L’art sublime des paniers en bambou au Japon
Découverte et enchantement au musée du Quai Branly avec l’art séculaire du bambou au Japon.
- Publié le 21-01-2019 à 08h24
- Mis à jour le 21-01-2019 à 08h26
Découverte et enchantement au musée du Quai Branly avec l’art séculaire du bambou au Japon.
On connaît bien les estampes japonaises, les bronzes ou l’art de la laque mais très peu l’art du bambou et du tissage des paniers. L’exposition qui s’est ouverte au musée du Quai Branly à Paris fait découvrir en Europe, avec 160 objets, cet art magnifique dans lequel les artisans-artistes japonais excellent depuis 200 ans. Une exposition qui est un enchantement.
Au Japon, il n’y a pas de distinction entre les beaux-arts et les arts appliqués et un objet usuel, utile comme un panier en bambou, peut devenir une oeuvre d’art et susciter une forte émotion par sa légèreté, son audace, son architecture, par la beauté de sa fabrication et par le geste de l’artisan qui l’a fait.
Le panier en bambou est lié à la cérémonie du thé et, plus encre, à l’ikebana, l’art de la composition florale.
Tout partit de la Chine d’où était venu le thé et puis l’art du panier en bambou aux formes, alors et d’abord, inspirées des pots en bronze chinois. Des paniers ventrus disposés sur un support. Mais au XIXe siècle, les artisans japonais s’émancipent de ces modèles et créent leur propres formes, légères, audacieuses. Ils se savent artistes comme en témoigne Hayakawa Shokosai, le premier à signer ses paniers.
Il faut voir comment ils tressent le bambou découpé en fines lamelles, forment de si fines grilles et résilles, de longues anses, et comment ils marient le bambou au rotin et à la laque. Plusieurs films montrent cette précision de l’artisan.
Le grand artiste
Un homme symbolise ce travail élevé au rang d’art: Iisuka Rokansai (1890-1958). Une section de l’exposition au Quai Branly lui est entièrement consacrée. On est stupéfait de ce qu’il a pu faire à partir d’un matériau aussi simple. On admire des paniers très structurés, géométriques, mais aussi d’autres totalement destroy, aux formes sauvages comme on ferait une esquisse en peinture. Un de ses paniers est formé d’un seul gros bambou: intact encore quand il forme la poignée du panier, mais qui se divise en lamelles tissées quand il devient le panier pour accueillir les fleurs. Une merveille de pureté qui a inspiré les artistes contemporains.
Rokansai abordait l’art du bambou en artiste passionné d’ikebana mais aussi de poésie (haïkus), de calligraphie et de théâtre Nô. Il donnait un nom à ses paniers. Un grand panier totalement asymétrique porte le nom de Taganoura et est inspiré, disait-il, d’un poème du poète Yamaba no Akahito: "Je suis passé par Taganoura et depuis ce lieu d’où l’on aperçoit le mont Fuji, j’ai vu la neige blanche au sommet de la montagne." Son panier Magaki ressemble à un fagot de bambous rassemblés en vrac, alors que le Hodon, au contraire, est fait de très large lamelles strictement tressées à la perpendiculaire.
C’est la langue tradition comme la lenteur et la précision du geste, jointes à la créativité de l’artiste qui arrivent à créer ces petits chefs d’oeuvre. L’utilité de ces objets, leur design dirait-on aujourd’hui, participent à leur beauté.
Après la guerre et la défaite japonaise en 1945, le marché du panier de bambou a fortement décliné et les artistes ont commencé à créer des pures sculptures en bambou parfois aidés de dessins à l’ordinateur pour concevoir les formes plus complexes dans l’espace. La dernière section de l’exposition montre ces créations audacieuses qui témoignent des possibilités infinies du bambou. Mais à ces formes folles, on préférera les objets des artisans, si beaux, si sublimes.
L’exposition s’intitule Fendre l’air et c’est bien de cela qu’il s’agit, de la légèreté du bambou et de celle, si arachnéenne de ces paniers.
"Fendre l’air", l’art du bambou au Japon, Musée du Quai Branly à Paris, jusqu’au 7 avril