POLITIQUE - La pratique divise les politiques et bascule désormais dans le champ judiciaire. Deux syndicalistes agents d’Enedis (ex-ERDF) en Dordogne ont été interpellés et placés en garde à vue ce mercredi 22 janvier dans le cadre d’une enquête sur une coupure sauvage d’électricité dans une entreprise du département classée Seveso, a-t-on appris auprès du parquet et d’Enedis.
Cette coupure d’électricité est intervenue le 10 janvier dernier. Les deux agents ont été placés en garde à vue dans la matinée à la gendarmerie de Neuvic dans le cadre d’une enquête pour “mise en danger de la vie d’autrui”, a indiqué le parquet de Périgueux, confirmant une information du site Sudouest.fr.
L’enquête faisait suite à une plainte déposée par l’entreprise Neuvic Interspray (qui conditionne des cosmétiques, aérosols, laques), après une coupure sauvage d’électricité qui avait duré trois heures le vendredi 10 janvier, selon Enedis. Outre l’entreprise, Enedis avait aussi déposé plainte.
“Un sacré changement de méthode”
Les deux agents, membres de CGT-Energie, ont été interpellés pour l’un d’eux au moins à son domicile, a assuré à l’AFP Francis Dezile, secrétaire général de la CGT Energie-Dordogne. Une soixantaine de personnes, syndicalistes CGT principalement mais FO aussi, étaient rassemblés en mi-journée mercredi devant la gendarmerie de Neuvic en soutien de leurs deux collègues, a-t-il dit.
Il a ajouté qu’une nouvelle coupure avait été effectuée ce mercredi matin dans la même entreprise “en solidarité” avec les deux interpellés. Francis Dezile n’était pas en mesure de confirmer si ces gardes à vue étaient une première pour des coupures d’électricité, mais il a dénoncé un “sacré changement de méthode” et un traitement des syndicalistes “comme des délinquants”.
“C’est jeter de l’huile sur le feu”
“C’est une réponse répressive au lieu d’une réponse politique à des questions sur la réforme des retraites”, a-t-il déclaré. “On est mis au même niveau que des voyous, alors que nous sommes des salariés qui luttons contre cette réforme”.
De son côté, le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, a dénoncé le “mépris” du gouvernement face à la mobilisation contre la réforme des retraites. “Il y a deux agents en garde à vue à Périgueux, il y en a eu deux à Orléans, trois à Bordeaux, il y a ceux de la RATP, etc. La conception de la négociation et de la discussion avec un mouvement de grève, c’est les gardes à vue. Je crois que ça, c’est jeter de l’huile sur le feu”, a-t-il déclaré lors d’un déplacement à la centrale nucléaire de Gravelines (Nord), près de Dunkerque.
Philippe Martinez a également “récusé la notion d’action ‘coup de poing’”. “Nous, on est des pacifistes”, a-t-il assuré tout en disant “comprendre” la colère des manifestants face au “mépris condamnable” du gouvernement. “Les salariés sont en grève depuis 46 jours, en face on fait semblant qu’il ne se passe rien dans le pays. Ce mépris génère de la colère”, a-t-il déploré. “Qui est responsable de ne pas écouter, de ne pas vouloir discuter? Ce n’est pas les grévistes.”
Selon le patron de la CGT, le gouvernement “stigmatise” les syndicalistes “plutôt que de vouloir écouter”. “On a l’impression que sur la planète, tout ce qui se passe de mal est de la faute de la CGT (…) Plutôt que de reconnaître que la réforme n’est pas simple ni juste, on continue à stigmatiser. Hier, c’étaient les agents de la SNCF qui empêchaient les petits enfants d’aller voir leurs grands parents pour Noël, aujourd’hui ce sont les électriciens gaziers, les portuaires, etc.”
Menace de licenciement
Le directeur régional d’Enedis pour l’Aquitaine nord (incluant la Dordogne), Thierry Gibert, a indiqué à l’AFP ne pas vouloir présager de l’enquête, mais sera “très attentif” aux résultats de celle-ci, et se réserve d’“engager des procédures disciplinaires qui peuvent aller jusqu’au licenciement”, pour ce qu’il a qualifié de “faits graves”.
Il a précisé que ce placement en garde à vue d’agents d’Enedis suite aux coupures récentes était une première sur le réseau Sud-Ouest, mais n’était pas en mesure de le confirmer au niveau national.
Enedis, a réaffirmé Thierry Gibert, “respecte bien sûr le droit de grève”, mais condamne fermement des actes tels que des coupures sauvages, susceptibles de créer des situations de danger”, et “portera plainte systématiquement”. La direction régionale, qui couvre Gironde, Dordogne, Lot-et-Garonne, a ainsi déposé 34 plaintes depuis début décembre, a-t-il souligné.
Mardi lors des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, le Premier ministre Edouard Philippe a demandé que ces types d’actes soient “sanctionnés”.
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