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"Il est hors de question de sacrifier nos salariés" : comment ces chefs d'entreprise affrontent la crise du coronavirus

Comment ces cheffes d'entreprise affrontent la crise du coronavirus
Depuis le début de l'épidémie de Covid-19, les entrepreneures doivent réussir un exercice de haute voltige : sauver à la fois leur entreprise et leurs salariés. iStock

L'épidémie a marqué un coup d'arrêt à leur activité... et à leur chiffres d'affaires. Depuis, les entrepreneures doivent réussir un exercice de haute voltige : sauver leur entreprise sans sacrifier leurs salariés. Le tout, sans céder à la panique, alors que leur société est parfois menacée. Témoignages.

Il y a eu les premières mesures de confinement, puis la fermeture des commerces non-essentiels. Depuis le début de l'épidémie de Covid-19, l'économie française tourne au ralenti. Pour soutenir les employeurs et éviter des licenciements massifs, le gouvernement déploie une palette de mesures d'urgence. Garantie des prêts, report des échéances fiscales, chômage partiel indemnisé à 100 % par l'État... Autant de béquilles précieuses pour des chefs d'entreprise quand l'argent n'arrive plus et que les caisses se vident à vue d'œil. Sous haute pression, des entrepreneures doivent assurer la survie de leur société, sans licencier personne. Et trouver, au passage, le temps et l'énergie de rassurer leurs équipes.

Natalie Hanczewski, co-fondatrice de la marque de décoration et de mobilier NV Gallery

Natalie Hanczewski, co-fondatrice de NV Gallery
La marque de mobilier et de décoration a dû fermer sa première boutique, ouverte en décembre dernier. Un coup dur pour l'entreprise, qui tient bon grâce au commerce en ligne. NV Gallery / Photo presse

"Quand les premières annonces d'Emmanuel Macron sont tombées, on était en plein lancement de notre nouveau site internet. Il a fallu mener cette grosse opération à terme tout en passant l'équipe en télétravail, mais on a réussi, après avoir organisé dix visio-conférences et géré plusieurs pics de stress. Psychologiquement, le plus difficile a été la fermeture de notre boutique. C'est un grand espace de 700 m2 dans le 2e arrondissement de Paris ouvert en décembre, pour lequel on a travaillé très dur. Il a fallu déposer une demande d'activité partielle pour nos 7 vendeurs, repousser sine die tous les événements prévus… Mais on tient bon grâce à notre site, lancé il y a 3 ans. La fréquentation a chuté, mais les commandes sont toujours assurées grâce aux six salariés qui travaillent dans notre entrepôt de 6000 m². On pense rarement à ces métiers quand on pense à NV Gallery, mais c'est grâce à eux que l'activité continue. Ils sont libres de ne pas venir s'ils se sentent en danger, mais ils ont tous redoublé d'efforts depuis le début de l'épidémie. Nous avons mis en place des règles très strictes et un suivi permanent pour assurer leur sécurité.

C'est tout le challenge d'une crise de cette ampleur : protéger à la fois nos salariés et notre entreprise. Notre chiffre d'affaires s'effondre mais les coûts restent, y compris les salaires. Mais pas question de perdre nos salariés. Ce sont tous de très bons profils qu'on a vu grandir depuis leur arrivée. On veut absolument que tout le monde soit là quand l'activité reprendra. Ce qui signifie qu'on doit continuer à vendre, alors même qu'on ne propose pas un produit essentiel. Il faut donc garder la tête froide, sans renier nos valeurs ni pousser à la consommation de meubles en pleine pandémie. Heureusement, les pouvoirs publics réagissent extrêmement vite, avec le chômage partiel, la garantie de prêts par la BPI ou les échéances fiscales repoussées. Mais nous sommes en veille constante pour ne pas rater les dernières consignes du gouvernement. Tout ça ne nous laisse même pas le temps de paniquer. La seule priorité, c'est de sauver ce qu'on a construit. Avec une interrogation : combien de temps ça va durer ?"

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Élodie Garamond, fondatrice du Tigre Yoga Club

Élodie Garamond, fondatrice du Tigra Yoga Club
"Je suis sûre que nous pourrons tirer du positif de tout cela", assure Élodie Garamond, la fondatrice du Tigre Yoga Club. Tigre Yoga Club / Photo presse

"On avait anticipé le scénario d'une fermeture, mais on ne pensait pas qu'elle serait annoncée si vite. Il a fallu prévenir toutes les équipes, baisser le rideau de nos cinq clubs et suspendre nos formations de professeurs de yoga. On a travaillé à une cadence infernale, dans une ambiance assez irréelle. En parallèle, on a tourné une série de vidéos pour "la Quotidienne du Tigre", des cours en ligne gratuits diffusés pendant le confinement. Les jours suivants, nous nous sommes réunis pour faire le point sur les aides d'urgence proposées par le gouvernement, et surtout sur notre trésorie. La question est là : comment tenir sur la durée ?

Nous avons heureusement un relais digital avec Yoga Play, notre service payant de cours en ligne. On espère qu'il nous permettra de rémunérer nos professeurs, qui tournent des cours en vidéo chez eux. Nous avons 250 enseignants, tous indépendants, et certains se retrouvent dans une situation extrêmement précaire. Comme tous nos partenaires, des marques de vêtements de sport aux organisateurs d'événement en passant par les hôtels. Nous faisons le tour de chacun d'eux, pour identifier ceux qui sont le plus en danger et prendre les bonnes décisions. C'est un exercice d'équilibriste. Il faut placer le curseur au bon endroit, à mi-chemin entre une bonne gestion de notre trésorerie et une forme de solidarité. Ça requiert d'être omniscient, de se projeter à long terme, de faire le tri entre une multitude d'acteurs et d'enjeux. Personne ne sait combien de temps cette crise va durer. Ce que j'espère, c'est que j'aurai encore toutes mes équipes avec moi à la fin. Ce dont je suis certaine, en revanche, c'est que le public aura envie de vivre, de sortir, de se faire du bien. Je crois aussi que nous aurons tous appris à ralentir, à nous concentrer sur nous-même, et que cela sera pérenne. Beaucoup de gens se mettent au yoga en ce moment, et je suis sûre que nous pourrons tirer du positif de tout cela."

En vidéo, les précautions à prendre au supermarché pour se protéger du virus

Nelly Meunier, CEO de Sunday

Nelly Meunier, CEO de Sunday
Les commandes de Sunday Box, qui permettent d'envoyer des photos sur la télévision de nos grands-parents, ont explosé au début de l'épidémie. Problème : elles sont fabriquées en Chine. Sunday / Photo presse

"Notre Sunday Box, qui permet d'envoyer des photos à nos grands-parents sur leur télévision, a pris tout son sens dès le début de l'épidémie. Nos commandes ont bondi dès février. Mais notre box est fabriquée en Chine, où les retards de production se sont très vite accumulés. Dans une situation pareille, vous avez beau investir toute l'énergie du monde, vous perdez pied. Nous avons dû arrêter la production alors que nous étions proches de la rupture de stock. Il a fallu activer un plan de continuité des activités, laisser les commandes ouvertes et avertir les clients qu'ils ne seraient livrés que dans un mois ou deux. Pendant ce temps, nous avons prêté nos box restantes à des Ehpad, pour soutenir leurs résidents confinés, coupés de leur famille. L'enjeu-clé est maintenant de réussir à le faire à plus grande échelle. C'est pourquoi nous cherchons à identifier les bons interlocuteurs publics, pour que l'État nous aide à déployer nos Box partout où elles peuvent être utiles. Ce serait notre façon de participer à l'effort collectif en cette période de crise.

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Si nous pouvons nous le permettre, c'est aussi parce que l'entreprise n'est pas en danger, grâce au soutien de nos investisseurs. Les mesures du gouvernement sont aussi très précieuses, même s'il est parfois difficile de s'y retrouver dans le flot d'informations qu'on reçoit. Ce qui est sûr, c'est qu'on ne touchera pas à nos équipes. Aussi rude soit-elle, cette crise est passagère : il est hors de question qu'on sacrifie nos salariés. Notre rôle est au contraire de les rassurer, en communiquant beaucoup et en étant absolument transparents. Notre chance, c'est la facilité avec laquelle Sunday s'adapte à ces nouvelles conditions de travail. Chacun est autonome, maîtrise son agenda, s'interrompt si besoin pour aller faire des courses ou s'occuper de ses enfants. En fait, on fait vivre nos valeurs : la famille, l'amour et l'authenticité. C'est face aux difficultés qu'elles prennent tout leur sens."

Aude Barral, co-fondatrice de CodinGame, plateforme de recrutement de développeurs informatiques

Aude Barral, cofondatrice de CodinGame
"Le défi est de rester optimistes et d'être créatifs : comment peut-on s'adapter pour faire face à la crise ?", s'interroge Aude Barral, la cofondatrice de CodinGame, une plateforme de recrutement de développeurs informatiques. CodinGame / Photo presse

"S'organiser en télétravail n'est pas un problème pour une startup Tech comme la nôtre. Maintenir le lien social entre nos 30 salariés, en revanche, est un vrai enjeu. On doit multiplier les capacités d'écoute. Nos managers appellent chacun de leur collaborateur 10 minutes par jour, pas uniquement pour parler travail mais aussi savoir comment chacun se sent. Certains sont confinés seuls, ça peut être lourd. On organise aussi des visio-conférences avec les 30 salariés de CodinGame. Les applications qu'on utilise depuis longtemps, comme Slack, prennent aussi une autre dimension : on se lance de petits challenges sportifs, on s'envoie des photos et on échange librement pour évacuer la pression. Malgré le contexte, chacun a redoublé d'enthousiasme et d'implication, ça a été une très bonne surprise. Cette crise est aussi une belle occasion de faire vivre nos valeurs, de mettre en oeuvre la confiance mutuelle et l'attention aux autres qu'on revendique.

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Mais cela ne va pas sans une transparence absolue envers nos équipes. Le scénario qui se profile est celui d'un ralentissement profond de l'économie, avec un gel complet des budgets recrutement de nos clients. Heureusement, nous ne sommes pas une toute jeune entreprise. Nous avons les reins solides et une trésorerie conséquente. Il était important de le dire à nos équipes dès le départ, car elles ont pu avoir le sentiment d'être en ligne de mire. Le défi est ensuite de maintenir cet optimisme et d'être créatifs. Comment peut-on adapter notre offre pour être utile dans ce contexte ? L'une de nos réponses a été de créer de petits événements en ligne, des concours de programmation informatique. C'est notre façon de soutenir celles et ceux qui sont confinés."

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