Portrait : Entre paillettes et sida, la vie de Marguerite Littman, muse de Truman Capote et amie de Lady Di

C'est à elle que Holly Golightly doit son charmant caractère dans « Diamants sur Canapé ». Socialite incontournable et discrète du XXe siècle, Marguerite Littman a été la muse de Truman Capote et d'Andy Warhol, avant de dédier sa vie à des œuvres caritatives.
Marguerite Littman
Patrick Lichfield/Condé Nast via Getty Images

C’était une présence discrète mais constante. L’une de ces figures centrales de la haute société du XXe siècle, qui naviguait sans encombre entre les Rolling Stones et Lady Di. Son nom ? Marguerite Littman. Sa profession ? Muse, philanthrope, coach vocale pour stars, socialite. Une grande dame qui aura vécu cent vies et en aura sauvé autant d'autres.

Nous sommes en 1950. Les studios hollywoodiens embauchent à tour de bras et le soleil de la Californie n’a jamais semblé si accueillant. C’est donc tout naturellement que la jeune Marguerite Littman quitte sa Louisiane natale après un bref passage à New York, pour suivre son scénariste de frère à Los Angeles. D’emblée, sa voix et son minois font craquer le producteur Jerry Wald, qui voit en elle une future star... à condition qu’elle se débarrasse de son accent du Sud. L’Américaine prend donc des leçons avec un coach vocal mais découvre très rapidement que rien n’y fait, ses « e » traînants lui collent à la peau et au palais. Plutôt que de se morfondre, elle décide alors de devenir elle-même coach vocal. À un détail près, c’est l’accent du sud qu’elle enseignera à ses clients. Elizabeth Taylor et Paul Newman prendront ainsi des leçons avec elle pour déverrouiller leurs cordes vocales sur le tournage de La chatte sur un toit brûlant (1958), tout comme Carroll Baker pour Baby Doll (1956).

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Marguerite Littman et Elizabeth Taylor en 1991.

Entre luttes et mondanités

À force de fréquenter le monde du cinéma, Littman s’amourache d’un scénariste, divorce, se remarie avec un acteur, divorce. Et puis déménage à New York, où elle tient une chronique pour le magazine Glamour et devient l’assistante du photographe Richard Avedon. Il va sans dire que la jeune femme a le don d’être au bon endroit, au bon moment. « Elle connaît tout le monde », disait Truman Capote, qui aurait enrichit son personnage de Holly Golightly dans Diamants sur Canapé avec le charme et surtout le panache de Marguerite (même s'il se dit que c'est la socialite Babe Paley qui aurait surtout inspiré l'écrivain.)

Tennessee Williams, David Hockney, Jerry Hall, Bianca Jagger, Andy Warhol et la princesse Diana font partie de la garde rapprochée de cette mondaine discrète. Pourtant, Littman est bien plus que paillettes et tapis rouge. Déjà en 1964, lorsqu’elle travaille pour Richard Avedon, ce n’est pas pour un énième projet visant à sublimer les stars du moment, mais pour livrer un témoignage poignant des conditions de vie et des paradoxes de la société américaine. Nothing Personal est le nom de cet ouvrage signé par l'écrivain James Baldwin et le photographe, qui explore entre autres la lutte pour les droits civiques et ce qu’il reste de la ségrégation. Qui aurait imaginé Marguerite Littman, fille de propriétaires terriens du Sud des États-Unis, prendre part à un projet aussi polémique ? Et surtout, en sortir indemne ? Ce serait oublier le sens inné de la socialite pour se faire des amis. Est-ce son doux accent du Sud ? Sa gentillesse ? Son sens de l’humour ? Quoiqu’il en soit, personne n’ose lui dire non. Ce qui tombe plutôt bien en pleine épidémie du sida.

La garde-robe de Lady Di

Installée à Londres avec son nouveau mari conseiller de la Reine, elle décide de s’investir dans cette cause et demande à 300 personnalités un chèque de 100 pounds pour créer un fond d’aide aux victimes de la maladie. Tout le monde accepte. C’est ainsi que naît l’AIDS Crisis Trust, qui deviendra l'association caritative britannique la plus importante de l’époque et lèvera des millions, notamment grâce aux dons de proches de Littman, comme Elizabeth Taylor ou David Hockney.

Parmi les figures importantes qui se rallient à son combat, il y a Lady Di. « Elle m’a appelé un matin, raconte Littman à une journaliste du New York Times en 1999. Elle m’a dit : “j’ai une merveilleuse idée. Je vais te donner tous mes vêtements.” Sur le moment je n’ai pas compris ce qu’elle voulait dire, je me suis dis “oh mon dieu, je m’habille si mal que ça ?” », se souvient avec humour la socialite. En résultera une vente aux enchères de la garde-robe de la princesse, au profit des victimes de l'épidémie. L'événement, qui a lieu quelques mois à peine avant la mort de Diana, est un succès sans précédent. Mais Littman n'est pas du genre à se pavaner ou à se reposer sur ses lauriers. Ses vieilles années, elle les passera à siéger dans l’organisation caritative d’Elton John, « un type marrant », avant de se retirer dans sa belle maison de Chester Square, à quelques encablures de chez Mick Jagger.

Tim Graham Photo Library via Getty Images

Marguerite Littman et Lady Di en 1997.

C’est le 16 octobre 2020 que cette grande dame âgée de 90 ans s’éteint. Elle laisse derrière elle le souvenir de son infatigable lutte contre les injustices. Ainsi que celui de son accent, dont elle n'a finalement jamais réussi à se débarrasser.