L'ÉQUIPE

Karsten Warholm, champion olympique et recordman du monde du 400 m haies : « Rai Benjamin mériterait l'or aussi »

Après son titre olympique sur 400 m haies aux JO de Tokyo ce mardi, Karsten Warholm a tenu à avoir une pensée pour le médaillé d'argent Rai Benjamin, qui a également battu le record du monde.

ma liste
commenter
réagir

Le choc créé par la finale du 400 m haies des JO de Tokyo avait explosé depuis plus de deux heures quand le Norvégien Karsten Warholm s'est pointé en zone mixte, ce mardi, sous les tribunes désespérément vides d'un stade pourtant magique, pour livrer son analyse aux journalistes.

L'ÉQUIPE

L'onde de choc de son duel contre Rai Benjamin (45''94, nouveau record du monde, contre 46''17) vibrait toujours. Une bataille furieuse dont il a été le héros. Mais on a vite compris qu'on n'avait pas seulement à faire à un Viking « prêt à mourir sur la piste ». Il y a beaucoup de neurones sous son casque et c'est très rafraîchissant.

« Quelle est votre réaction à cette performance incroyable ?
C'est tellement fou. C'est de loin le plus grand moment de ma vie. Je me suis entraîné comme un p... de maniaque pour ça. Et j'ai lutté pour dormir la nuit dernière parce que j'avais cette sensation bizarre dans ma poitrine. C'est la même sensation que quand j'avais six ans la nuit de Noël. C'est une sensation que vous pensez ne jamais ressentir quand vous devenez adulte mais je l'ai eue la nuit dernière. J'étais tellement concentré sur le fait d'avoir la dernière médaille qui manque à ma collection. J'avais des titres mondiaux, européens, le record du monde (46''70 à Oslo cet été)... Et maintenant, ma collection est complète. L'or olympique, c'est ce dont tout le monde parle. Je dois maintenant me fixer de nouveaux objectifs, je ne pense pas en avoir fini.

Qu'est-ce que ça représente ?
Ça veut dire beaucoup, tout même, toutes les heures que j'ai mises dedans, tout ce que mon coach a travaillé. Je savais que cette course serait la plus dure de ma vie, mais j'étais prêt. J'en ai rêvé comme un maniaque, je vous le dis. J'ai passé tout mon temps à penser à ça.

« J'ai coutume de dire que la course parfaite n'existe pas mais je crois quand même que j'en étais tout près »

L'ÉQUIPE

Votre course est-elle parfaite ?
J'ai coutume de dire que la course parfaite n'existe pas mais je crois quand même que j'en étais tout près. Je n'ai pas touché une haie. J'ai même été capable de passer une vitesse supplémentaire en approchant la ligne d'arrivée, donc waouh !

Vous rendez-vous compte de la portée de votre performance ?
C'est tellement énorme. C'est presque comme écrire l'histoire. C'est peut-être l'une des plus grandes courses de l'histoire et c'est un honneur pour moi.

Avez-vous craint Rai Benjamin à un moment dans la course ?
Je savais que perdre était possible face à lui. Courir en 46''17 comme il l'a fait et n'avoir que l'argent... Il mériterait l'or aussi. J'avais donc une sorte de crainte, mais je l'ai toujours quand je cours. C'est pour ça que j'ai attaqué aussi fort dès le départ. Quand j'ai vu que je reprenais (Alison) Dos Santos et (Abderrahman) Samba aussi rapidement dans la course, ce qui n'était pas le but, j'ai su que je partais vite. C'était ma tactique, forcer les gars à une course vraiment très dure, les stresser, je pense que j'ai réussi à le faire et que j'ai gagné là-dessus. Je pense que je l'aurais fait quel que soit mon couloir, mais aujourd'hui (ce mardi), avec Rai à mon intérieur (donc dans son dos), je voulais le mettre à l'aise d'entrée et je l'ai probablement emmené dans une zone où il ne voulait pas aller. Et où je ne voulais pas aller moi-même d'ailleurs parce que ça fait mal.

« Mon coach parlait beaucoup des moins de 46''. Honnêtement, je pensais que ce serait possible un jour mais pas en 2021 »

On a cru que vous alliez le payer au passage de la huitième haie...
J'étais en 13 foulées jusqu'à la neuvième haie mais j'ai dû passer à 15 foulées entre les neuvième et dixième à cause de ce départ. Je n'ai pas été sûr de gagner avant la ligne d'arrivée. Quand vous approchez de la fin, ce n'est pas tant que vous essayez de recréer de la vitesse mais plus que vous essayez d'en perdre le moins possible. Parce que le lactique est dingue et je ne pouvais plus sentir mes jambes. Mais je serais mort pour cette médaille d'or si nécessaire aujourd'hui.

Karsten Warholm a battu le record du monde du 400 m haies, ce mardi (en 45''94). (A. Mounic/L'Équipe)
Karsten Warholm a battu le record du monde du 400 m haies, ce mardi (en 45''94). (A. Mounic/L'Équipe)

45''94, ça vous inspire quoi ?
C'est un truc de malade ! Mon coach parlait beaucoup des moins de 46''. Honnêtement, je pensais que ce serait possible un jour mais pas en 2021. Quand j'ai battu le record mondial au Bislett pour mon premier 400 m haies de l'année, je courais sans vraie pression et j'avais les JO pour objectif. C'était une bonne course mais je connaissais mon potentiel et je savais que je pouvais faire mieux. Bon, pas aussi vite. Je pensais plutôt que 46''40 - 46''50 était possible. Et pour Rai aussi et que la victoire reviendrait à celui qui la voulait le plus. Mais on est allés à un tout autre niveau. On a beaucoup de respect l'un pour l'autre car on sait ce qu'il en coûte en termes de travail et on devrait partager la gloire.

Ce chrono va tenir longtemps ?
Je crois que ça montre que quand quelqu'un atteint un niveau nouveau, d'autres voient que c'est possible. Rai court en 46''17, Dos Santos en 46''72...

Quelle est la part de la technologie dans la performance ? On a eu l'impression de vous voir voler...
Je ne cours jamais sur l'air. Rai, lui, oui. Il avait ces chaussures-là (les nouvelles Nike), que je déteste d'ailleurs au passage. La piste est dingue, elle me fait penser à celle de Londres. Mais ce n'est pas la piste, ce sont les gars qui ont fait cette course. Moi, j'ai des super chaussures qu'on a développées avec mon coach grâce à la collaboration de Puma et de l'équipe de F1 de Mercedes, mais il était important pour moi de garder la crédibilité du résultat. Oui, il y a une lame de carbone, ce que j'aime, mais je ne comprends pas pourquoi il faudrait mettre autre chose sous une semelle de sprint, parce que vous y recherchez juste du retour (d'énergie) mais pas à en créer. Dans le demi-fond, je peux comprendre, parce que vous avez besoin d'amorti. Mettre un matelas pour ça, c'est bien, mais si c'est pour mettre un trampoline, c'est une connerie et ça enlève de la crédibilité à mon sport. Nous, on a essayé de garder la semelle la plus fine possible. La technologie sera toujours là mais je veux qu'on puisse comparer les résultats. »

publié le 3 août 2021 à 09h58 mis à jour le 3 août 2021 à 12h45
Les commentaires sont soumis à des règles de modération. lire la charte