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Critique

Frédéric Boyer, «le Lièvre» et le chaman

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Des visions d’enfance aux hantises d’adulte.
par Frédérique Roussel
publié le 16 avril 2021 à 23h50

Une voiture qui fonce sans raison sur une route de campagne, sauf pour exprimer une liberté gratuite, celle d’affirmer qu’on est vivant. A bord, le narrateur âgé de 10 ans, et le conducteur, un homme dont on ne comprend pas tout de suite quel rôle il joue. Est-ce le père, un autre membre de sa famille ou pas ? En tout cas, celui-ci signifie clairement et verbalement la fin de l’escapade, de toutes les escapades. «C’est la dernière fois. La dernière fois que je t’emmène avec moi.» Qu’a donc pu faire comme grosse bêtise ce gamin pour être ainsi privé à jamais de ce genre d’échappée ? Qu’avons-nous fait nous-mêmes pour être puni ainsi ? Car l’identification avec l’enfant coule d’elle-même, il nous semble que la réprimande rencontre quelque chose en nous de lointain, et de vif. Une intensité qui sera forcément rabrouée. Et l’impression d’avoir vécu aussi ce genre de moment d’enfance ballottée, l’automobile qui avance à pleins phares sur une départementale, hachant des morceaux de paysages dans la nuit tombée, pour finir par le couperet du réel. ici c’est : «Maman devait s’inquiéter.»

Les pleurs du petit à qui l’on dit que c’est fini, bien fini, tombent à flots ininterrompus. «Toutes les larmes accumulées par le petit garçon que j’étais, figées comme des visières de cristal lourd, se sont mises à fondre lentement et couler.» Elles durent encore chez l’adulte de 58 ans qui va consulter, près de la Contrescarpe à Paris, quelqu’un qu’il appelle le chaman, quelqu’

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