Suède : le coup de maître de l’ancien soudeur
- Publié le 18-01-2019 à 16h44
Le Parlement a voté vendredi pour la reconduite au pouvoir de Stefan Löfven, qui a fait la preuve de son talent de négociateur. Le Parlement suédois a voté vendredi pour la reconduite au pouvoir du Premier ministre social-démocrate sortant, Stefan Löfven, après une période record de 131 jours de négociations dramatiques au lendemain des élections du 9 septembre 2018. Stefan Löfven a réussi à garder les rênes en main, en séduisant les centristes et les libéraux de l’Alliance bourgeoise (le bloc formé avec les conservateurs et les chrétiens-démocrates) et en persuadant le Parti de gauche (ex-communistes), hostile à cette ouverture libérale, de lui faire confiance pour mener "une politique humanitaire et solidaire". Un coup de maître pour ce soudeur de métier et syndicaliste.
Inexpérimenté en politique, c’est lui qui avait permis aux sociaux-démocrates de reprendre le pouvoir en 2014 des mains des conservateurs. Et c’est lui qui s’y maintient aujourd’hui grâce à son art de la négociation et son pragmatisme.
Avec deux blocs minoritaires face à face (la gauche a juste un siège de plus que la droite, hors les Démocrates de Suède considérés comme infréquentables), "il est nécessaire de dépasser ce clivage, de coopérer au-delà des blocs, d’œuvrer pour qu’on ait une société décente, une démocratie digne, et pour empêcher qu’un parti raciste (SD) ait une influence décisive sur la politique de notre pays", constatait M. Löfven, à l’annonce des résultats des élections.
Négociateur de l’ombre infatigable, loin des projecteurs des médias, il s’est entêté à convaincre les centristes et les libéraux, qui refusent tout gouvernement s’appuyant sur l’extrême droite, en leur accordant nombre de concessions. Et il a réussi en tricotant avec eux et son allié, les verts, un accord de 73 points comportant, entre autres, une clause excluant SD et le Parti de la gauche de toute influence. "Tous les partis signataires de l’accord de janvier n’ont pas eu tout ce qu’ils voulaient. Ils ont obtenu quelque chose. Mais c’est la Suède qui sort gagnante", dira-t-il vendredi après le vote de confiance.
Les sociaux-démocrates ont le vent en poupe
Pour l’historien Lars Trägårdh, Stefan Löfven a payé un prix élevé. "Les victoires social-démocrates sont bâties sur une politique économique égalitaire, des investissements sociaux et une solidarité internationale. En s’alliant aux centristes et aux libéraux, des néolibéraux mondialistes qui veulent réduire l’Etat providence, il se met au lit avec le diable." En effet, le programme de 73 points porte entre autres sur des allégements fiscaux aux hauts revenus et une réforme du marché du travail qui diminue la protection des travailleurs, mais aussi le maintien des taxes climatiques pour contenter les verts.
"Il fallait faire des concessions, sinon l’alternative aurait été un gouvernement conservateur avec le soutien de l’extrême droite", dira M. Löfven. Des concessions aussi à l’extrême gauche, lui apportant des garanties dans deux domaines politiques, gardés secrets.
Le prochain gouvernement (sociaux-démocrates et verts), formé lundi prochain, sera l’un des trois plus faibles de l’histoire politique suédoise (avec 33,2 % des voix) et des plus fragiles, même s’il est soutenu au Parlement par les centristes, les libéraux et le Parti de la gauche. Les électeurs sont cependant soulagés de la fin de ce long feuilleton des négociations qui aurait pu déboucher sur de nouvelles élections, que peu de partis souhaitaient. Et pour cause, la plupart sont en recul dans le dernier sondage de janvier (les libéraux et les verts seraient même en dessous du seuil d’éligibilité de 4 %). Seuls les sociaux-démocrates ont le vent en poupe (31,8 % +3,5 points) et les Démocrates de Suède (19,2 % +1,7 point) devenant la deuxième force politique du pays.