MUSIQUE - La plateforme musicale suédoise SoundCloud permettant à des artistes de faire découvrir leurs morceaux à des auditeurs, a annoncé à l’AFP mardi 2 mars lancer, dès avril 2021, un nouveau système de rémunération basé sur les durées d’écoute de chaque artiste, une première selon elle.
“C’est une demande qui revient depuis des années dans l’industrie. Nous sommes heureux d’être les premiers à apporter cette innovation pour soutenir les artistes”, s’est félicité Michael Weissman, directeur général de la plateforme. Ce nouveau système de rémunération succède à celui, décrié par les artistes, du pot commun où la rémunération se faisait au prorata des écoutes totales.
Cependant, ce qui devrait être une bonne nouvelle pour les artistes indépendants n’en est finalement pas une: cette innovation ne serait en réalité pas plus égalitaire. En effet, changer le système de répartition des plateformes musicales, en passant du pot commun aux écoutes par artiste, impacterait peu la rétribution des musiciens actuellement marginalisés. C’est en tout cas ce que conclut l’ instance qui chapeaute la filière musicale française, le Centre national de la musique (CNM) d’après une étude du cabinet Deloitte.
Les gros artistes privilégiés
Aujourd’hui, un abonné qui paye 10 euros par mois et écoute peu de fois ses chanteurs favoris voit une grande partie de cette somme migrer vers d’autres artistes beaucoup plus streamés (par les abonnés en général). C’est le “market centri” c’est-à-dire le prorata des écoutes totales qui est opposé au modèle théorique du “user centric” qui s’appuie dans ce cas-ci sur les écoutes individuelles des abonnés.
Conséquence, les grands gagnants des plateformes de streaming se concentrent aujourd’hui dans un cercle fermé de poids lourds comme le rappeur Drake ou la chanteuse Ariana Grande. La grogne de la majorité des autres artistes, y compris des figures comme Robert Smith ou The Cure est montée ces derniers mois sur les réseaux sociaux.
“Certains seront peut-être déçus de voir que, si on passait au ‘user centric’, les changements en valeur absolue pour la plupart des artistes ne représenteraient pas grand-chose”, expliquait à l’AFP le 27 janvier Jean-Philippe Thiellay, président du CNM. “Mais il y a quand même une satisfaction, c’est d’avoir une étude française sur le sujet, la meilleure au monde en réalité puisque deux acteurs principaux du marché français, Spotify et Deezer, ont joué le jeu, poursuit-il. Le combat pour les artistes, auteurs, compositeurs, qui réclament une meilleure rémunération est ailleurs, et le CNM va étudier différentes pistes”.
Des gagnants qui n’en sont pas vraiment
Dans les conclusions de l’étude rédigée par Jean-Philippe Thiellay, ce dernier note d’abord qu’un passage au “user centric aurait pour effet de fortement atténuer de moins 17,2 % les redevances touchées par le Top 10 artistes, de stabiliser le milieu du classement avec une faible augmentation des redevances perçues et de permettre aux artistes les moins écoutés, se situant en dessous du 10.000e rang, de profiter d’une augmentation de leurs redevances de 5,2 %”.
En termes de genres musicaux, “la musique classique , le hard rock, le blues , le pop rock, le disco et le jazz bénéficieraient d’augmentations importantes en pourcentage, tandis que le rap, le hip-hop et, à un moindre degré, l’afro-beat et le new age verraient leurs redevances baisser”, détaille-t-il.
Mais, comme il l’écrit, “l’impact du ‘user centric’ en valeur relève du symbolique pour la plupart des catégories analysées. Les pourcentages de hausse élevés, par exemple pour le classique, s’appliquent à des assiettes tellement faibles, que, en valeur, on est dans l’épaisseur du trait”.
Exemple pour les artistes au-delà du 10.000e artiste le plus écouté. “L’impact du passage au ‘user centric’ serait au maximum de quelques euros par an en moyenne par artiste. Ceux qui recevaient peu des plateformes de streaming ne gagneront pas davantage”, a pointé le président du CNM.
Antoine Monin, responsable chez Spotify, explique qu’il faut aussi garder à l’esprit que les plateformes ne rémunèrent pas directement les artistes. “Cela se fait par l’intermédiaire des maisons de disques. Une réflexion sur un autre modèle de rémunération ne pourra se faire qu’avec tous les acteurs: artistes, auteurs, compositeurs, labels, distributeurs, sociétés de gestion collective, etc”, prolonge-t-il.
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