Disparition

Jean-Paul Vaucelle, veilleur de nuit, veilleur de jour

Il fut l’un des tout premiers militants ouvriers des maos de la Gauche prolétarienne (GP), puis gardien de nuit à «Libération» jusqu’à sa retraite. Après une vie d’engagement, Jean-Paul vient de partir.
par ses amis, camarades
publié le 10 mai 2021 à 17h32

Discret, taciturne, et même taiseux, toujours vif et musclé, sans un gramme de graisse, il passait de longues nuits dans les couloirs de Libération, dont il assurait, avec une poignée d’autres, la sécurité, rue Béranger. C’était devenu son métier. Des voisins ont découvert son corps sans vie dans la chambre d’Ivry-sur-Seine qui abritait le repos de ce retraité modeste, et solitaire (1). La mairie d’Ivry-sur-Seine a pu alerter quelques amis de Jean-Paul, que certains d’entre nous n’appelaient toujours que «Sergent-chef», son «nom de guerre» dans les rangs de la Nouvelle Résistance populaire (NRP). Il fut l’un des tout premiers militants ouvriers des maos de la Gauche prolétarienne (GP), puis de leur branche armée clandestine, la NRP. Né, en 1945, derrière les barbelés d’un camp de résistants prisonniers, en Allemagne, d’une infirmière française de la lutte armée clandestine, détenue, et d’un jeune antifasciste néerlandais, Jean-Paul Vaucelle est recueilli dans un orphelinat, avant, plus tard, de retrouver sa mère, qui survécut aux camps.

Ouvrier chez Hachette, tôt adhérent du Syndicat du livre CGT, Jean-Paul se lance avec vigueur dans l’action anti-impérialiste, antifasciste, contre la guerre du Vietnam. Il intègre les «groupes d’action spéciale» des Comités Vietnam de Base, les Groupe de propagande et d’autodéfense (GPA). Il est de toutes les manifs, de tous les coups. Reçoit des beignes, en rend… Il suit les tout premiers cortèges sur la Palestine (1969). Arrive Mai 68. L’ouvrier Vaucelle occupe Hachette avec ses camarades. Il va même participer à une action semblable, solidaire, dans la grande usine Citroën du XVe. Dans les groupes de travail communistes liés aux étudiants marxistes-léninistes de l’Union des jeunesses communistes marxistes-léninistes (UJC-ML), il milite sur le terrain avec Nicole et Robert Linhart. Ce dernier va, s’«établir» sur les chaînes d’une autre usine Citroën.

Dès la création de la GP, en 1969, il est de toutes les «actions de partisans», d’une violence symbolique, dosée, maîtrisée, et, à l’occasion, physique et matérielle. Après la dissolution officielle de la GP par Raymond Marcellin, sous Pompidou, il continue dans l’action clandestine de la NRP. Au début des années 70, un commando de la NRP détruit par explosif les locaux du journal Minute, lancé, alors, dans une pleine campagne ultra-violente d’appels aux meurtres racistes, sur fond de cadavres de «bougnoules» jetés dans les canaux. La même équipe kidnappe un parlementaire de droite compromis dans le scandale pompidolien des Abattoirs de la Villette, Michel de Grailly, qui parvient à s’échapper, à coups de poing et de pied, d’une caisse mal conçue.

Sergent-chef devient l’instructeur militaire des groupes d’activistes antifascistes aux côtés de Pierre Goldman. Goldman est assassiné en 1979 par un commando de tueurs opérant sous les ordres de Jean-Pierre Maïone-Libaude, un ancien exécuteur professionnel de l’OAS reconverti comme «tueur à gages» pour le «milieu», utilisé, à l’occasion, par certains «services». Celui-là même qui ne se cachait pas d’avoir participé à l’élimination du militant anti-impérialiste Henri Curiel. Goldman éliminé, son équipe se disperse. Les ouvriers passés à la clandestinité ne se voient pas réouvrir les portes des maisons d’édition, pour une reconversion bon chic, bon genre. L’usine, ils en ont soupé. Leurs derniers «certificats de travail» ne plaident pas pour eux.

Jean-Paul a conservé quelques amis solides à Libération. Il s’y fait embaucher comme veilleur de nuit, rejoint la toute première équipe syndicale du journal. Il milite avec la CGT au côté des ouvriers immigrés en lutte «pour les papiers et pour la dignité», rejoint le Cercle Charles Tillon d’Aubervilliers (CCT), intègre une des structures de service d’ordre de la CGT (SO). Il lance l’appel en faveur de son ami de Billancourt, Pierre Overney, abattu à l’entrée de l’usine le 25 février 1972, «Pour une, 10, 100, rues Pierre Overney en France !» bientôt signé par plusieurs centaines de personnes, dont l’écrivain Daniel Rondeau, ancien de la GP, ambassadeur à Malte, et aujourd’hui reçu à l’Académie française. Il soutient encore et toujours la Palestine, il est de toutes les manifestations. Fidèle, il est et reste de tous les combats.

(1) L’inhumation est prévue mardi 11 mai à 14h30 au nouveau cimetière d’Ivry 13, rue Gaston-Monmousseau, 94200 Ivry-Sur Seine.

Ses amis et ses camarades ont décidé de lui poser une pierre tombale digne de lui et de sa vie. Nous avons ouvert une tontine. https://www.helloasso.com/associations/jean-paul-vaucelle/formulaires/1

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