ENVIRONNEMENT - Les incendies géants n’en finissent pas en Australie. Ces méga-feux gigantesques sont rendus possibles par une année particulièrement exceptionnelle en Australie, qui pourrait devenir la norme si le réchauffement climatique n’est pas endigué.
À tel point qu’EELV, dans un communiqué publié le 6 janvier, affirme que “ces événements n’ont plus rien d’exceptionnels et pourraient, demain, toucher la France”. Et de rajouter que d’ici 2050, 50% des villes pourraient être touchées par des mega-feux.
Y’a-t-il vraiment un tel risque? Si la France est de plus en plus exposée aux risques d’incendies, il faut bien faire la part des choses. Selon un rapport gouvernemental de 2010, c’est 50% des forêts, et non des municipalités, qui pourraient être concernées.
Le réchauffement climatique aggrave le risque d’incendies...
De plus, le document évoque les risques d’incendies tout court, pas de mega-feux. Ceux-ci ne représentent que 2 à 3% des incendies les plus importants, précise Science&Vie. Ils se propagent très vite et l’Homme ne peut pas lutter. Aux États-Unis, les mega-feux sont considérés comme tel lorsqu’ils touchent plus de 10.000 hectares. En Europe, c’est dès 1000 hectares. En France, moins de 2% des incendies brûlent plus de 100 hectares et ils ont majoritairement lieu dans le sud du pays.
En 2010, près de 30% des forêts françaises étaient exposées à un risque important d’incendie, selon le rapport. Mais d’ici 2050, à cause du réchauffement climatique, 50% des zones boisées pourraient être concernées.
“Un incendie dans les Pays-de-la-Loire ou la Bretagne serait aujourd’hui exceptionnel, mais ces régions pourraient devenir des zones à risque”, explique au HuffPost Dominique Morvan, chercheur à l’université Aix-Marseille et spécialiste de la propagation des feux de forêt.
... Et l’extension de la forêt celui de mega-feux
Mais ce qui permet la création d’un mega-feu en France, c’est surtout un espace boisé ininterrompu. “Les espaces naturels, pour de nombreuses raisons, se développent de plus en plus, de même que les forêts. Notamment du fait de la réduction des activités agricoles”, explique le chercheur.
Ainsi, en 1830, la France comptait moins de 10 millions d’hectares de forêts. En 1985, le chiffre était de 14 millions et de 16 millions en 2016.
En effet, la forêt et les étendues d’herbe se sont agrandies depuis le XIXe siècle en France, notamment grâce à l’amélioration des techniques d’agriculture: certaines zones ne sont plus rentables ni nécessaires à exploiter. “En 1989, quand un énorme incendie a embrasé la montagne Sainte-Victoire, on se disait alors que les paysages célèbres peints par Paul Cézanne avaient disparus”, se rappelle Dominique Morvan. “Mais quand on regarde ce qu’a peint Cézanne et les paysages juste avant l’incendie, cela n’avait rien à voir! A l’époque, c’était un paysage agricole, avec des vignes, des oliviers, des vergers”.
Et les choses ne se sont pas spécialement amélioré depuis. “Un continuum de combustible se développe de plus en plus entre Nice et Marseille, par exemple”, explique Dominique Morvan, qui se souvient avoir entendu des pompiers estimer que l’on n’était pas à l’abris, dans un futur proche, d’un incendie qui relierait les deux villes. “Si l’on ne fait rien, ce n’est pas complètement impossible”, estime Dominique Morvan.
Recréer les paysages de Cézanne
Que faire justement? “Pour la forêt, le maintien et l’intensification de la récolte de bois est donc [...] le volet prioritaire de la prévention des incendies”, expliquait le rapport gouvernemental en 2010. Et le meilleur moyen pour faire cela durablement, affirme le chercheur, c’est via l’agriculture. “Il faut trouver des activités agricoles: l’élevage, la culture de la vigne, de l’olive, etc”.
Mais les oliviers ne brûlent-ils pas aussi? “Oui, mais une oliveraie est beaucoup moins dense qu’une forêt. Au pied, le sol est propre”, explique Dominique Morvan. Mieux, l’oliveraie va constituer un coupe feu naturel “sur lequel peuvent s’appuyer les pompiers pour avoir une action efficace contre les incendies”.
C’est d’ailleurs ce qui a été fait sur la montagne Sainte-Victoire après le mega-feu de 1989. Comme le précise le label Grands site de France, “l’objectif sur ces zones est de créer et de maintenir de vastes étendues non boisées bordées de forêts peu denses. Ainsi si un incendie arrive, il sera arrêté ou au moins freiné par cette grande coupure de végétation. Puis, avec l’accord des propriétaires, ces terres sont confiées à des éleveurs pour les troupeaux ou à des sociétés de chasse pour des cultures cynégétiques.” Pour empêcher les mega feux, il faudra donc recréer les paysages de Cézanne.
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