Décryptage

Coronavirus : à la recherche de l’antidote ad hoc

Face à la propagation de la maladie, les soignants sont engagés dans une course contre la montre et testent plusieurs types de traitements. Mercredi pour la première fois, un Français succombait.
par Nathalie Raulin
publié le 26 février 2020 à 20h56

La menace coronavirus se précise plus vite que la façon d'en réchapper. Le décès d'un premier Français sans antécédents récents de voyage, dans la nuit de mardi à mercredi, a fait brutalement monter la pression sur les médecins hospitaliers. Le Covid-19 sévit aussi dans l'Hexagone. Sur le pied de guerre depuis la mise à disposition, le 12 janvier, du séquençage du génome du coronavirus apparu à Wuhan par les autorités chinoises, la plupart des épidémiologistes, à l'instar du professeur Arnaud Fontanet, de l'Institut Pasteur, estiment qu'un délai d'«un à deux ans» sera nécessaire pour espérer disposer d'un «traitement efficace» ou d'un vaccin. Un horizon trop lointain pour ne pas nourrir, face à l'urgence, les spéculations quant à l'existence d'un remède plus immédiatement disponible. Une tentation à laquelle a cédé mardi le directeur de l'Institut Méditerranée à Marseille, Didier Raoult. Selon ce dernier, un médicament couramment utilisé contre le paludisme, la chloroquine, pourrait contenir l'évolution de la pneumonie provoquée par le Covid-19. S'appuyant sur une étude clinique de trois chercheurs chinois parue le 19 février dans la revue BioScience Trends, ce spécialiste reconnu des maladies infectieuses avance que «cette infection est peut-être la plus simple et la moins chère à soigner de toutes les infections virales». Une affirmation qui laisse perplexe nombre de ses confrères.

La chloroquine est-elle efficace ?

Selon le professeur Xavier Lescure, spécialiste des maladies infectieuses et tropicales à l'hôpital Bichat, établissement en première ligne sur l'épidémie de Covid-19, l'article des scientifiques chinois ne livre aucune donnée susceptible de l'établir. «Un médecin doit être un saint Thomas, insiste Lescure. Il doit s'appuyer sur des faits et là, je n'en vois pas la couleur. Par expérience, j'observe que, quand des chercheurs démontrent l'efficacité d'un traitement, ils publient leurs résultats bruts, pas de simples recommandations de traitement, comme c'est le cas. J'attends des preuves.» Prudence donc. D'autant que, contrairement à d'autres molécules, la chloroquine a la double particularité, comme le signale le professeur Raoult, d'être bon marché et disponible en forte quantité. Difficile d'exclure que l'annonce des scientifiques chinois n'ait pour objectif principal que de rasséréner une population chinoise traumatisée.

En France, quels traitements ?

Pour parer à l'urgence, un groupe de travail, comprenant des épidémiologistes de renom, dont le professeur Lescure et des membres de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), vient d'arrêter un protocole de traitement, gradué en fonction de la sévérité de la maladie. Dans la plupart des cas, les personnes infectées par le coronavirus développent des formes très peu symptomatiques : petite toux et poussées de fièvre intermittentes à 38 °C. Elles guérissent alors d'elles-mêmes, sans avoir besoin de traitement médicamenteux. L'hospitalisation permet surtout de surveiller l'évolution de la maladie, et d'éviter une contamination plus large. Au besoin, une mise sous assistance respiratoire (masque à oxygène, intubation et ventilation ou circulation d'air extracorporelle via un poumon artificiel) peut aider à «passer le cap». «Mais ça n'a aucune action thérapeutique», prévient le professeur Lescure.

Que se passe-t-il si l’état de santé du patient se détériore ?

Deux cas de figure ont été identifiés. Dans le premier, le patient déclare en dix jours une pneumonie virale, soit une infection respiratoire avec atteinte sévère du poumon. Dans le second cas, alors que le patient semble avoir vaincu l’infection directement liée au coronavirus, son état s’aggrave après une surinfection bactérienne ou via un champignon, et son système immunitaire s’emballe. Dans les deux cas, les traitements administrés par les hospitaliers évoluent en fonction de la sévérité de l’infection.

Pour les formes intermédiaires, le groupe de travail recommande l’administration par voie orale d’un antiviral utilisé en trithérapie contre le VIH, le lopinavir. Pour les formes les plus sévères, les patients recevront par voie intraveineuse du remdesivir, molécule utilisée par le passé lors des épidémies d’autres types de coronavirus, le Sras et le Mers. L’utilisation de molécules antipaludéennes comme l’hydroxychloroquine et la chloroquine, en association avec le remdesivir, a été discutée mais écartée pour l’heure.

Qu’attendre de ces traitements ?

Le professeur Lescure le dit sans ambages : il s'agit de «traitements compassionnels». En clair, des médicaments administrés faute de mieux, dans le seul but de «rendre service au malade», mais qui n'ont bénéficié d'aucun test clinique ni d'autorisation de mise sur le marché pour cet usage. Toutefois, comme ils ont été testés sur d'autres pathologies, on connaît leur profil de toxicité et leurs effets secondaires. L'approche est empirique mais les scientifiques n'excluent pas totalement d'avoir de la chance. «Si une ou plusieurs molécules fonctionnent sur le Covid-19, cela permettra d'aller beaucoup plus vite» dans la mise au point d'un traitement efficace, nous expliquait récemment le professeur Fontanet. Le gros problème pour les autorités sanitaires, c'est que ces molécules nouvelles sont onéreuses et disponibles en faible quantité.

Qui le Covid-19 frappe-t-il le plus fort ?

Au regard des victimes du Covid-19 en Chine, les scientifiques ont désormais une idée assez précise des profils à risque. L’âge est déterminant. Alors que les enfants semblent à l’abri (aucun décès ni forme grave de l’infection n’ayant été identifiés), les plus de 70 ans payent le prix fort : 30 % à 40 % des décès sont dans cette tranche d’âge. La morbidité augmente également lorsque les patients présentent des pathologies vasculaires, hypertension ou infarctus du myocarde. Autre facteur discriminant : le sexe. Face au Covid-19, mieux vaut être né femme qu’homme.

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