Fiscalité automobile: pour rouler à l'énergie verte, mieux vaut être... flamand

La mobilité sera un enjeu majeur des prochains gouvernements

© Jonas Hamers / ImageGlobe

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Par Jeremy Giltaire

Depuis que la fiscalité automobile a été transférée en 2014 de l'Etat fédéral vers les Régions, il peut y avoir de grosses différences dans le montant de la TMC (taxe de mise en circulation), payée une seule fois au moment où l'on immatricule un véhicule neuf ou d'occasion, et la TC (taxe de circulation), payée chaque année pour pouvoir rouler avec ce véhicule.

En Wallonie et à Bruxelles, la TMC et la TC se basent quasi exclusivement sur la puissance de la voiture. En Flandre, le calcul de ces taxes intègre depuis plusieurs années les normes environnementales du véhicule. 


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La preuve par l'exemple 

Pour bien comprendre, prenons un exemple concret. En Wallonie et à Bruxelles, rouler aujourd'hui avec une vieille Ford Fiesta Diesel vous coûtera 235,49 euros de taxe de circulation annuelle parce que c'est un petit moteur (57 kW). En Flandre, en revanche, la TC atteindra presque le double, soit 395,34 euros, parce que ce type de véhicule est relativement polluant. 

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A l'inverse, un Flamand qui achète une Volvo XC90 hybride (mélange d'électrique et d'essence) ne paiera ni taxe de mise en circulation, ni taxe de circulation, parce que cette voiture rejette moins de 50 grammes de CO2 par kilomètre parcouru. Par contre, un Wallon ou un Bruxellois devra débourser 4.957 euros de TMC pour faire immatriculer son véhicule, puis, chaque année, 421,74 euros de TC. En effet, la Volvo XC90 hybride est considérée comme une voiture très puissante (190 kW). 

Il faut que la réflexion sur la taxation plus juste suive les arguments technologiques

Pierre Duysinx, professeur d'ingénierie en véhicules terrestres à l'ULiège

"Aujourd'hui, pour le technicien que je suis, ce système de calcul n'a plus de raison d'être, explique Pierre Duysinx, professeur d'ingénierie des véhicules terrestres, à l'Université de Liège. On a des véhicules hybrides qui sont surtaxés par rapport à d'autres solutions. Ils sont injustement pénalisés parce qu'on a deux motorisations et qu'on fait la somme des deux puissances ou des deux cylindrées. Il faudrait que la réflexion sur la taxation plus juste suive les arguments technologiques qu'on peut mettre en avant."

Entendez par "arguments technologiques" toutes les avancées techniques qui permettent de réduire les émissions polluantes ou même carrément de les supprimer. 

Qu'on le veuille ou pas, on ira vers une 'verdurisation' de la flotte automobile 

Jean-Luc Crucke, Ministre wallon du Budget

A Bruxelles et en Wallonie, les responsables politiques sont bien conscients que la fiscalité automobile est complètement dépassée. "Qu'on le veuille ou pas, on ira de toute façon vers une 'verdurisation' de la flotte automobile, et donc vers une pénalisation des carburants qui ne sont pas verts, reconnaît le Ministre wallon Jean-Luc Crucke, en charge notamment des Finances et du Climat. Mais je crois qu'il faut aussi donner la possibilité à ceux qui n'en ont pas les moyens ou qui ont d'autres besoins économiques de pouvoir s'adapter. On ne peut pas prendre pas surprise le citoyen. Cela demande du temps et de l'adaptabilité.

La mobilité, enjeu des prochains gouvernements

Vous l'avez compris, rien ne sera décidé avant les élections du 26 mai 2019. Mais après, il sera difficile pour les prochains gouvernements wallon et bruxellois de repousser à nouveau le dossier.

"La mobilité, c'est l'enjeu de la prochaine législature que ce soit au niveau régional, fédéral ou même européen, estime Benoît Bayenet, chargé de cours en Finances Publiques et Politiques Economiques à l’ULB. On voit bien les problèmes de congestion, de pollution, de respect des émissions de CO2. La mobilité est au cœur de ce débat-là.

Benoît Bayenet (ULB) et Marc Bourgeois (ULiège) ont travaillé sur une réforme de la fiscalité automobile en Wallonie
Benoît Bayenet (ULB) et Marc Bourgeois (ULiège) ont travaillé sur une réforme de la fiscalité automobile en Wallonie © RTBF

Benoît Bayenet, avec d'autres experts, a d'ailleurs été chargé par le gouvernement wallon (déjà sous l'ancienne majorité PS-cdH, ndlr) de plancher sur une réforme de la fiscalité automobile. Leur rapport, long de 269 pages, a été présenté au Parlement régional, en octobre 2018. Les experts retiennent quatre critères : les émissions de CO2, le type de technologie ou de carburant, la puissance et l'âge du véhicule. Le document, que vous pouvez lire en intégralité ci-dessous, avance une série de propositions, simulations à l'appui, avec pour objectif "un verdissement du parc automobile".

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La question de la taxation des véhicules nécessite beaucoup de courage politique

Différents scénarios sont donc suggérés, à charge, pour les responsables politiques, de trancher. Et donc, de faire sans doute des mécontents, souligne Marc Bourgeois, professeur de droit fiscal à l'Université de Liège, qui a également contribué à la réalisé du rapport wallon : "On vient de le voir, en France et en Belgique, avec la révolte des gilets jaunes, la question de la taxation des véhicules, qui conditionne la mobilité des personnes, leur pouvoir d'achat... cette question est extrêmement sensible et nécessite beaucoup de courage politique."

En région bruxelloise, une zone basse émission interdit les véhicules les plus polluants
En région bruxelloise, une zone basse émission interdit les véhicules les plus polluants © THIERRY ROGE - BELGA

Des réalités différentes à Bruxelles et en Wallonie 

À Bruxelles aussi, un groupe d'experts, dont faisait également partie Marc Bourgeois, a travaillé récemment sur des propositions en matière de fiscalité automobile. Avec une approche un peu différente par rapport à la Wallonie. "À Bruxelles, on va accentuer l'évacuation des véhicules qui émettent beaucoup de particules fines parce que la qualité de l'air est un problème majeur, à Bruxelles plus que partout à ailleurs - c'est l'objectif de la zone basse émission décidée par le gouvernement bruxellois, ndlr. Par contre, en Wallonie, on va tenir compte des longues distances, des problèmes d'émission de CO2, donc du facteur climatique, dans une mesure plus importante.

En Wallonie, il n'y a souvent aucune alternative à la voiture

"Aujourd'hui, en Wallonie, la voiture est malheureusement indispensable pour un grand nombre de personnes, renchérit Benoît Bayenet. Pour aller travailler, conduire leurs enfants à l'école. Il n'y a souvent aucune alternative. Ce n'est pas tout à fait la même chose dans le débat bruxellois ou dans les grandes villes flamandes."

En outre, les voitures les plus polluantes sont souvent de vieux véhicules, moins chers, utilisés par les Belges les plus modestes. Pénaliser ce type de voiture risque d'avoir un réel impact social. La révision de la fiscalité automobile en Wallonie et à Bruxelles doit donc s'inscrire dans une vaste réforme de la mobilité, qui offrira des alternatives efficaces et abordables aux vieilles voitures polluantes. 

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