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Cinq mots d’argot qui nous manquent

Bernard Blier et Jean Gabin, deux «
rastaquouères» en vadrouille. Marcel Dole/©Marcel Dole/Bridgeman images

Savez-vous ce qu’est une «bernique» ou un «pignouf»? Le Figaro revient sur ces mots argotiques désuets.

L’argot caractéristique du XIXe et XXe siècles se perd. Ainsi en va-t-il des nuances imagées de la langue populaire des poulbots, d’un Gavroche ou d’une Claudine. S’en souvient-on? Il existait des dizaines de manières de jurer ou de dire son agacement en contournant l’insulte directe ou le juron blasphématoire. La rédaction vous a sélectionné un petit florilège de ces mots «vulgaires» et désuets qui vous feront voyager à travers les âges. Rififi garanti!

• Macache

En 1944, dans son roman Gigi, Colette fait s’exclamer son personnage: «Quant aux mille-feuilles, macache! C’est des génoises glacées!» Cette expression, courante au milieu du XIXe siècle et jusqu’à la première partie du XXe siècle, est issue de l’arabe ma-kanch, qui signifie «il n’y a pas». Rapportée en France après la conquête de l’Algérie par les soldats français, elle prend le sens de «ce n’est rien», «pas du tout» ou encore «impossible» selon les propositions dans lesquelles on l’utilise. Selon le Trésor de la langue française, ce mot peut aussi être utilisé dans l’expression «macach bono» pour signifier le dégoût ou le refus.

• Bernique

Si «bernique» ressemble à «bourrique» ou à «bique», elle n’a de commun avec ces animaux que l’odeur. En effet, le mot «bernique» vient des mots normands «bren» et «bran» qui signifient, dans un langage familier, «excréments», comme le souligne le Trésor de la langue française. Ainsi l’interjection «bernique!» est-elle une véritable grossièreté, un gros mot qui n’en a pas l’air. De quoi jurer discrètement lors de vos prochaines disputes, comme le père Ubu dans l’Ubu roi de Jarry: «Bernique! Débrouille-toi, mon ami; pour le moment, nous faisons notre Pater Noster.»

• Pignouf

«Mufle», «goujat», «butor» pourraient être ses autres noms. Il manque de manières, de finesse, d’à-propos, bref, de distinction. En un mot, ce grossier personnage est l’inverse d’un gentleman. Il viendrait du verbe «pigner» qui signifie «geindre», «pleurer», nous apprend le Trésor de la langue française. C’est sans doute Romain Gary qui en donne la meilleure appréciation dans son roman Europa: «Il faut bien dire que l’argent, avec son côté terre à terre, pignouf et gros sabots, vous confinait solidement dans les deux-et-deux-font-quatre». Dès lors, variez du «rustre» et dites «pignouf»...

• Rastaquouère

«Comment oses-tu me parler d’amour toi, hein, toi qui n’as pas connu Lola Rastaquouère?» Chanté par Gainsbourg, il évoque le mouvement «rasta» des chanteurs de reggae des années 1970 et la Jamaïque. Mais le mot «rastaquouère» est bien plus ancien que Bob Marley. Cette expression apparaît dans la langue populaire française au XIXe siècle et désigne, selon l’Académie française un «personnage exotique qui étale un luxe suspect et de mauvais goût». Il nous vient de l’Hispano-Américain «rastracueros» qui, à l’origine, veut dire littéralement «racleur de peaux», c’est-à-dire «tanneur». Par extension, il désigne un homme sud-américain qui a fait fortune (peut-être grâce au commerce du cuir) et qui fait étalage de sa richesse, comme il en existait beaucoup à la fin du XIXe siècle à Paris.

• Patafioler

Là encore, c’est par la chanson que cet étrange verbe est passé à la postérité. Ainsi Pierre Perret, dans son enfantin Tonton Cristobal chante-t-il: «Mes enfants que la Vierge nous patafiole, plutôt que de revoir un jour sa fiole». «Patafioler», c’est donc maudire, ou bénir, dans un sens ironique. Ce mot vient certainement, selon le Trésor de la langue française, du préfixe «pat-» qui renvoie au mouvement de la main, et du mot «fiole» qui évoque la boisson, peut-être même le vin de messe, ce qui explique la signification de «patafioler» comme «geste de bénédiction» blasphématoire.


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23 commentaires
  • djimmy93

    le

    Sur que ccesr autres choses que le langage wesh

  • zelinote

    le

    Ventrebleu, j'ai les esgourdes ensablées en écoutant ce langage fleuri, tellement plus joli que les anglicismes dont on nous abreuve.

  • 3030183 (profil non modéré)

    le

    Mon père de sa paluche droite fumait des cibiches, et restait toujours en admiration devant une femme qui avait de belles guitares. Paix à son âme.

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