JEUX OLYMPIQUESComment le mercato des chevaux influence les résultats aux JO

JO Tokyo 2021 : « C’est un peu comme le foot »… Comment le mercato des chevaux influence les résultats aux Jeux

JEUX OLYMPIQUESLes montures s’achètent et se rachètent très cher, parfois dopées par leurs performances olympiques
Simon Delestre sur Hermès Ryan, en octobre 2019.
Simon Delestre sur Hermès Ryan, en octobre 2019. - PAU BARRENA / AFP / AFP
Julien Laloye

Julien Laloye

L'essentiel

  • L’équipe de France, championne olympique à Rio, s’avance au Japon sans aucun des chevaux de l’exploit brésilien.
  • Chaque année avant les JO, des chevaux sont achetés par des Nations qui espèrent briller durant l’été.
  • Les cavaliers tricolores, réputés bons formateurs, doivent se battre pour conserver les meilleurs chevaux.

De notre envoyé spécial à Tokyo,

Officiellement, les objectifs sont les mêmes qu’à Rio. Une médaille, deux en cherchant bien. « On n’est pas favori, mais on ne l’était pas non plus au Brésil, estime Thierry Touzaint, le sélectionneur national. On a un bel effectif ». Un effectif tout de même bien déplumé par les blessures de ses montures. Astier Nicolas, Thibaut Valette, et le cavalier le plus emblématiques de tous, Kevin Staut, ont dû renoncer au dernier moment pour ne pas hypothéquer la santé de leur animal. Un forfait particulièrement rageant pour Staut, qui était sorti gagnant du grand jeu du mercato équestre pré-olympique.

Des chevaux transférés avant le 1er janvier

En résumé ? Dégoter un cheval capable d’amener une médaille olympique coûte une blinde, et dans un milieu où les cavaliers n’ont que très rarement les moyens de posséder leurs propres chevaux à moins, comme en F1, d’être accompagné par un mécène très puissant, tout le monde connaît la date du 1er janvier. C’est le dernier jour pour permettre à un cheval de « passer » à l’étranger pour les JO d’été. « C’est un peu comme au foot, clarifie Anne Sainte-Marie, ex-candidate à la présidence de la FFE et cadre fédérale. Des Nations sortent le carnet de chèques pour permettre à leurs cavaliers d’avoir une chance de médaille ». 20 millions d’euros pour les plus chers, paraît-il : le Japon a encore fait monter les prix histoire de ne pas être ridicule à la maison. Et comme au foot, la France est plutôt une écurie de formation.

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« On n’est pas une Nation qui achète des chevaux », ajoute Valérie Lemoine, elle-même propriétaire d’une écurie, spécialisée à la fois dans la compétition et dans le commerce des chevaux. « La plupart des cavaliers français que vous verrez aux JO, ce sont des chevaux jeunes qu’ils ont amenés à ce niveau-là à force de travail ». Juste avant de se faire dépouiller ? Aucun des quatre chevaux titrés à Rio au concours complet n’est présent à Tokyo, pour des raisons différentes. Kevin Staut, par exemple, a dû offrir une retraite bien méritée à Rêveur de Hurtebise. Il s’est alors mis à chercher tous azimuts, quitte à dépiauter un autre cavalier en interne, comme un PSG en galère au mercato d’hiver.

La France, une Nation qui forme plus qu’elle n’achète

Alors que Tolède de Mescam commençait à avoir quelques résultats sur le circuit en 2018 sous la selle de Tony Cadet, sa propriétaire, presque surprise du potentiel de la monture, décidait de la confier au meilleur cavalier français en activité, non sans polémique. Mais un cheval, aussi prometteur soit-il, ne suffit pas. Il faut s’assurer une flotte de chevaux afin de faire face aux aléas des blessures et à certains échecs de développement : quand on fait un pari sur un cheval à 6 ou 7 ans, il arrive que le mariage ne se fasse jamais entre le cavalier et la bête.

Avec Viking de la Rousserie, Kevin Staut en était déjà au stade des fiançailles. Maxime Baldeck, fils et petit-fils de marchands, a joué les intermédiaires avec le propriétaire de l’Azelan de 12 ans lorsque celui-ci a commencé à montrer des dispositions intéressantes en compétition. Le champion olympique de Rio a pris deux ans pour en faire un prétendant au podium à Tokyo. Et puis Hubert Beck, son propriétaire a décidé de le vendre en début d’année. « Certains propriétaires disent non, imaginant qu’il vaudra encore plus cher en cas de bonne place aux Jeux, décrypte Virginie Lemoine. D’autres pensent qu’on ne leur proposera pas deux fois », étant entendu que ce marché des meilleurs chevaux ne s’arrête jamais, les JO n’étant pas toujours le but ultime d’un propriétaire ou d’un cavalier. Il faut bien être performant sur le circuit quotidien.

Après avoir obtenu un délai de trois mois, Staut a réussi à réunir les investisseurs nécessaires pour conserver Viking de la Rousserie, malheureusement blessé quelques semaines avant les JO. Simon Delestre, lui, est bien présent à Tokyo. Mais il ne montera pas Chadino, vendu à un couple américain en décembre 2019. Virginie Lemoine était en coulisses. « C’est un cheval qui avait fait les JO 2016, il allait sur ses 14 ans. A cet âge-là, il n’aurait plus été performant très longtemps sur les grosses compétitions [Les concours 5 étoiles]. Simon était plutôt d’accord avec moi, même s’il faisait partie de ses chevaux de tête. C’est le jeu. Le cheval a rapporté des gains sur de grosses courses, il s’est fait connaître, ses propriétaires le vendent avant qu’il ne soit trop tard ».

« On peut perdre un couple à tout moment »

D’où l’intérêt de pouvoir compter sur un réservoir important, comme en France, dont l’encadrement fédéral est considéré comme l’un des meilleurs du monde, donc plus propice à l’épanouissement des chevaux. « Il faut partir du principe qu’on peut perdre un couple à tout moment, mais c’est pareil pour les autres. En Allemagne, une très grosse Nation en équitation, des cavaliers se sont retrouvés à pied six mois avant les Jeux. On continuera de vendre des chevaux, c’est très structurant pour notre économie ». Tout pareil que la L1, on vous dit. Ça ne nous empêche pas de gagner une Coupe du monde ou une médaille d’or de temps en temps.

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