Le producteur de théâtre américain Jordan Roth a donné vie à l’art sur le tapis rouge du Met Gala dans un manteau sur-mesure haut en couleurs réalisé par Michael Sylvan Robinson, créateur et militant queer. Jordan Roth a décrit cette pièce, commandée pour l’occasion, comme une toile mobile, une “manifestation visuelle” des vastes possibilités de l’identité telles qu’il les conçoit. Une réflexion suscitée par le thème du Met Gala de cette année : In America: A Lexicon of Fashion.
Une oeuvre d'art
L’événement définit la mode américaine par la multiplicité même de ses formes – une version vestimentaire du fameux “E pluribus unum”, devise inscrite sur le grand sceau des États-Unis, qui signifie “la diversité dans l’unité” – Jordan Roth nous invite à explorer la multiplicité qui existe en chacun de nous et à concevoir l’identité comme une entité mouvante plutôt que statique. Il dresse un parallèle entre notre manière de nous habiller et notre manière de “choisir d’affirmer certains aspects de notre “identité”– qu’elle soit nationale, religieuse, sexuelle, de genre, professionnelle, ethnique, etc.”
“Quand j’ai appris le thème de l’exposition de cette année, je me suis immédiatement tourné vers la notion d’identité, et sur le fait que pour moi, l’identité est une construction, de la même manière qu’un vêtement est une construction”, poursuit Jordan Roth. “On pense bien souvent que nos identités sont des faits essentiels de notre personne, par opposition à des traits que nous adoptons peu à peu, voire dans certains cas, de traits que d’autres projettent sur nous et que l’on finit par absorber, et par accepter qu’ils nous définissent. En ce qui me concerne, je suis partisan de penser que cette conception de l’identité est fausse et que lorsque je commence à m’ouvrir à la possibilité qu’elle puisse être fausse, je commence à voir de quelle façon je pourrais porter plus librement cette construction que nous appelons l’identité, et peut-être même la changer, ou la considérer de la même manière qu’un vêtement, lequel exprime qui je suis, sans pour autant être qui je suis.”
Autrement dit, il existe ainsi d’innombrables manières de façonner qui nous sommes. L’identité, affirme Jordan Roth, “est un concept avec lequel nous entretenons un dialogue constant ; c’est une chose que nous faisons et défaisons, dans une sorte de danse.”
Les dimensions variées des ornements donnent un certain rythme à ce manteau sculptural, dont la traîne se replie comme les ailes d’un paon, pour reprendre les termes de Michael Sylvan Robinson. Entièrement réalisée à la main, la pièce a exigé près d’un an de travail ; c’est Michael Philouze de Vogue qui a mis en relation Jordan Roth et le designer au printemps dernier. L’exécution finale a quant à elle pris moins longtemps : le tissu doré qui sert de base au manteau a été livré le 7 août. Par-dessus, le créateur a ajouté des impressions de photos – certaines d’entre elles ont été prises lors de sa première visite au Metropolitan Museum of Art (où il a travaillé quand il était plus jeune) après le confinement. Celles-ci ont ensuite été ornementées de strass et de bouts de tissu, de valeur ou non. Michael Sylvan Robinson explique que pour lui, ce manteau participe au dialogue actuel sur l’identité américaine, mais parvient aussi à transformer les “défis posés par la différence et la diversité en une sorte de collage, de tapisserie – comme un kaléidoscope d’expériences.”
Disséminés ici et là entre les extraits de textes, les portraits de Botticelli, les bustes classiques et les papillons, de nombreux yeux donnent au manteau un côté talismanique. “Ces yeux jouent le rôle de témoins, mais sont aussi des symboles de protection”, explique l’artiste, qui considère ce travail comme une œuvre d’art qui se porte. “Je viens du militantisme queer des années 1990 et l’idée de se servir du vêtement pour partager des mots et des images est très ancrée dans mon travail. Je collectionne aussi toutes sortes d’imprimés, tissus, et textiles, alors c’est un peu la rencontre de l’activisme queer, des arts décoratifs, de la mode, du street art, et de l’histoire de l’art.” Et quoi de mieux que le Metropolitan Museum of Art pour réunir tous ces éléments sous une même bannière ?
Traduction par Lyse Leroy
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