Sécheresse

Iran : les autorités répriment des manifestations à Ispahan

La troisième ville du pays est le théâtre de protestations contre le manque d’eau. Des heurts ont éclaté lors des rassemblements de vendredi. La police antiémeute a été déployée et 67 personnes arrêtées.
par LIBERATION et AFP
publié le 27 novembre 2021 à 18h52

La scène est surréaliste. Quatre hommes devisent à la télévision d’Etat iranienne, assis dans un jardin d’Ispahan, la troisième plus grande ville d’Iran. En fond sonore, on entend les manifestants et des détonations. «Les gens doivent exprimer leurs revendications gentiment et les autorités répondre gentiment», dit l’un des invités.

Depuis plus de deux semaines, l’ancienne capitale safavide est l’épicentre d’un mouvement de protestation contre la sécheresse qui frappe la région, et ce depuis des années. Les contestataires reprochent notamment aux autorités de détourner l’eau de la ville pour approvisionner la province voisine de Yazd, qui manque aussi cruellement d’eau. La rivière emblématique d’Ispahan, le Zayandeh Rud, est entièrement à sec.

Pour la première fois vendredi, la manifestation s’est accompagnée de heurts entre forces de l’ordre et protestataires. Nourodin Soltanian, porte-parole de l’hôpital universitaire d’Ispahan, cité samedi par l’agence de presse Mehr, a fait état de manifestants blessés, dont «deux […] dans un état grave».

«Fauteurs de troubles»

De son côté, la police iranienne, qui a déployé samedi des unités antiémeutes, a annoncé l’arrestation de près de 70 personnes. Un haut responsable, le général Hassan Karami, les a décrits comme des «fauteurs de troubles». «Environ 2 000 à 3 000 émeutiers» étaient présents à la manifestation de vendredi, a-t-il ajouté, et entre «30 000 et 40 000 agriculteurs et habitants».

La police a tiré vendredi des grenades lacrymogènes sur les protestataires qui ont riposté avec des jets de pierre, brisant les vitres d’une ambulance, incendié une moto de police et du mobilier urbain, selon l’agence Fars. «En raison des jets de pierres et de l’utilisation de pétards et de bombes assourdissantes, certains de nos collègues ont été blessés tandis que d’autres l’ont été par des tirs de fusils de chasse», a affirmé le chef de la police d’Ispahan, Mohammad-Réza Mirheidari. «Un policier a également été poignardé mais son état est satisfaisant», a-t-il également déclaré.

La rivière Zayandeh Rud qui traverse Ispahan est à sec depuis 2000, sauf pendant quelques brèves périodes. Elle est devenue le principal lieu de rassemblement des manifestants. Samedi, la ville d’Ispahan était calme, selon des témoins. «J’ai l’habitude de me promener dans le lit de la rivière avec des amies mais aujourd’hui la police antiémeute est déployée en grand nombre près du pont Khadjou et elle demande aux habitants d’éviter ce secteur», a déclaré à l’AFP une quinquagénaire jointe par téléphone.

Jeudi, un accord avait été conclu entre les agriculteurs de la région d’Ispahan et les autorités sur la distribution de 50 millions de mètres cubes d’eau, selon l’agence Fars. D’après cette même agence, une canalisation acheminant l’eau de la province d’Ispahan vers Yazd a été détruite dans la nuit de jeudi à vendredi par un bulldozer, ainsi que trois réservoirs d’eau. En conséquence, l’eau potable dans quelques localités de la province de Yazd a été coupée.

Cet été, un précédent épisode de sécheresse avait entraîné des manifestations dans l’ouest du pays, autour de la ville d’Ahvaz, fragilisée par les transferts d’eau au profit de la région du centre, où se trouve Ispahan.

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