« C’est une idée qui me trottait dans la tête depuis quelques semaines. Je me suis réveillée un matin après un week-end à la campagne et je me suis dit : aujourd’hui, je vais me raser les cheveux. J’ai toujours eu envie de le faire. Ma sœur jumelle a osé avant moi et je l’ai admirée pour ça. Malgré tout, je continuais à avoir peur. Peur du regard des autres, du jugement. Mais ce matin-là, après avoir regardé mes cheveux qui n’étaient pas en bon état, je savais que j’allais sauter le pas. J’étais partagée entre l’excitation et l’angoisse. J’ai compris rapidement que je n’allais pas pouvoir le faire seule. Une copine est donc venue à la rescousse. On a commencé aux ciseaux puis ensuite on a tendu. J’avais l’impression de tuer une partie de moi. C’est très étrange comme sensation. J’ai toujours eu l’habitude de me cacher derrière mes cheveux longs. J’ai très vite compris que se raser les cheveux allait au-delà d’une simple coupe. D’ailleurs, ce n’est même plus une coupe de cheveux. C’est mon crâne, c’est moi. Je savais que ça allait être impactant mais pas à ce point là. Au bout d’une heure, c’était fait. Je n’avais prévenu personne. Pas même mon copain. Il l’a découvert plus tard au restaurant. Il était choqué. 

Moi, je me sens presque plus femme qu’avant

Je crois que c’est l’un des aspects les plus difficiles à gérer : les autres, l’entourage. J’ai de la chance d’avoir une famille plutôt ouverte mais j’ai quand même eu quelques réflexions. Le plus bizarre pour moi a été de me rendre compte que tout le monde avait un avis et se sentait obligé de me le donner. C’est fou le nombre de personnes qui m’ont demandé la réaction de mon mec avant même de savoir comment moi je le vivais. Ce sont quand même mes cheveux finalement. J’ai reçu énormément de messages.  On m’a même dit que j’étais “courageuse”. J’avais l’impression d’avoir trouvé le remède contre une maladie. Je trouve ça un peu dommage parce qu’en soi ce n’est pas extraordinaire. Un crâne rasé d’une femme suscite autant d’émotions parce que les cheveux ont toujours été liés à la féminité. Moi, je me sens presque plus femme qu’avant. Pendant longtemps, je me suis sentie petite fille. Me raser les cheveux m’a permis de m’assumer en tant que femme, de me réapproprier mon corps. 

Evidemment, je ne peux nier les clichés qu’un crâne rasé peut véhiculer. D’ailleurs, je sens que j’ai perdu de mon “pretty privilège” (ndlr : l’idée de correspondre aux critères de beauté occidentaux et d’en obtenir des avantages) envers les serveurs par exemple. Les hommes me regardent différemment. Au début, c’était assez étrange. Je pense qu’aujourd’hui je renvoie une image différente mais qui me correspond plus : celle d’une femme qui sait ce qu’elle veut, qui prend des décisions, qui sait qui elle est. Ça a été une expérience très libératrice. Je dois encore m’adapter à cette nouvelle tête. J’ai adopté un style plus féminin pour contraster. Je me maquille à nouveau. Je pense déjà à me colorer la tête, faire des formes, écrire des trucs… C’est un nouveau terrain d’amusement ! »