Rares sont ceux qui oublient leur premier amour. Il nous surprend souvent à un jeune âge et laisse une marque indélébile. Alors quand les choses se finissent mal, la blessure est profonde. À 19 ans, je suis tombée amoureuse pour la première fois, et j’ai été trompée. Quatre ans plus tard, je ne m’en suis toujours pas remise. Lorsqu’on est convaincue d’avoir perdu le véritable amour et que l’on s’est sentie trahie, peut-on accorder sa confiance à nouveau ? 

Mon histoire n’est pas unique. Dix ans après la rupture, Lola, 31 ans, ne parvient toujours pas à s’engager dans une relation exclusive et sérieuse. « Le problème, qui me touche encore aujourd’hui, c’est la difficulté que j’éprouve à ne pas me méfier. Comment faire confiance à quelqu’un après ça, même si tout se passe si bien et qu’il est génial ? C’est un traumatisme que je garde, même dix ans après », confie-t-elle. La psychanalyste et sexologue clinicienne Evelyne Dillenseger explique le rôle déterminant du premier amour dans la construction de soi. « Il permet à l'adolescent.e de découvrir en lui des sentiments, des sensations nouvelles qu'il va apprendre à gérer. Aimer une personne, s'attacher à elle, apprendre à la connaître, vivre intensément une relation amoureuse, sentimentale va éveiller des émois, des désirs physiques, sexuels. Cette expérience va nourrir, apporter une maturité bénéfique à son évolution psychique. » Si Lola a rapidement pris conscience qu’elle n’était pas responsable des agissements de son compagnon, le sentiment de vulnérabilité perdure : « C’était mon premier et mon dernier amour », conclut-elle.  

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La fin d’un idéal 

Sabrine, 25 ans, a, elle-aussi, été trompée par son premier amour. Elle reste marquée par cette peine qu’elle juge « abyssale et constante » et qui parasite ses autres relations amoureuses. « Il m’a vraiment dégoutée des relations homme-femme », livre la jeune femme, qui affirme aujourd’hui que sa « naïveté » a été la cause d’une telle déception. Quand on n’a rien connu d’aussi fort, difficile d’accorder sa confiance sans craindre de revivre un tel chagrin. L’infidélité cause « une blessure narcissique, un deuil de l’histoire d’amour et d’un idéal », explique Evelyne Dillenseger. Une fois l’idéal brisé, on peine forcément à s’abandonner dans une nouvelle idylle. « L’intensité de cette relation était telle que je la compare sans cesse aux autres, parce que c’était le cliché de l’amour passionnel et finalement destructeur. Et à chaque fois que je rencontre quelqu’un, je me dis : “Il ne me transcende pas autant”. Ça fait quatre ans que je suis seule. Rien de concret ni de profond, beaucoup de relations éphémères », constate Sabrine. 

D’autres ont dû combattre des blessures plus douloureuses. C’est le cas de Noémie, 25 ans, qui flirte avec l’anorexie après avoir quitté son premier amour infidèle. « Déjà à l’époque, j’étais très fine. Je me suis mise en tête de maigrir encore plus car je pensais que ça avait un rapport avec mon poids. Je m’affamais. J’ai perdu huit kilos en deux mois », confie-t-elle. D’après Evelyne Dillenseger, la tromperie d’une personne que l’on aime passionnément heurte la confiance en soi sur le long-terme, et cause « une perte d'estime de soi et de confiance en l'autre ». L'impact de ce premier chagrin d’amour, Noémie l’a perçu dans ses relations suivantes. « J’ai accepté que mes ex me parlent très mal et quand ça se passait bien, il fallait que je sabote tout. Ça a complètement impacté ma façon de considérer ce qu’était l’amour. » 

Retrouver la confiance 

Seize ans après avoir été trompée, Aurélie, 31 ans prend du recul. Elle se souvient encore du garçon de cinq ans son aînée qui l’avait séduite quand elle était encore lycéenne. « Il m'a trompée avec la fille de son cousin. J’ai ouvert les yeux quand elle est tombée enceinte de lui... », se souvient-elle. Dès l’adolescence, elle tente donc de se protéger émotionnellement. « Sur le long terme, les conséquences ont été assez radicales : moi et les hommes c'était terminé. Je n'ai plus jamais fait confiance à un homme. Cela n’a pas affecté ma capacité à plaire ou ma confiance en moi. Je savais que le problème, c'était lui. J'ai eu plusieurs relations ensuite, plus ou moins longues, et c'était moi qui trompais mon partenaire à chaque fois. Je suis devenue très borderline. Je n'attendais plus rien des hommes et ça m'allait très bien comme ça. »  

En 2013, Aurélie fait une rencontre qui lui permet, lentement, de passer à autre chose. « Je sortais d'une relation de trois ans quand j'ai rencontré Jérémy, un mec très drôle. Et je suis tombée sous le charme. J'ai voulu faire les choses bien avec lui, mais mon passé m'a rattrapée. Je craignais qu'il me trompe, je fouillais son téléphone, surveillais ses comptes sur les réseaux sociaux... C'était infernal. Ça n'a pas duré », raconte-t-elle. Mais, malgré la méfiance d’Aurélie, le couple se laisse une nouvelle chance. À force de patience, elle réalise que Jérémy est digne de sa confiance. « J’ai travaillé sur ma confiance en lui, sur ma jalousie et on s'est marié en 2015. Je suis très vite tombée enceinte et depuis on est toujours mariés, avec un enfant, propriétaires, des projets plein la tête et amoureux. Cet homme m'a fait oublier mon passé. Il m'a réconciliée avec la gent masculine. Je le remercie parce qu'il a fait preuve d'une patience énorme. » Le temps guérirait donc bel et bien les blessures.