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Passage aux frontières: pourquoi tant d’attente à Orly et Roissy?

Une file d’attente à l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle. PIERRE VERDY/AFP

ENQUÊTE - Censés faciliter les passages aux frontières, les contrôles automatiques se multiplient dans les aéroports. À Paris, ils sont victimes des indécisions du ministère de l’Intérieur.

Et Augustin de Romanet perdit patience. Un samedi matin de novembre dernier, le PDG du Groupe Paris Aéroport qui faisait son habituelle visite incognito dans les terminaux de Roissy, s’indigna sur Twitter de l’attente interminable au passage des frontières. Le problème n’est pas nouveau. Il y a deux ans déjà, la situation, ubuesque, faisait la une des journaux. L’État promettait alors des renforts de police (une centaine d’agents disait-on), des guichets automatiques… Mais l’été a passé et les files d’attente se sont encore allongées. À ce jour, à Orly comme à Roissy, il est courant de voir les passagers patienter plus d’une heure trente aux passages aux frontières.

Pourquoi ce problème en France alors que, dans la plupart des aéroports occidentaux, le digital et les passages automatisés ont fluidifié les contrôles de police? Les services de presse du ministère de l’Intérieur et de la police nationale ont refusé de répondre à nos questions. Même la cheffe d’état-major de la Police aux frontières de Roissy, rencontrée à l’occasion d’un autre sujet, a refusé d’évoquer cette thématique. Pour sa part, Augustin de Romanet est sur le front depuis sept ans pour tenter de remédier au problème de l’engorgement des points de passage aux frontières, un mauvais point de l’expérience client pour les aéroports de Paris.

Le Parafe de la discorde

Les sas Parafe de l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle, un jour où ils fonctionnent. Jean-Pierre Gaborit

En avril 2016, au lancement de la campagne «Paris vous aime», Le Figaro avait interrogé l’ancien patron de la Caisse des dépôts en ces termes: «Comment pouvez-vous dire aux passagers ’’Paris vous aime’’ quand ils attendent une heure trente pour pouvoir rentrer en France?». Le président avait alors détaillé devant la presse les difficultés rencontrées. Le dispositif Parafe (Passage automatisé rapide des frontières extérieures), un système de contrôle d’identité biométrique était, comprenait-on, au cœur de cet imbroglio.

D’abord, le ministère de l’Intérieur et Paris Aéroport se sont, semble-t-il, longtemps renvoyé la charge de l’achat de ces guichets automatiques. En 2016, Augustin de Romanet tranchait finalement, annonçant que Paris Aéroport allait financer les sas, le Ministère de l’intérieur se montrant incapable d’assumer cette dépense qui pourtant lui incombait. Mais entre-temps, l’identification par empreintes digitales sur laquelle reposaient ces appareils avait montré ses limites. Les pouvoirs publics imposèrent alors un système par reconnaissance faciale, et il fallut moderniser cette première batterie d’appareils. ADP lança alors un appel d’offres, remporté par la société Gemalto. Leurs appareils n’étaient sans doute pas les plus performants mais ils étaient parmi les moins chers.

» À lire aussi - Reconnaissance faciale: ce que pensent les Français de cette technologie

Avec un parc de sas devenu mixte, à la fois «digital» et «physio», et avec des appareils provenant de deux constructeurs différents, la situation n’est pas simple, d’autant que ces équipements nécessitent de constants ajustements. Quand un appareil est en panne, qui prévient le constructeur: le propriétaire, Paris Aéroport? Ou l’utilisateur, le ministère de l’Intérieur? Comment expliquer qu’un passeport fonctionne, de manière aléatoire dans certains sas et pas dans d’autres? Nous avons fait un test avec des officiers de la Police aux Frontières. Embêtés, ils nous ont renvoyés vers Paris Aéroport. Qui, évidemment, ne pouvait rien puisque l’établissement public n’a pas le droit d’utiliser ces automates...

Un policier pour 5 sas

Ajoutez à cela la farouche opposition des syndicats de police pour qui l’automatisation du passage aux frontières représente un frein à l’embauche. Ces derniers ont imposé l’emploi d’un fonctionnaire de police pour cinq sas. Par comparaison, en Angleterre et en Belgique, c’est un seul fonctionnaire pour dix sas. Aussi, bien que la centaine de sas installés à Roissy et à Orly soit la propriété de Paris Aéroport, leur utilisation revient à la police des frontières. Face à la colère des passagers quand les sas sont fermés ou en panne, les officiers de police ont beau jeu de se défausser sur… Paris Aéroport.

À certaines heures de la journée, le nombre de fonctionnaires de police est à ce point insuffisant qu’il n’y a personne pour surveiller les sas Parafe. Leur hiérarchie les assigne à d’autres tâches, comme le contrôle «aléatoire» des passagers voyageant dans l’espace Schengen. Tellement aléatoire qu’il avait lieu tous les jours entre 14h et 18h au terminal F2 et qu’il a maintenant lieu entre 13h30 et 16h au terminal F1... Tous ceux qui auraient quelque chose à se reprocher connaissent l’heure à laquelle il ne faut surtout pas arriver à Roissy en provenance d’un pays d’Europe!

Le contrôle aux frontières à l’aéroport Trudeau de Montréal. CarolineBergeron.com

Roissy accueille chaque année 44 millions de passagers hors espace Schengen, pour 80 sas Parafe. À titre de comparaison, l’aéroport Trudeau de Montréal accueille 11 millions de voyageurs étrangers par an et 133 machines sont à disposition, surveillées par six fonctionnaires. Faites les comptes: cela fait une machine pour 80.000 passagers à Montréal. À Roissy, c’est une machine pour 550.000 passagers. La France a encore des progrès à faire.

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145 commentaires
  • Hey Hey Guy

    le

    1h30 ? Pas de quoi se plaindre aux US c'est le temps minimum, avec un record perso de 3h30 à JFK !

  • Salluste10

    le

    C' est gai! Je rentre en France la semaine prochaine ,déjà que cela ne m' enchante pas mais si en plus après une nuit passée dans l' avion ,il faut attendre des heures dans ce pays qui aime les paperasses! Je suis rentrés l' année dernière en avril ,je n' ai aucun contrôle ,cette année la peste bubonique se serait-elle déclarée en France?

  • CHIBIKA

    le

    j'ai connu le pire à Pointe à Pitre, le 17 décembre dernier..... il nous a fallu 1h30 pour passer la police, avec enfant de 2 ans et un chat! C'est dans la dernière ligne droite, qu'un préposé nous a fait passer devant, voyant notre chargement..... Et l'enregistrement des valises a pris 1 h.... pour s'apercevoir à Paris qu'on nous avait subtilisé dans 2 valises tout le matériel de plage : seau, pelle, bouée, gilet pour l'enfant, moules, tous les jeux !!!!!!!
    On se souviendra longtemps du retour

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