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La chasse est-elle «un hobby de CSP+», comme le dit Julien Bayou ?

La chasse en débatdossier
Selon le secrétaire national d’Europe Ecologie-les Verts, la chasse est une activité davantage exercée par les catégories socioprofessionnelles les plus aisées.
par Emma Donada
publié le 23 septembre 2021 à 18h14
Question posée par Jean-Pierre, le 21 septembre 2021

Bonjour,

Lundi, le secrétaire national d’Europe Ecologie-les Verts (EE-LV), Julien Bayou, a fustigé la chasse sur France Info. Il s’est notamment attaqué aux arguments de certains de ses défenseurs (Xavier Bertrand, par exemple), qui assurent qu’il s’agit d’une tradition ancienne «à respecter» ou bien qu’elle représente la ruralité. «La ruralité ne se résume pas à la chasse, ce n’est pas vrai. Ce qu’on nous présente comme une activité rurale, c’est une fake news complète parce que la chasse est aujourd’hui un hobby de citadins, de cadres CSP+», a-t-il déclaré.

Interrogé sur la source de son affirmation, Julien Bayou n’a pas répondu. Deux études commandées par la Fédération nationale des chasseurs (FNC) décrivent le profil des pratiquants. Il s’agit de deux enquêtes réalisées par le Bureau d’informations et de prévisions économiques (Bdo Bipe Advisory) en 2014 et 2015. «9 500 chasseurs ont été interrogés en 2015 (étude 2016), 54 000 en 2014 (étude 2015), ce sont des échantillons colossaux, extrêmement robustes», précise l’institut, contacté par CheckNews.

«Les chasseurs sont loin d’être avant tout des CSP+. Les cadres et professions libérales représentent environ un tiers des chasseurs et même un quart des chasseurs les plus jeunes (“les actifs”) par rapport aux chasseurs retraités (plus âgés) modulo l’effet cycle de vie éventuel. Ainsi, les employés et ouvriers (les CSP-) sont plus nombreux que les cadres et professions libérales (CSP+) parmi les chasseurs», observe le Bipe. A noter, 45% des chasseurs sont inactifs, dont une immense majorité de retraités.

Population polarisée

Si le propos de Julien Bayou semble infirmé par ces enquêtes, Héloïse Fradkine, enseignante à l’université de Clermont-Auvergne, chercheuse associée au Centre d’économie et de sociologie appliquée à l’agriculture et aux espaces ruraux (Cesaer), estime que ces résultats montrent une augmentation de la part des classes plus favorisée dans le temps.

Contactée par CheckNews, elle explique : «La population des porteurs de permis de chasser […] est aujourd’hui assez nettement polarisée : les ouvriers et les employés d’un côté, les cadres et les représentants des professions libérales de l’autre constituent les catégories les plus représentées parmi les actifs qui chassent. Si les diverses enquêtes statistiques disponibles (enquêtes Pinet publiée en 1987 et 1993, étude ONCFS de 1999, enquêtes FNC de 2006 et Bipe-FNC de 2015/2016 [précitées]) ont été conduites selon des protocoles différents et ne sont pas strictement comparables, une tendance peut toutefois être dégagée : depuis une vingtaine d’années, le poids des fractions sociales les mieux pourvues en ressources augmente parmi les chasseurs de France. Ceci étant, les catégories populaires demeurent nombreuses à chasser.»

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