INFILTRATION - Les images sont insoutenables. Dans un communiqué publié mercredi 27 octobre, et accompagné de plusieurs vidéos, l’association de lutte contre la maltraitance animale L214 dénonce les “graves carences des services vétérinaires” et les” nombreuses infractions à la réglementation” dans l’abattoir Bigard de Cuiseaux, dans la Saône-et-Loire.
Pour mettre à jour ces infractions manifestes, l’association a opté pour une méthode à laquelle elle a régulièrement recours: l’infiltration.
“Nous avons reçu plusieurs signalements sur cet abattoir, indique au HuffPost le porte-parole de l’association Sébastien Arsac. Mais c’était compliqué pour les lanceurs d’alerte -salariés ou intérimaires- de filmer ce qui s’y passait en toute sécurité”.
Un membre de l’association, Thomas Saïdi, qui avait déjà infiltré des abattoirs à plusieurs reprises par le passé, s’est donc fait embaucher comme “contrôleur en abattoir”. Il a travaillé au sein d’une équipe de 15 agents des services vétérinaires officiels, avec pour seule expérience deux ans en tant qu’“accrocheur de volailles” dans un abattoir. Il y restera employé pendant quatre mois.
Sans avoir reçu davantage de formation, il s’est ensuite retrouvé seul à contrôler l’abattage rituel au bout d’une semaine, indique L214.
🚨NOUVELLE ENQUÊTE🚨 Infiltré dans un abattoir Bigard, un enquêteur de #L214 a filmé l'horreur: prélèvement du sang s… https://t.co/hwoJjgPBa0
— L214 éthique & animaux (@L214)
Là-bas, il raconte avoir vu des bovins encore conscients être égorgés, suspendus par une patte sans étourdissement pour soulager leur souffrance ou des bêtes gravement blessées -avec une patte fracturée notamment-, attendant 10 heures avant d’être tuées.
“C’est une bonne manière d’enquêter car on connait déjà le fonctionnement des abattoirs et les différents travaux scientifiques”, estime Sébastien Arsac. Thomas Saïdi pouvait donc facilement repérer et signaler des signes que l’animal était encore en vie (clignement d’oeil, respiration, relevé de tête, etc).
On aimerait faire autrement, mais les abattoirs sont de vraies boites noires."
“Son expertise lui permettait de reconnaître des infractions aux règlements, de poser des questions aux vétérinaires et surtout de savoir quand on lui mentait, confirme le co-fondateur de L214. De cette façon, il a tout de suite remarqué que les personnes qui étaient en poste ne lui donnaient pas les bonnes instructions”.
Des risques juridiques?
Pour Sébastien Arsac, l’infiltration permet d’offrir un “point de vue différent” qu’avec un lanceur d’alerte déjà en poste. Concrètement, L214 enquête de trois manières différentes: soit via l’infiltration, comme l’a fait Thomas Saïdi, soit avec un lanceur d’alerte déjà salarié ou intérimaire de l’abattoir ou de l’usine ou encore dans le cadre d’une enquête dite “prétexte”.
“Dans le dernier cas, on va frapper aux portes et on se présente comme des étudiants vétérinaires par exemple, explique Sébastien Arsac qui indique que ça ne fonctionne pas pour les abattoirs, mais plutôt pour les élevages. On aimerait bien faire autrement, mais les abattoirs sont de vraies boites noires.”
Mais les deux premières méthodes ne sont pas sans risques, notamment juridiques. Thomas Saïdi ayant décidé de témoigner à visage découvert, l’entreprise Bigard pourrait décider de porter plainte contre lui au titre de l’article 226-1 du Code pénal qui une personne qui “porte volontairement atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui”. “Peu probable”, estime cependant Sébastien Arsac, qui juge que la société aurait “plus à y perdre qu’à y gagner”.
“On prend des risques, reconnaît-il, précisant qu’avant l’infiltration, conseil a été pris auprès de leur avocate. Mais notre meilleure protection est notre légitimité et le soutien et l’exposition publique dont on bénéficie”.
Plusieurs parlementaires et personnalités ont déjà fait part de leur indignation face à ces nouvelles révélations. Dans un communiqué de presse publié ce jeudi 28 octobre, le ministère de l’Agriculture annonce avoir “ordonné une enquête approfondie des pratiques de cet abattoir” après des “non-conformités manifestes”.
“Les images montrent un certain nombre de non-conformités manifestes, notamment l’utilisation d’un pic électrique au niveau de la tête d’un bovin (...) et d’autres possibles, notamment sur l’abattage de femelles en gestation au-delà du terme autorisé”, précise le communiqué. L’inspection est prévue ce jeudi 28 octobre.
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