ARCHIVES – Jean-Pierre Bacri : « Je n'ai pas peur de la mort, je serai le dernier au courant »

Camille Choteau | à 20h07

ARCHIVES – Jean-Pierre Bacri : « Je n'ai pas peur de la mort, je serai le dernier au courant »

Jean-Pierre Bacri est décédé ce 18 janvier. Il avait 69 ans. Alors que les hommages se succèdent pour lui rendre hommage, redécouvrez sa dernière interview dans Gala en juin 2017. C'était à l'occasion de la sortie du film "Grand Froid" dans lequel Jean-Pierre Bacri jouait un croque-mort en fin de carrière.

Ce lundi 18 janvier, Jean-Pierre Bacri est mort à l'âge de 69 ans des suites d'un cancer, a annoncé son agent à BFMTV. Le comédien, réalisateur et scénariste, qui n'a jamais eu d'enfant, était connu du grand public pour ses rôles de ronchons au cinéma lors de ses quatre décennies de carrière. Tout au long de sa vie, il est resté également très attaché à Agnès Jaoui, avec qui il a formé un couple à la ville et à la scène pendant plus de 25 ans. Il laisse derrière lui des films cultes à l'instar de Cuisine et dépendances ou Un Air de famille. En 2017, Gala le rencontrait pour la sortie de Grand froid.

© VEEREN / BESTIMAGE

GALA : Ce film, Grand froid, vous ressemble une fois de plus par son aspect comique grinçant

JEAN-PIERRE BACRI : N’ayant qu’une vie, je ne peux pas en essayer une où je ferais les choses pour les autres. Donc je fais ce qui me plaît. Tant pis si ça paraît répétitif à certains.

GALA : Donc pour vous, rôle de « composition », ça ne veut rien dire ?

JEAN-PIERRE BACRI : Ça n’a aucun intérêt pour moi. Ça voudrait dire quoi "à contre-emploi" ? Jouer les sentimentaux ou les héros ? En effet, ça ne m’inspire que de l’indifférence. Heureusement, je commence à être assez vieux (soixante-six ans, ndlr) pour ne plus avoir ce type de propositions.

"Je ne peux pas vivre sans humour"

GALA : Donc vous restez dans le registre du « mec bougon » comme on se plaît à vous définir ?

JEAN-PIERRE BACRI : Moi, bougon ? Ça ne me définit pas du tout ! Je passe mon temps à rire! Allez voir mes amis, ils vous diront qu’ils rigolent avec moi. Tout ça n’est qu’une invention. Je ne peux pas vivre sans humour.

GALA : Votre personnage, Georges, s’inquiète beaucoup de sa fin de vie. Contrairement à vous ?

JEAN-PIERRE BACRI : Je n’ai pas peur de la mort puisque je serai le dernier au courant. Ce sont les autres qui diront : "T’as vu, Bacri est mort". Moi, je m’en fous, je ne serai plus là. Je ne pourrai pas partager leur tristesse. La mort elle-même est le point final du contrat qu’on a tous signé avec la vie. À un moment, ça s’arrête. Il faut faire de la place aux autres.

GALA : Avez-vous, comme Georges, réfléchi à votre épitaphe ?

JEAN-PIERRE BACRI : Je veux me faire incinérer donc il n’y en aura pas. Mais le plus grand compliment qu’on pourrait me faire serait : "C’était un homme libre". L’indépendance d’esprit, c’est la plus grande qualité.

"Je voudrais qu’il sache qu’on l’aime"

GALA : Qu’aimeriez-vous laisser, à la fin ?

JEAN-PIERRE BACRI : Je préfère penser au présent. Sauf quand il s’agit de Molière dont je viens de jouer Les Femmes savantes. Là, je me dis : "C’est dommage, il n’a jamais su que trois siècles plus tard, il ferait hurler de rire le public." Je voudrais qu’il sache qu’on l’aime.

GALA : Il a quand même connu le succès de son vivant…

JEAN-PIERRE BACRI : Oui, c’est bien le succès. Être aimé, fêté. Même si ce n’est que vanité, c’est flatteur.

GALA : C’est ça qui vous donne envie de continuer à créer ?

JEAN-PIERRE BACRI : Je ne pourrais pas faire autre chose. Et puis écrire avec Agnès, c’est une bénédiction.

GALA : On parlera encore du duo Bacri-Jaoui dans quatre cents ans ?

JEAN-PIERRE BACRI : Je n’en sais fichtrement rien, et encore une fois : on s’en fout. Déjà on en parle maintenant. Ça fait super plaisir.

"Le bonheur, ça ne veut rien dire"

GALA : C’est ce qui vous rend heureux ?

JEAN-PIERRE BACRI : Ça et ma vie de tous les jours. Le bonheur, ça ne veut rien dire, il y a des moments où l’on a mal aux dents, et là, on ne peut pas dire « je suis très heureux », on dit plutôt, « je voudrais qu’on m’arrache la tête ». C’est stupide de parler de bonheur. Quand on ne me fait pas chier, oui, je suis heureux.

GALA : Il paraît que vous détestez vous voir…

JEAN-PIERRE BACRI : C’est vrai. J’aimerais voir Cary Grant à l’écran et je me vois moi. C’est quand même le grand écart ! Et ça ne se règle pas du tout avec les années. C’est pour ça qu’il ne faut pas s’emmerder à se regarder, il vaut mieux attendre les opinions positives des proches !

GALA : Et les critiques négatives, vous prenez ?

JEAN-PIERRE BACRI : Je n’ai pas envie de lire des choses désagréables. Avec Agnès, on a décidé ça à la sortie de On connaît la chanson, il y a vingt ans. Le mec des Cahiers du cinéma avait écrit : "Je préférerai toujours les problèmes de masturbation d’un adolescent de quinze ans à ce genre de film"… Je me suis dit alors : "Je vais arrêter de lire ces connards".

GALA : Je peux donc écrire ce que je veux dans cette interview ?

JEAN-PIERRE BACRI : Vous pouvez écrire les pires insanités sur moi, la prochaine fois qu’on se croise, je vous dirai gentiment bonjour.

PROPOS RECUEILLIS PAR CAMILLE CHOTEAU

Article écrit avec la collaboration de 6Medias

Crédits photos : Pierre Perusseau / Bestimage

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