Union européenne: la course pour les postes est lancée, Charles Michel y figurera-t-il?
Les leaders européens entament la discussion sur l’attribution des “top jobs” de l’Union.Ils présenteront un paquet de noms, au mois de juin. Celui du Belge Charles Michel y figurera-t-il ?
- Publié le 29-05-2019 à 08h27
- Mis à jour le 29-05-2019 à 18h15
Les leaders européens entament la discussion sur l’attribution des “top jobs” de l’Union.Ils présenteront un paquet de noms, au mois de juin. Celui du Belge Charles Michel y figurera-t-il ?
À présent que les élections européennes ont rendu leur verdict, la course aux hauts postes européens peut démarrer. La première étape se courait mardi soir à Bruxelles, à l’occasion du dîner des chefs d’État et de gouvernement de l’Union. Les leaders européens devaient entamer les débats concernant l’attribution des top jobs. Quatre prix sont à distribuer de juillet à décembre : la tête de la Commission européenne, le poste de Haut(e) représentant(e) pour la politique étrangère de l’UE, la présidence du Parlement européen et celle du Conseil européen. Les deux premières doivent faire l’objet d’un compromis entre les États membres et les députés, la troisième relève des seules prérogatives du Parlement européen et la dernière décision ne concerne que les leaders européens. Les quatre, cependant, font l’objet d’un paquet, visant à respecter les équilibres géographiques (Nord-Sud-Est-Ouest), démographiques (petits et grands États membres), politiques (entre conservateurs, socialistes et libéraux, pour l’essentiel, mais aussi écologistes), sans oublier la question du genre. Le président du Conseil européen Donald Tusk prend ce dernier critère très au sérieux et a souligné que l’équilibre du genre signifiait la nomination “de deux femmes” à des postes clés. “Nous verrons si c’est possible, mais c’est mon ambition”, assuré le Polonais.
“Ne me posez pas de questions sur les noms”, a prié Donald Tusk, lors de la conférence de presse qui a suivi la réunion, “nous n’en avons pas discuté ce soir”. Les leaders européens sont convenus de mener des pourparlers entre institutions et familles politiques, afin d’être en mesure de présenter un “paquet” de noms, d’ici le sommet de juin. “Un nom par poste, pour tous les postes”, précisait un insider. La présidence de la Banque centrale européenne n’est pas comprise dans le paquet de juin, mais tout le monde garde à l’esprit que la succession de Mario Draghi, en novembre, n’est pas complètement étrangère au grand marchandage qui se profile.
Parlement et Conseil européen bandent leurs muscles
Pour l’heure, dans le peloton européen, tout le monde s’observe et se jauge. À commencer par le Conseil européen et le Parlement européen, qui doivent trouver un compromis pour la présidence de la Commission. Mardi en fin de matinée, le président du Parlement, Antonio Tajani et ceux des groupes proeuropéens se sont fendus d’une déclaration commune réaffirmant leur “détermination en faveur du processus” des Spitzenkandidaten, ces têtes de listes virtuelles mises en avant par les partis européens comme prétendants déclarés à la présidence de la Commission. Le Parlement souhaite que, comme en 2014 avec Jean-Claude Juncker, le nom proposé par les chefs d’État et de gouvernement au Parlement soit celui d’un des Spitzenkandidaten.
Sauf que ce système est loin de faire l’unanimité parmi les États membres. La chancelière Merkel le soutient du bout des lèvres, parce qu’elle appuie la candidature de son compatriote conservateur Manfred Weber, Spitzen de sa famille politique, le Parti populaire européen. Mais le président français Emmanuel Macron est de ceux qui s’y opposent le plus fermement. “Les pouvoirs de chaque institution doivent être respectés”, a-t-il souligné au terme de la réunion. Les traités stipulent que c’est au Conseil européen de choisir un nom et au Parlement d’élire un président, à la majorité, mais ne disent rien des Spitzenkandidaten. “Il n’y a pas d’automaticité”, a confirmé le président Tusk.
Doit-on s’attendre à ce que le Parlement fasse la guerre au Conseil européen en refusant toute personne qui ne serait pas dans la short list des Spitzen ? Possible, mais loin d’être certain. D’autant que l’Alliance des libéraux et démocrates, sortie renforcée des élections et de son alliance avec le groupe Renaissance de M. Macron, s’est désolidarisé de la déclaration de la conférence des présidents du Parlement. Les libéraux jugent (non sans raison) que le système “n’a pas de sens en l’absence de listes transnationales”, comme l’a précisé Guy Verhofstadt.
La candidature de Manfred Weber en sursis
Dans les faits, l’attaque libérale vise une seconde cible : Manfred Weber, qui en tant champion de la première force de l’hémicycle, prétend à prendre la main pour tenter de rallier une majorité derrière son nom. L’Allemand est aussi dans le collimateur d’Emmanuel Macron, qui estime qu’un candidat président de la Commission doit avoir “l’expérience et la crédibilité” nécessaires. Or, l’un des handicaps de M. Weber est de n’avoir jamais exercé de fonctions exécutives. En revanche, le Français estime que Margrethe Vestager répond à ce critère, tout comme le Néerlandais Frans Timmermans, actuel premier vice-Président de la Commission et Spitzenkandidat socialiste, ou encore le Français Michel Barnier, très apprécié négociateur en chef du Brexit pour l’UE, qui se comporte comme un candidat non déclaré.
Charles Michel est placé au centre du jeu
La rumeur cite le Premier ministre belge Charles Michel parmi les prétendants à l’un des hauts postes européens : plus vraisemblablement la présidence du Conseil européen que celle de la Commission européenne. Le président français Emmanuel Macron n’a jamais caché qu’il tient le Belge en haute estime et il l’a encore répété dans un entretien accordé la semaine dernière au Soir.
Le Premier ministre a déjeuné avec le Français hier midi chez Bruneau, à Bruxelles, accrédité avec le président Macron, en tant que “négociateur” de la famille libérale pour l’attribution des hauts postes, fonction qu’il partage avec son homologue néerlandais Mark Rutte. Étaient également présents les chefs de gouvernement espagnol et portugais, Pedro Sanchez et Antonio Costa, sherpas de la famille socialiste. Dans l’après-midi, iI s’est également entretenu avec la chancelière allemande Merkel, toujours en compagnie de Mark Rutte. Faut-il en déduire que le Belge est en lice ? L’entourage du Premier le dément soulignant que Charles Michel est actuellement fort occupé par la politique nationale.
À toutes fins utiles, on rappellera qu’en 2009, Herman Van Rompuy, alors occupant du 16 rue de la Loi, avait soigneusement caché son jeu jusqu’au moment il avait été nommé président du Conseil européen. Mais on soulignera aussi que dans ce genre d’exercice, ce n’est pas nécessairement celles et ceux dont le nom est tôt cité qui franchissent la ligne d’arrivée. On sera fixé dans un mois sur les chances de M. Michel.
Des leaders ont la gueule de bois
Les Vingt-Huit se sont réunis ce mardi soir pour négocier l’attribution des grands postes européens. Reste que certains chefs d’État et de gouvernement risquaient d’avoir la tête ailleurs, embarrassés par la situation dans leur pays. À commencer par le Belge Charles Michel, chef d’un gouvernement démissionnaire et désormais affaibli par le net recul de son parti, le MR, lors des élections fédérales, régionales et européennes du 26 mai. Il peut toutefois se consoler avec le succès de sa famille politique européenne, l’Alliance des libéraux et démocrates européens (ALDE), au niveau de l’Union. Mais Charles Michel risque de rester Premier ministre encore quelque temps, tant la constitution d’un gouvernement belge s’annonce compliquée. “Je parie que la prochaine Commission sera formée avant le prochain gouvernement belge”, a même ironisé le secrétaire général de l’exécutif européen, Martin Selmayr, lors d’un débat organisé par le site Politico.
La chancelière allemande, Angela Merkel, se retrouve aussi en difficulté, les partis de sa coalition au pouvoir ayant connu les pires résultats de l’Histoire lors des européennes. L’heure n’est pas à la fête non plus pour le président français, Emmanuel Macron. Son parti, La République en marche (LREM), a été battu par le Rassemblement national de Marine Le Pen aux européennes. Certes de peu, mais la défaite est amère pour celui qui se veut un rempart contre l’extrême droite. Le Premier ministre grec, Alexis Tsipras, a, lui, subi une telle défaite aux européennes qu’il a décidé de convoquer des élections législatives anticipées. Le chancelier autrichien, Sebastian Kurz, a, lui, été renversé lundi par le Parlement, dix jours après le scandale de l’Ibizagate qui a fait voler en éclats sa coalition avec l’extrême droite. C’est le ministre des Finances, Hartwig Loger, qui assure l’intérim au poste de chancelier.