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Interview

EXCLUSIF Agnès Buzyn : « Mon programme pour Paris est résolument tourné vers le défi du changement climatique »

Arrivée en catastrophe dans la campagne des municipales pour remplacer Benjamin Griveaux, Agnès Buzyn, la nouvelle tête de liste de LREM à Paris, n'a plus que quinze jours pour s'imposer. Dans une interview aux « Echos », elle fustige la gestion municipale d'Anne Hidalgo, qualifiant son bilan de… « dépôt de bilan ». L'ex-ministre de la Santé présente ses mesures et fait des appels du pied aux électeurs écologistes.

Agnès Buzyn.
Agnès Buzyn. (JOEL SAGET/AFP)

Par Laurent Thévenin, Grégoire Poussielgue

Publié le 27 févr. 2020 à 18:24Mis à jour le 28 févr. 2020 à 09:58

Comment comptez-vous vous différencier d'Anne Hidalgo ?

Avant de regarder son programme, il faut regarder son bilan . Il ressemble plus à un dépôt de bilan. Sur le plan financier, il est catastrophique avec une augmentation de la dette de 50 % sur cette mandature, si on regarde les chiffres publics. Il est mauvais en ce qui concerne la gestion du quotidien quand on voit les échecs en termes de bouchons, de saleté , ou de délinquance. Des acquis de la mandature précédente, comme Vélib ou Autolib, ont été gâchés. Quant à son programme, c'est énormément de promesses sans le début d'un financement.

Vous n'avez vous-même pas encore détaillé le coût et le financement de votre projet…

Mon budget sera présenté en début de semaine prochaine. Je propose une règle simple : dans notre projet, un euro dépensé en plus sera toujours mis en face d'un euro d'économie. Nous avons déjà identifié 300 millions d'euros d'économies possibles dans le budget de fonctionnement de la mairie.

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Comment ?

La mairie doit être exemplaire : cela commence par une réduction du nombre de collaborateurs des élus qui est très important aujourd'hui ou du nombre de voitures de fonction. Nous augmenterons le temps de travail des agents de la ville pour atteindre progressivement les 35 heures. Il faut pour la Ville une gestion beaucoup plus rigoureuse. Je ne connais aucune autre administration avec autant de directions : une transformation de son fonctionnement et de son organisation est nécessaire.

Comment comptez-vous augmenter les recettes de la ville ?

Ma promesse, c'est de n'augmenter ni les impôts pour les Parisiens ni la dette. Je suis en revanche favorable au relèvement de la taxe sur les nuitées d'hôtel dans les 5 étoiles palaces, qui passera de 5 à 10 euros. Cela permettrait de financer un fonds de solidarité de 15 à 20 millions d'euros pour soutenir les commerçants en difficultés et l'attractivité de la capitale.

Vous décrivez une ville dégradée. Comment la rendre attractive, en particulier pour le tourisme ?

Ce vendredi, je rencontre les professionnels du tourisme : mon objectif sera de mieux coordonner tous les acteurs du commerce, de l'attractivité et du tourisme, notamment au niveau régional. Paris est la troisième ville touristique au monde avec 16 millions de visiteurs par an. Il y a nécessité de poursuivre cette dynamique en faveur d'une activité qui représente 300.000 emplois à Paris.

Quelle est la priorité ?

Le tourisme est aujourd'hui concentré dans certains quartiers, ce qui pose des problèmes. C'est pourquoi je veux créer 100 promenades culturelles à thème, qui permettront de répartir les flux.

Etes-vous favorable à l'interdiction des cars de tourisme ?

Je suis pour l'interdiction. Mais organisée progressivement en concertation avec les acteurs du tourisme, pas de manière brutale. On peut aussi imaginer des bus plus petits, ou moins polluants pour les personnes âgées ou handicapées.

Quelle sera la mesure phare de votre plan pour le commerce de proximité ?

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Je veux permettre à tous ceux qui le souhaitent, sur la base du volontariat, d'ouvrir le dimanche.

Quelle est votre approche vis-à-vis d'Airbnb ?

Le problème avec Airbnb, c'est ceux qui en font un commerce au détriment de la location longue durée pour les familles et les classes moyennes. Ce qu'il faut empêcher, c'est la commercialisation de logements où l'on ne vit pas sur la plateforme. Que la résidence principale soit mise en location sur Airbnb ne me pose aucun problème. Mon enjeu, c'est de faire en sorte que la règle des 120 nuitées soit respectée. Je veux donc doubler le nombre de personnes qui s'occupent aujourd'hui du contrôle d'Airbnb. Proposer un grand référendum sur le nombre de nuits, comme veut le faire la maire sortante, c'est de la démagogie, parce que ça ne répond pas au problème et que ce n'est pas de la compétence de la ville.

Vous annoncez vouloir remettre sur le marché de la location 20.000 logements vacants. Comment ?

Beaucoup de propriétaires sont réticents à mettre sur le marché locatif des biens qu'ils avaient achetés, par exemple pour compléter leur retraite. Je propose donc que la ville organise un service dédié à la location des logements vacants qui prendra totalement en charge l'aspect administratif, la gestion et la réfection des appartements à la sortie des locataires.

Faut-il maintenir l'encadrement des loyers du secteur privé ?

Oui. Cette mesure était nécessaire au vu de l'emballement des loyers. Il faut trouver un juste milieu entre la régulation et l'incitation, pour que cela ne freine pas les propriétaires qui voudraient mettre leurs biens sur le marché locatif.

Vous ne reprenez pas la proposition de créer un Central Park parisien. Quelles sont vos propositions pour adapter Paris au changement climatique ?

L'adaptation au changement climatique est une obligation car Paris est une ville en surchauffe. Elle est trop minérale et n'a pas été végétalisée. L'urgence n'est pas de faire de grands travaux mais de créer des lieux permettant de rafraîchir la ville, des îlots de verdure dans chaque quartier. Je souhaite créer 240 rues jardin et je veux une règle verte dans la ville. J'aurai auprès de moi un conseil scientifique et citoyen qui analysera tous les projets d'urbanisme et de transport pour vérifier qu'ils répondent bien aux enjeux du changement climatique. On ne doit pas être dans des propositions insuffisamment préparées, comme cela a été le cas pour la piétonnisation des voies sur berge.

Ensuite je veux sanctuariser tous les espaces verts à Paris et réaménager les bois de Boulogne et de Vincennes qui sont très peu utilisés car difficiles d'accès, insécurisés, mal aménagés. Je veux créer de nouveaux espaces verts, en ouvrant par exemple la petite ceinture aux Parisiens. Je suis dubitative au sujet du projet de la maire sortante de planter 170.000 arbres, ce qui reviendrait à en planter 80 par jour, tous les jours, alors que l'équipe actuelle en a planté à peine 20.000 en six ans ! Il ne faut pas entrer dans une course à l'échalote du nombre d'arbres mais créer des îlots de rafraîchissement. L'urgence est d'arrêter la bétonisation et la densification. Sur ce point, je rejoins les écologistes sur un moratoire concernant un projet comme la ZAC Bercy Charenton.

Sur quoi voulez-vous mettre l'accent pour ces quinze derniers jours de campagne ?

La propreté et la sécurité ne sont pas des thèmes politiques mais des prérequis pour une ville bien gérée. Je veux adapter la ville aux défis de l'avenir. Il y a la transition climatique que je viens d'évoquer, la réduction de la pollution, mais aussi le vieillissement. Ce thème n'est pas évoqué par les autres candidats alors que c'est un sujet de préoccupation pour de nombreuses familles. Paris est aussi un département donc elle a toutes les compétences sur le champ social. Les Parisiens veulent terminer leur vie chez eux. C'est pour cela que je souhaite créer un service public du maintien à domicile. Paris doit être une ville accueillante pour tous, et pas seulement pour les jeunes actifs qui font du vélo.

Espérez-vous toujours un ralliement de Cédric Villani avant le premier tour ?

Avant le premier tour non, car le délai de dépôt des listes a expiré. Mais nous nous parlons et il y a beaucoup plus de choses qui nous rassemblent que de choses qui nous séparent. Nous nous connaissons depuis longtemps, nous nous respectons énormément, donc je n'ai aucun doute sur le fait que nous trouverons le chemin qui nous rassemblera pour le deuxième tour.

Et avec les écologistes ?

Mon programme se veut rassembleur et est résolument tourné vers le défi du changement climatique, vers une amélioration de la circulation dans Paris, vers une réduction des transports polluants… Sur ces sujets, j'aurai cette capacité à mieux travailler avec la région pour les transports.

Compte tenu du bilan très sévère que vous faites du bilan d'Anne Hidalgo, seriez-vous prête à faire une alliance avec Rachida Dati pour empêcher la réélection de la maire sortante ?

Ce qui compte pour moi est de porter un programme complet et équilibré. Ces deux jambes qui caractérisent mon programme peuvent rassembler énormément de monde derrière ma candidature. Tous ceux qui auront envie de travailler à ce projet seront les bienvenus.

Grégoire Poussielgue et Laurent Thévenin 

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