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Marche des Fiertés menacée à Toulouse : «L’Etat devra assumer la première interdiction en France»

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Prévue pour le 9 octobre, la mobilisation LGBT+ toulousaine risque d’être annulée pour la première fois de son histoire. La préfecture exige de changer le parcours pour éviter le centre-ville et les manifestations anti-pass sanitaires. Une alternative que les organisateurs rejettent auprès de «Libération».
par Ludovic Séré
publié le 25 septembre 2021 à 16h38

«Est-ce que l’Etat et le gouvernement sont prêts à assumer l’interdiction d’une Marche des Fiertés à quelques mois de l’élection présidentielle ?» La question est posée par Jérémy Perrard, directeur de Pride Toulouse et joint par Libération, en marge d’un rassemblement sur la place du Capitole en plein centre de la ville rose.

Cette manifestation était organisée alors que 41 associations s’insurgent ce samedi matin dans un communiqué de presse contre l’éventuelle interdiction de l’évènement prévu le samedi 9 octobre. Ces dernières dénoncent un «chantage» de la part de la préfecture de Haute-Garonne qui demande que le parcours du cortège soit changé, «pour des raisons de sécurité».

La manifestation, officiellement déclarée, devait se tenir comme tous les ans entre la place du Capitole, où un village des fiertés est installé, et la rue de Metz, en passant par les artères principales de l’hypercentre toulousain. «C’est un parcours classique, assez court, que nous connaissons très bien», assure Jérémy Perrard. A la place, la préfecture propose un cheminement plus éloigné, entre Compans-Caffarelli et le Palais de Justice.

Le même cas en 2019, sans heurt

Les associations ont pourtant attendu le mois d‘octobre pour organiser l’événement, au lieu du mois de juin habituel, afin de «mieux appréhender la situation sanitaire» et «pouvoir manifester de la façon la plus sûre possible». Problème, comme tous les samedis depuis plusieurs mois, le risque d’une rencontre fortuite avec des manifestants contre les mesures sanitaires inquiète les autorités.

Pourtant, les organisateurs toulousains mettent en avant le précédent de l’édition 2019, en plein mouvement des gilets jaunes. «On nous avait d’abord demandé de décaler notre marche au dimanche, rappelle Jérémy Perrard. Mais, par définition, nous avons besoin d’exposition. Manifester à Toulouse un dimanche serait synonyme de défaite alors que le centre-ville est très peu fréquenté.»

La Marche des Fiertés 2019, la 25e dans la ville rose, s’était finalement déroulée comme prévu dans l’hypercentre et avait rencontré un franc succès, avec plus de 30 000 personnes et aucun heurt à signaler. «La préfecture elle-même a souligné la bonne organisation de nos mobilisations, notre capacité à assurer la sécurité du cortège en complément du maintien de l’ordre de l’Etat, assure le directeur de Pride Toulouse. Nous avons l’impression que l’Etat nous regarde comme un joyeux carnaval et ne comprend pas que nous sommes un mouvement revendicatif.»

«Nous irons jusqu’au bout tout en respectant la loi»

Alors désormais, c’est le statut quo. Chacun campe sur ses positions et si la situation n’évolue pas jusqu’au 9 octobre, la manifestation sera vraisemblablement annulée. «La préfecture nous a clairement expliqué qu’ils se laissaient le droit d’interdire le mouvement s’ils estiment qu’il y a un réel risque de trouble à l’ordre public, en nous faisant porter la responsabilité», regrette Jérémy Perrard.

Or, les associations semblent vouloir aller au bout de leur combat. «Nous ne manifesterons pas ailleurs que dans l’hypercentre, affirme le directeur de Pride Toulouse. Si la préfecture nous l’interdit, elle et l’Etat devront assumer la première interdiction d’une Marche des Fiertés en France.» Pas question de défiler sans autorisation officielle, «pour éviter de prendre des risques».

Ces tensions interviennent dans un contexte bien particulier, alors qu’un texte visant à interdire les thérapies de conversion arrive à l’Assemblée nationale et que l’élection présidentielle approche à grand pas. Les organisateurs insistent d’ailleurs sur le soutien que leur porte Carole Delga, la présidente socialiste de région Occitanie et soutien d’Anne Hidalgo, qui «doit avoir un stand dans le village sur la place du Capitole».

«Notre mouvement est très regardé. Nous sommes observés dans le monde alors que plus de 30 pays pénalisent encore l’homosexualité, nos marches ont des portées internationales», fait valoir Jérémy Perrard. Contactée par Libération, la préfecture de Haute-Garonne n’avait pas répondu à nos questions au moment de la publication de l’article.

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