POLITIQUE - “Bien sûr que je vais les boycotter, mais malgré moi.” Tandis que le ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer minimise l’ampleur de la fronde d’une “minorité” d’enseignants contre la réforme du bac, ils étaient nombreux ce jeudi 16 janvier à manifester leur souhait de boycotter les premières épreuves de contrôle continu qui débuteront lundi prochain.
Rejet en bloc de la réforme du baccalauréat, accès trop tardif à la banque des sujets, impréparation des élèves faute d’information, cours perturbés par les grèves contre la réforme des retraites... Dans les rangs des profs en lutte, Les arguments ne manquent pas pour exiger un report des fameuses “E3C”.
“Je ne comprends pas pourquoi on n’arrive pas à se mettre d’accord sur l’annulation de ces épreuves qui mettent tout le monde en difficulté”, tranche Christine, professeure d’histoire-géo, qui boudera les épreuves sans gaieté de coeur. “On est constamment tenaillé entre notre conscience professionnelle et le fait d’être entendu. On touche à notre conscience pro et notre éthique. Est-ce qu’on peut accepter de manière rationnelle de mettre en difficulté des élèves?”, s’interroge-t-elle.
Pour elle comme pour Pierre-Yves, enseignant à Gennevilliers (Hauts-de-Seine), le programme sera le même: “on refuse de choisir les sujets, on refuse de les surveiller et on refuse de les corriger”.
Une “usine à gaz”
Tous les enseignants pro-boycott pointent les mêmes dysfonctionnements: organisation précipitée et retard dans l’obtention des sujets ce qui a pénalisé la préparation des élèves. “En terme d’organisation, c’est extrêmement complexe, cela paralyse l’établissement pendant une semaine. C’est une usine à gaz”, râle Pierre-Yves.
“La banque de sujet a ouvert très tard au mois de décembre, ce qui veut dire que les enseignants ont eu très peu de temps pour préparer les élèves. Et les sujets proposés sont plein d’erreurs. Certains sont mêmes infaisables parce qu’ils portent sur des parties de programme qui n’ont pas encore été abordés par les enseignants”, s’étrangle Clémence.
Fabrice, professeur en sciences économiques et sociales, pointe quant à lui les difficultés posées par le climat social du début de l’hiver. “Il y a une très grande inégalité de traitement entre les lycées mobilisés contre la réforme des retraites et ceux qui ont pu donner cours. On a des élèves qui n’ont pas eu cours quatre semaines avant les épreuves”, met-il en garde.
Au-delà du contexte, c’est bien la mise en place de cette réforme à marche forcée qui est pointée du doigt. “On a un temps de formation des élèves qui n’est que de trois mois et demi ou quatre mois. C’est impossible de les préparer dans ces conditions”, constate Christine.
Des élèves “cobayes” de la réforme
A les en croire, l’inquiétude de ces enseignants est partagée par leurs élèves. “Ce sont des épreuves qui mettent à mal le travail des enseignants et qui placent les élèves dans un stress de plus en plus important”, estime Christine dont les étudiants “se disent les ‘cobayes’ de la réforme”.
“Les élèves sont inquiets parce qu’ils ne savent pas ce qui les attend et parce qu’ils ne sentent préparés”, renchérit Clémence.
Prévues à partir de lundi, ces premières épreuves de contrôle continu, les “E3C” dans le jargon, doivent s’étaler sur un mois et demi en fonction des lycées. Elles portent sur l’histoire-géographie, les langues vivantes ainsi sur que les mathématiques pour les élèves de la voie technologique.
Grandes innovations du nouveau bac, ces épreuves réparties en trois sessions sur les années de Première et Terminale comptent pour 30% de la note finale.
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