Rencontre

Jan Carson : «Utiliser le réalisme magique dans le contexte de l’Irlande du Nord»

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Un terne médecin, un ex-paramilitaire protestant ou une sirène : la romancière Jan Carson, figure d’une nouvelle génération d’écrivains nord-irlandais, décrit dans «les Lanceurs de feu» un Belfast-Est encore traumatisé par trente années de Troubles.
par Frédérique Roussel
publié le 22 octobre 2021 à 15h22

Belfast, été 2014. Les Troubles devraient être terminés depuis l’accord de paix de 1998. «C’est ce qu’on nous a dit dans les journaux et à la télévision. Ici nous sommes très portés sur la religion. Nous avons besoin de tout croire par nous-mêmes. (On a tous tendance à enfoncer les doigts dans la plaie et bien fouiller autour.) Nous ne l’avons pas cru dans les journaux ni à la télévision. Nous ne l’avons pas cru dans nos os. Après tant d’années assis sur une position, nos épines dorsales s’étaient figées. Il nous faudra des siècles pour les déplier.»

Terminés ? Pourtant dans les rues de Belfast Est, cet été-là – le roman s’étale de juin à août –, de gigantesques incendies démarrent déclenchés par des silhouettes en jeans et capuche de survêtement. Il se joue une séquence de tension aiguë qui restera comme «l’Eté des grands feux». Et dans ce bain brûlant, au bord de l’explosion meurtrière, Jan Carson suit deux personnages : Jonathan Murray, un médecin terne et coincé, seul avec son bébé depuis que sa compagne éphémère et sirène addict de la baignoire a disparu ; et Sammy Agnew, un ancien activiste protestant et sanguinaire contre les catholiques, désormais repenti, qui découvre que son fils Mark est le chef d’orchestre des émeutes en cours, derrière des vidéos en ligne attisant la violence. «J’ai peur de toi, maintenant, fiston, comme j’ai peur de l’homme violent qui dort en moi, comme j’ai peur de mes propres poings et leur façon de se serrer sans que j’y pense chaq

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