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Olivier Véran, une «boule de nerfs» au ministère de la Santé

Député PS puis LREM, le neurologue isérois spécialiste des questions de santé publique a été choisi dimanche pour succéder à Agnès Buzyn.
par Eric Favereau, Photo Marc Chaumeil
publié le 17 février 2020 à 21h11

«Je suis prêt», a lâché Olivier Véran dès sa nomination au ministère des Solidarités et de la Santé. Et on peut le croire. Avec lui, pas un instant à perdre. Il court, il bouillonne, il parle à toute vitesse, multiplie les rendez-vous et les déclarations. Il adore cela : ne pas s'arrêter. Olivier Véran, neurologue au CHU de Grenoble, 39 ans, député (LREM) et rapporteur général de la commission des affaires sociales à l'Assemblée nationale, est ainsi. Il déteste traîner. «Une boule de nerfs», disent ses amis, «il réagit au quart de tour». Et de ce point de vue, il diffère d'Agnès Buzyn qui savait prendre son temps, avait horreur qu'on la brusque, et appréciait moyennement les grands discours publics. Olivier Véran adore, lui, parler.

Convictions

De fait, son parcours est une succession de surprises qui se sont enchaînées à merveille. Tout jeune neurologue au CHU de Grenoble, il milite, d'abord dans des associations de médecins puis au Parti socialiste. En 2012, alors qu'il a tout juste 32 ans, Geneviève Fioraso (PS) lui propose d'être son suppléant aux législatives. Elle remporte le scrutin. Mais à peine élue, elle est nommée ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche par François Hollande. Voilà donc Olivier Véran appelé à siéger à sa place à l'Assemblée. «Je ne m'y attendais pas du tout, ce fut une belle surprise», nous disait-il.

Aussitôt, au Palais-Bourbon, il est comme toujours un travailleur insatiable, multipliant les interventions, se spécialisant très vite sur les questions de santé publique. Non sans courage, il va défendre des amendements dans le projet de loi santé de la ministre de l'époque, Marisol Touraine. «Il pige très vite, et sent les sujets», raconte un de ses anciens enseignants, qui ironise : «Son défaut, qu'il va devoir maîtriser : il aime bien que cela se sache.» Ainsi, il va faire passer un amendement très médiatique pour interdire l'activité de mannequin aux personnes trop maigres. En même temps, il va se battre contre les lobbys qui veulent détricoter la loi Evin interdisant la publicité sur l'alcool. «Sur la santé publique, ses convictions sont fortes», poursuit un de ses amis médecins.

Olivier Véran est ainsi, il a de vrais engagements. Mais il s’adapte si nécessaire. Quand arrive le tourbillon Macron, il suit aussitôt le mouvement, tout en ménageant un temps ses amis socialistes. Le voilà élu député en 2017 et on évoque son nom, déjà, pour être ministre de la Santé, car il a été un des artisans du volet santé du candidat Macron. Ce sera finalement Agnès Buzyn. Il se rabat, alors, au poste stratégique mais très technique de rapporteur général de la commission des affaires sociales. Là, comme toujours, il se donne à fond. Et se met à maîtriser des dossiers aussi complexes que ceux des retraites ou de l’Ondam (l’objectif national des dépenses d’assurance maladie).

«Honneur»

Comme Agnès Buzyn, il reste profondément médecin, gardant une consultation hebdomadaire à l’hôpital de Grenoble. Très logiquement, il se bat pour le cannabis thérapeutique, termine au passage un rapport sévère sur les mercenaires à l’hôpital public, ces médecins qui profitent de la crise pour faire des vacations à plus de 1 500 euros la journée. Il arrive aussi au docteur Véran de rédiger des propositions bizarres. L’une d’elles consistait à faire rétribuer les urgences hospitalières quand celles-ci renvoient leurs patients non urgents vers la médecine de ville, provoquant la colère du milieu médical.

Il n’empêche Olivier Véran sait être habile, parfois un peu trop. Ces derniers mois, alors que la crise s’installe dans les hôpitaux publics, le voilà endossant les habits du bon soldat du macronisme, défendant sans sourciller les plans bien tardifs de la ministre de la Santé.

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«Agnès Buzyn a mis la barre très haut, j'espère me montrer digne de l'honneur qui m'est fait en me proposant de lui succéder», a dit-il, juste après sa nomination. Certes… Le voilà arrivé là où il rêvait d'être. Il reprend les rênes du ministère, à un moment où la situation reste critique dans les hôpitaux. Ne perdant pas un instant, il vient d'annoncer le lancement d'«une enquête nationale pour consulter les hospitaliers, pour tenter de saisir le sens de leur engagement et les raisons du mal-être», ce qui n'est pas une mauvaise idée tant la confiance est ébranlée. Mais cela suffira-t-il ?

Il y a aussi à gérer la crise autour du coronavirus, même si la situation est sous contrôle, l’administration comme les médecins étant bien préparés. Et également le projet de loi sur les retraites, dossier qu’il connaît là encore dans les détails puisqu’il avait été nommé rapporteur du volet législatif de la réforme. Bref, ce neurologue, père de deux enfants, se disant plus à gauche que la moyenne des macronistes, aura besoin de toute son énergie pour affronter une route incertaine.

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