occasion. Je ne sais pas si j’ai la chance ou la malchance d’en faire partie.

Donc la sempiternelle question “Peut-on rire de tout ?” n’a même plus lieu d’être posée. Il faut faire attention à tout ce que vous dites…
Tout ce qu’on dit, tout ce que l’on fait, oui. On parlait du sketch “Les Chinois” mais il y a d’autres humoristes à qui on a ressorti des sketches aussi. Ahmed Sylla par exemple. On va fouiller ton CV, ton background, la moindre erreur. Alors que l’erreur, l’à peu près, c’est aussi ce qui crée des sketches mythiques donc c’est dommage. Dans le film Haters, Philippe Lacheau dit “Si je ne dis pas que c’est de la merde, personne me retweete”. C’est fantastique comme phrase. C’est toute notre génération résumée là-dedans. Typiquement, GQ si vous écrivez “On a adoré le dernier Wes Anderson”, vous allez faire 9 retweets, alors que si vous écrivez “Kev Adams, son dernier film est la pire des daubes que la France ait portée”, vous allez faire 500 RT. C’est dingue. Et ce n’est pas forcément de votre faute, vous êtes un média, vous avez besoin de clics. On vit dans une époque où on célèbre la critique, le clash avec des millions de clics. Tu as l’impression d’être dans les arènes de la Rome Antique, que les gens veulent du sang, de la haine, de la hargne, voir qui va démonter qui et ça, ça me fait flipper. J’ai un petit frère qui a 15 ans et il ne parle que de qui a clashé qui, qui s’est séparé de qui, “t’as vécu le TikTok de cette fille comme il est horrible”… On est dans une célébration constante de la haine, du clash, de la méchanceté. C’est terrible. J’espère que ce film sera un petit message subliminal pour dire “Est-ce que l’on a vraiment besoin de tant de haine, de méchanceté ? Je ne crois pas.”

On va finir sur une note plus douce, Titanic est toujours votre film préféré ?
Je suis toujours fan, mais ce n’est plus mon film préféré car j’en ai vu d’autres qui m’ont vraiment bouleversés. Mais c’est toujours un film que je trouve fantastique au niveau cinématographique, je suis un grand fan de maquettes et de modélisme depuis que je suis tout petit. James Cameron a fait des trucs dingues à ce niveau sur ce film, je me remets en boucle le making-off de Titanic. À l’époque j’ai vu le disc laser, on voyait James Cameron filmer des maquettes qui faisaient la taille de cette pièce. Quelle prouesse technique. Après, des films m’ont plus touché, bouleversé, comme Le Loup de Wall Street de Martin Scorsese par exemple, qui est un master pièce à tous les niveaux, tout est juste, tout est dingue. Leonardo DiCaprio est au sommet, c’est sans aucun doute mon acteur préféré. Mais pas que. Les décors sont dingues, jusqu’au figurines de son bureau. Le film dure trois heures, tu ne le vois pas passer. Et puis dans un délire plus gamin, plus Metaverse, le sujet du moment, Ready Player One de Steven Spielberg  est un des meilleures trucs qui a été fait ces dernières années. J’ai maté le film 25 fois, avec mon frère, ma mère, ma tante… Je trouve que ce qu’il raconte sur l’époque vers laquelle on se dirige est assez dingue : des mecs de 50 piges qui se battent pour acheter des combinaisons pour aller dans le Metaverse, des mecs qui deviennent énormes car ils ont leur vie rêvée dans un monde parallèle, on vit entassés dans des espèces de canettes car il n’y a plus besoin d’avoir un grand appartement car on a une grande maison dans le Metaverse… C’est fou comme Spielberg était peut-être visionnaire dans ce film-là. Voilà mon Top 3, avec toujours Titanic dedans.