TRIBUNE

Sortir de la société de réparation pour créer une société de préparation

Agir pour le vivantdossier
Qu’allons-nous choisir de faire ? Continuer et aller au crash ou mettre en œuvre une réelle transition ?
par Stéphanie Brillant, journaliste, réalisatrice et productrice française
publié le 19 avril 2021 à 9h41
(mis à jour le 19 avril 2021 à 9h42)

Dans l’industrie du divertissement, les médias, sur les réseaux sociaux, pour donner du baume à l’âme, on évoque de belles histoires de résilience… Cependant à force de vanter la résilience, ne nous sommes-nous pas donné bonne conscience pour légitimer une société qui répare davantage qu’elle ne prépare ? Par nature, savoir que nous avons une seconde chance ne confère-t-il pas inconsciemment l’autorisation de gâcher la première ? Demeurons vigilants à ne pas banaliser les traumatismes par une mauvaise compréhension du principe de résilience.

La résilience dans sa description psychologique est la capacité de l’humain à se construire et à vivre en dépit de circonstances traumatiques. Certes c’est merveilleux, porteur d’espoir, personne n’est jamais foutu. Néanmoins il est important de comprendre que la résilience est un concept à degré. En effet, dans sa définition physique, il s’agit de l’évaluation de la résistance des matériaux à des chocs élevés et leur capacité d’absorber l’énergie cinétique sans se rompre. La résilience c’est la connaissance de la fragilité, pas l’épreuve de la solidité. Il s’agit de savoir jusqu’où il est possible d’aller sans casser.

Nous sommes aujourd’hui à un point de rupture. L’humain est fragilisé. Les maladies mentales explosent. Il est devenu rare de se réveiller le matin sans avoir mal nulle part. Ni au corps, ni au cœur, ni à l’âme. A croire que nous vivons dans un monde ou si l’on n’a pas fait un burn-out à 50 ans on a raté sa vie.

Régulation

Alors que choisissons-nous de faire ? Continuer et aller au crash ou mettre en œuvre la transition maintenant pour aller vers une société en santé ?

Le principe même de la santé, c’est la faculté de régulation. Etre en santé ce n’est pas ne jamais tomber malade, c’est ne pas rester malade. La capacité de régulation permet de repousser le point de rupture, pas pour insensibiliser, mais pour élargir la fenêtre de tolérance.

Une personne capable de réguler ses émotions, ressent toujours les mêmes émotions, cependant elle n’explose pas à la moindre contrariété parce qu’elle est en mesure de les réguler. Imaginez que votre corps soit incapable de réguler sa température interne, que sur une plage au soleil il grimpe à 45 degrés en quelques minutes et que sur les pistes enneigées il se trouve en hypothermie immédiate. Il n’est pas souhaitable que le corps s’adapte au monde extérieur, sans quoi notre vie s’en trouve réduite, il est capital en revanche qu’il se régule intérieurement. La différence est très importante, car il est insensé de penser pouvoir pousser le curseur vers plus d’adversité sans avoir préalablement concentré l’attention sur davantage de centrages.

Pourtant c’est exactement ce que propose notre monde, il pousse jusqu’à la cassure et tente de réparer ensuite. Sauf que la réparation, n’est pas la régénération, on ne retrouvera jamais l’état initial.

Ce qui est réparé a d’abord été cassé. Une société responsable n’est pas une société qui cherche des responsables.

Chercher des responsables c’est s’inscrire dans la réparation car rendre justice répare. Se montrer responsable et agir avec justesse évite la casse.

La justesse, dans les périodes compliquées du monde modifie le cours de l’histoire. C’est elle que l’on salue quand on se retourne sur le passé. Les justes ne cherchaient pas à rendre justice, ils ont agi par justesse.

La justesse c’est s’accorder. C’est trouver là où sonne l’harmonie en nous.

La justesse demande du courage, le courage d’être soi, de respecter son âme. La justesse apporte la paix. Elle n’évite pas le drame mais la tragédie. Avec la justesse l’issue n’est jamais écrite d’avance. Prenons le temps d’être justes.

Et aussi…

En attendant le prochain festival d’Agir pour le Vivant, qui se tiendra à Paris du 3 au 6 juin autour du thème de la ville, et le rendez-vous à Arles fin août sur le thème des territoires, la rédaction de Libération en partenariat avec les éditions Actes Sud propose à ses lecteurs tribunes, interviews et éclairages, ainsi qu’une sélection d’articles sur le thème de la biodiversité. A retrouver ici.

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