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Libération
Affaire Griveaux

Pavlenski dans les rêts de la justice

Dimanche soir, le parquet annonçait le prolongement des gardes à vue de l’activiste russe, soupçonné d’avoir diffusé les vidéos sexuelles, et de sa compagne.
par Amaelle Guiton et Ismaël Halissat
publié le 16 février 2020 à 21h16

Une plainte et deux gardes à vue. Après son coup d'éclat médiatique, voilà l'artiste-activiste russe Piotr Pavlenski confronté à des poursuites judiciaires, et sa compagne entendue par les enquêteurs. Vendredi matin, Benjamin Griveaux, alors candidat de la République en marche à la mairie de Paris, avait annoncé renoncer à se présenter à la suite de la diffusion de vidéos à caractère sexuel. Pavlenski, 35 ans, affirmait alors avoir mis en ligne ces images pour dénoncer l'«hypocrisie» du candidat qui, disait-il, «a fait de la propagande des valeurs familiales traditionnelles». Il a été arrêté samedi. Dimanche en début de soirée, le parquet de Paris indiquait que les gardes à vue des deux mis en cause étaient prolongées. Samedi après-midi, Pavlenski est dans un premier temps placé en garde à vue dans le cadre d'une autre affaire, portant sur des violences volontaires commises avec arme le 31 décembre. Il est suspecté d'avoir pris part à une rixe lors d'une soirée coorganisée par l'avocat Juan Branco, proche de certains gilets jaunes et auteur d'un pamphlet anti-Macron. Selon Mediapart, l'activiste russe «est soupçonné d'avoir blessé deux personnes avec un couteau au cours de cette fête». Ce qu'il conteste, reconnaissant simplement auprès du site d'information avoir pris part à une bagarre. Depuis, il était recherché par la police.

Gilets jaunes

Juan Branco, qui se présente comme l'avocat de Pavlenski, dit avoir appris son arrestation au cours d'une discussion vidéo diffusée au même moment, en direct avec Gabin Formont qui a fondé le média Vécu, issu du mouvement des gilets jaunes. «On savait depuis hier soir qu'ils avaient mis des flics partout pour l'arrêter», réagit-il, avant de s'interroger et de glisser une hypothèse de collusion entre pouvoirs judiciaire et politique : «Est-ce que c'est parce qu'ils ont peur de ce qui va être diffusé ?» Quelques minutes plus tôt, l'avocat affirmait que d'autres vidéos «pourraient sortir».

Juan Branco, dimanche à Paris.

Photo Alain Jocard. AFP

C'est samedi après-midi également que la justice reçoit la plainte de Benjamin Griveaux pour «atteinte à l'intimité de la vie privée et diffusion sans l'accord de la personne d'images à caractère sexuel». Dans la foulée, le parquet de Paris ouvre une enquête et confie les investigations à la Brigade de répression de la délinquance à la personne (BRDP) de la police judiciaire parisienne. Cette plainte «contre X» couvrira «tout le champ des infractions réalisées par l'auteur de la diffusion initiale et par ceux qui ont repris ces diffusions», déclare le même jour Richard Malka, avocat de Griveaux, sur la chaîne LCI.

Plus tard dans la soirée, c’est au tour de la compagne de Piotr Pavlenski, Alexandra de Taddeo, d’abord entendue sous le régime de l’audition libre en tant que témoin, d’être placée en garde à vue dans le cadre de cette deuxième enquête. La jeune femme de 29 ans est suspectée d’être la destinataire d’images à caractère sexuel envoyées par Benjamin Griveaux il y a près de deux ans. Certaines de ces vidéos, en théorie éphémères, avaient été capturées au moment de leur envoi en mai 2018.

Bâtonnier

Dimanche, la garde à vue de Piotr Pavlenski est suspendue concernant les faits du 31 décembre 2019 et se poursuit pour l'enquête ouverte pour «atteinte à l'intimité de la vie privée». A l'extérieur des locaux de la police judiciaire parisienne, Juan Branco, lui, affirme devant les caméras que le parquet de Paris «s'oppose à ce qu'il représente [son] client». Une «atteinte aux droits de la défense inédite, gravissime», fustige-t-il, ajoutant : «Il m'a évidemment été précisé que je n'étais en rien mis en cause dans ce dossier.»

Selon le code de procédure pénale, le procureur de la République peut soulever un possible conflit d'intérêts, qui pourrait être relevé dans les deux enquêtes judiciaires visant Piotr Pavlenski : à propos de la rixe du 31 décembre 2019, Branco étant le coorganisateur de la soirée, et concernant l'atteinte à la vie privée - au JDD, l'avocat explique avoir été consulté et avoir «vérifi[é] tous les éléments pour être sûr que ces vidéos n'était pas fausses». Pour autant, le parquet ne peut seul dessaisir un avocat d'une affaire : en cas de «divergence d'appréciation», il doit saisir le bâtonnier. Contacté par Libération, le parquet de Paris n'a pas souhaité commenter. « Le bâtonnat a suspendu toute décision, aucun avocat n'a accepté d'être désigné d'office, et le parquet bloque dès lors toujours l'accès à mon client», indique de son côté Juan Branco. A l'AFP, il a signalé avoir rendez-vous lundi avec le bâtonnier de Paris. Reste que l'affaire est nébuleuse : Pavlenski et sa compagne avaient, raconte l'Obs, désigné samedi pour les représenter la pénaliste Marie-Alix Canu-Bernard, avant que celle-ci ne leur fasse savoir dimanche en début d'après-midi qu'elle ne souhaitait plus les assister.

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