POLITIQUE - C’est ce qui s’appelle prendre tout le monde de court. À plus de deux ans de la prochaine élection présidentielle, Marine Le Pen, présidente du Rassemblement national, a annoncé ce jeudi 16 janvier qu’elle avait l’intention de se présenter à la présidentielle de 2022, sous réserve que le congrès de son parti valide cette décision en 2021.
“Ma décision a été réfléchie mais elle est prise. Mon projet est d’aller vers un projet d’unité nationale autour d’un grand dessein français, d’un grand projet fédérateur qui puisse réunir les Français d’où qu’ils viennent, un projet de grande alternance pour remettre le pays sur pied”, a plaidé la finaliste de la présidentielle en 2017.
Un choix qui peut surprendre, d’abord par le lieu et le contexte. C’est à l’occasion de ses vœux à la presse, corps intermédiaire avec qui les relations sont loin d’être au beau fixe (et qui n’est pas non plus dans le cœur de son électorat) que la présidente du Rassemblement national a dit “préparer la présidentielle”.
Ce serait “une marque de respect” à leur égard, a ajouté celle qui prive d’accréditation régulièrement plusieurs médias nationaux lors de ses événements publics. Sans parler du fond et de la forme qui sont loin d’être des modèles du genre en termes de cadre, d’images ou d’art oratoire. Étonnant pour un moment aussi fondamental qu’une annonce de candidature à l’élection présidentielle que les candidats ont d’ordinaire plutôt tendance à ultra-préparer avant d’avoir laissé un long suspense s’installer.
“Risque d’usure”
Alors pourquoi si tôt? Le politologue Pascal Perrineau, joint par Le HuffPost, a sa petite idée. “C’est une façon de se différencier des autres, même s’il y a un risque d’usure”, prévient-il avant de regarder du côté des prochaines échéances électorales.
“Elle cherche à gonfler le capital pour les municipales de mars prochain”, lance de prime abord le spécialiste qui fait le lien avec son discours prononcé devant les candidats du Rassemblement national le 12 janvier lors d’un meeting à la maison de la Chimie à Paris. “Elle a beaucoup insisté sur le thème du localisme”, se souvient Pascal Perrineau qui souligne que “pour la première fois dans l’Histoire du Rassemblement national, elle pense que la France se conquiert par le bas, ville par ville et non plus par le haut, d’un point de vue national”.
Une stratégie qui s’inscrirait pleinement dans le calendrier électoral “car les prochaines élections sont toutes locales”, rappelle le politologue, en référence notamment aux départementales et régionales qui viendront en 2021, soit un an avant la présidentielle de 2022.
Les élections municipales de mars verront émerger de “nouvelles élites”, a ainsi prévenu Marine Le Pen, qui avait déjà dit ne pas vouloir laisser Emmanuel Macron “se lancer tout seul” dans cette campagne.
Peur d’une concurrence “du champ contestataire”
Autre argument mis en avant par le chercheur: la crainte de la part du parti d’extrême droite d’une concurrence qui arriverait des différents mouvements sociaux qui se succèdent depuis la crise des gilets jaunes. “Ils ont peur qu’apparaisse quelqu’un dans le champ contestataire, une sorte de Beppe Grillo à la française”, (ancien humoriste devenu leader du mouvement populiste italien “5 étoiles”, NDLR), assure le chercheur.
Les cadres du Rassemblement national “savent qu’à l’aube de 2022, si on rejoue la présidentielle de 2017 Macron-Le Pen, les gens pourront se dire: ‘on ne veut pas de ce duel’”.
Ce serait donc “pour préempter l’espace” politique et tenter de récupérer la contestation que la présidente du Rassemblement national se serait lancée aussi tôt. “Les grands sujets qui sont évoqués” comme les gilets jaunes ou la mobilisation contre les retraites “seront les grands sujets de l’élection présidentielle”, prévient en effet Marine Le Pen.
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