J’ai atterri en octobre 2015 dans une ville libre. Je quitte ce dimanche un territoire chinois. La société civile s’y désagrège, les libertés sont déflorées, les opposants jugés à huis clos alors que des salves de critiques visent l’art, les médias, les homosexuels, les religions et même les dessins de moutons blancs. «Hongkong n’a jamais été libre, m’a repris récemment une jeune élue. Ni pendant la colonisation britannique ni après la rétrocession, en 1997. Elle n’a jamais non plus été démocratique. Pour ceux qui ouvrent les yeux aujourd’hui, la douleur est intolérable, et beaucoup préfèrent se rendormir.»
Avant mon arrivée, on m’avait assuré : «Tu verras, Hongkong n’est pas la Chine, c’est un autre système, très occidentalisé.» On m’avait vanté le dynamisme d’une mégapole obnubilée par la réussite et apolitisée. J’ai d’abord été heurtée par son caractère profondément chinois. J’ai été écœurée par cet agrégat de tours contre nature aux fenêtres si étroites que leur seule vue me faisait manquer d’air. Quant à l’apathie politique, l’assertion s’est vite révélée fausse, ce qui a pimenté mon travail mais précipité la fin des spécificités de la ville</