Frontière

Inquiétude grecque après une occupation militaire turque

Au niveau du fleuve Evros, un petit bout de terrain devient l’objet d’une discorde entre la Grèce et la Turquie qui a laissé, depuis jeudi, une trentaine d'hommes s'installer et planter un drapeau.
par Fabien Perrier, correspondant à Athènes
publié le 23 mai 2020 à 22h32

L’épidémie de Covid-19 bat à peine en retraite que les tensions entre la Grèce et la Turquie repartent à la frontière délimitée par le fleuve Evros. C’est un petit bout de terrain appartenant à la Grèce qui est l’objet des bisbilles depuis jeudi. Initialement, des militaires turcs y patrouillaient. Depuis 48 heures, une trentaine d’entre eux s’y sont installés et ont même planté leur drapeau sur ce morceau de Grèce. Sans expliquer pour le moment les raisons de leur geste. Les Grecs craignent que les Turcs veuillent leur voler un bout de territoire.

Pour comprendre cette crainte, il faut remonter à la signature du traité de Lausanne, en 1923. Il délimite les frontières entre la Grèce et la Turquie. Le milieu du fleuve Evros sépare les deux pays. Sauf qu’au cours de l’histoire et de travaux de la main de l’homme, le lit du fleuve a changé. Il y a donc sur la partie orientale du fleuve quelques enclaves grecques. C’est une de celle-là qui est incriminée.

Ce même fleuve est un point de passage des migrants qui, depuis l’accord signé entre Bruxelles et Ankara en 2016, sont retenus en Turquie alors que beaucoup d’entre eux souhaitent entrer dans l’Union Européenne. Depuis que la Nouvelle Démocratie et son leader, Kyriakos Mitsotakis (droite) ont remporté la majorité en Grèce, en juillet 2019, la politique migratoire tend à se durcir.

Mur et point de passage

Les migrants sont devenus objets de marchandages entre les deux pays. Ankara fait pression sur l’UE, via la Grèce, en ouvrant les vannes. Athènes renforce ses frontières et rejette les migrants. La Grèce souhaite d’ailleurs établir un mur à ce point de passage… sur lequel sont désormais installées des troupes turques.

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Bien que la Grèce et la Turquie soient tous les deux membres de l’organisation militaire Otan, ces deux pays s’affrontent de plus en plus et ont renforcé le contrôle de leurs frontières.

Dans un premier temps, le ministre des Affaires étrangères grec, Nikos Dendias, a déclaré qu'il ne s'agissait que d'un petit bout de terre, «quelques dizaines de mètres», puis il a demandé des explications à l'ambassadeur turc en Grèce.

«Pas une querelle»

Pour sa part, l'ambassadeur turc à Athènes indique à Libération être «en contact étroit avec les collègues grecs depuis que nous avons été informés du problème. Depuis le début, nous sommes d'accord pour dire qu'il ne s'agit pas d'une querelle de frontière. C'est plutôt un problème technique absolument normal pour des voisins qui partagent une frontière terrestre. Ce n'est pas un sujet, et ça ne doit pas le devenir».

Pourtant, le climat est propice aux inquiétudes. D'une part, cet événement arrive quelques jours après que le magazine allemand Der Spiegel a révélé qu'un militaire turc a tiré sur un policier allemand qui patrouillait en Grèce, dans le cadre d'une opération de Frontex, la police des frontières européennes.

D'autre part, côté grec, à l'heure où l'épidémie du Covid semble refluer, certains craignent que ce positionnement des troupes turques annonce une reprise du flux migratoire… Dans le nord de la Grèce, la population est vent debout contre l'arrivée des migrants. En février et mars, des mouvements migratoires avaient même entraîné des discordes profondes entre Athènes et Ankara.

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