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Sortie du nucléaire : une prolongation est possible moyennant une mise à jour des installations, selon l'AFCN

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Par Belga avec Lavinia Rotili et Estelle De Houck

Une prolongation des réacteurs de Doel 4 et Tihange 3 est possible d'un point de sécurité nucléaire moyennant une mise à jour des installations, a indiqué lundi l'Agence Fédérale de Contrôle Nucléaire (AFCN) dans un communiqué. Afin que "tout soit en ordre pour 2025", année prévue de sortie du nucléaire, le gouvernement doit prendre une "décision claire" au premier trimestre, précise l'Agence qui insiste également sur une "approche globale" élaborée avec tous les acteurs concernés.

Comme prévu dans l'accord conclu le 23 décembre au sein de l'équipe De Croo au terme d'une nuit de négociation, l'AFCN a remis son rapport au gouvernement. Avec la DG Energie du SPF Economie, elle a établi une vue d'ensemble et un planning contenant les actions à entreprendre et les décisions nécessaires pour faire du "plan B", soit le scénario de prolongation de deux réacteurs, "un succès", a-t-elle précisé.

"Si, le 18 mars, un rapport du gestionnaire du réseau Elia montre que la sécurité de l'approvisionnement énergétique après 2025 est menacée sans l'énergie nucléaire, le gouvernement veut envisager de maintenir les réacteurs nucléaires de Doel 4 et de Tihange 3 en activité plus longtemps", détaille le communiqué.

Le gouvernement doit prendre une décision 

Pour l'AFCN, cela est possible, à condition que les installations soient mises à jour. "Pour que tout soit en ordre en 2025, il faut avant tout que le gouvernement prenne une décision claire au premier trimestre 2022, mais aussi qu'une approche globale soit élaborée avec tous les acteurs concernés", poursuit-on.

L'AFCN a remis son rapport au gouvernement. Avec la DG Energie, elle a établi une vue d'ensemble et un planning contenant les actions à entreprendre et les décisions nécessaires pour faire du "plan B", soit le scénario de prolongation de deux réacteurs, "un succès", a-t-elle précisé. "La mise en œuvre de ce plan B nécessiterait de mettre à disposition les ressources nécessaires parmi toutes les parties prenantes étant donné la charge de travail considérable qu'un tel projet impliquerait", conclut la DG Energie.

Le plan B devrait être activé dès le deuxième quadrimestre de cette année. Il impliquerait de suspendre immédiatement l'exécution du Mécanisme de Rémunération de Capacité (CRM). Ce système d'enchères doit permettre à la Belgique de trouver les capacités de remplacement du nucléaire. Il a reçu le feu vert européen mais dans le cadre de la fin du nucléaire en 2025 et non de la prolongation de deux réacteurs après cette date. Le CRM devrait donc être réformé, soit une opération de longue haleine qui prendrait au moins deux ans, voire trois. Une étude d'incidence sur l'environnement devrait également être réalisée, une opération transfrontalière, lourde administrativement et longue. La loi devrait aussi être modifiée, un processus qui pourrait durer de 6 à 9 mois.

"Les exigences de sûreté sont maintenues, une certaine flexibilité dans les délais de mise en œuvre est possible. Les exigences de sûreté, auxquelles les réacteurs nucléaires belges doivent répondre, sont fixées par l'arrêté royal du 30 novembre 2011", rappelle encore le communiqué. 

Accélérer la procédure

Si les réglementations ont été encore renforcées en 2020, c'est que "l'objectif principal était d'amener les anciens réacteurs au niveau de sûreté des plus récents - Doel 4 et Tihange 3. Les réacteurs de dernière génération remplissent déjà largement ces exigences, même s'il reste un certain nombre d'améliorations à apporter avant toute prolongation de leur exploitation en 2025."

Concrètement, explique le communiqué, Engie Electrabel "est le premier responsable de la sûreté de ses installations. Cela signifie qu'ENGIE Electrabel doit soumettre un dossier d'exploitation à long terme (LTO) avec un plan d'action correspondant à l'AFCN." Dans ce plan, Engie Electrabel va devoir expliquer de manière plus détaillée comment gérer la sûreté des sites, le vieillement de ceux-ci ainsi que les "facteurs humains à prendre en compte". 

Des "exigences nécessaires" ou des "ajustements possibles"

Il faudra par ailleurs pourvoir au combustible nucléaire. Dans une note de septembre, Engie mentionnait la date de juillet 2022 au plus tard pour commander celui-ci afin qu'il soit disponible en 2025.

Sachant que le temps presse et que ce genre de travail n'a pas été encore fait pour Doel 4 et Tihange 3, l'AFCN voudrait accélérer la procédure et consulter Engie Electrabel dans les six mois qui vont suivre la décision prise par le gouvernement. A ce moment-là, il sera temps de distinguer entre les "exigences nécessaires" et les "ajustements possibles". Les unes correspond à ce sur quoi il faut urgemment travailler afin de se conformer à la loi. Les autres "sont des améliorations supplémentaires qui ne sont pas absolument nécessaires mais qui amélioreraient la sûreté, et pour lesquelles l’AFCN juge qu’un report limité de la mise en œuvre ne compromettrait pas la sûreté, si un arrêt prolongé des réacteurs nucléaires était problématique pour la sécurité d’approvisionnement."

Plusieurs facteurs à prendre en compte

Il est intéressant de noter que pour l'AFCN, plusieurs facteurs sont à prendre en compte: le premier concerne la durée de la prolongation. L'Agence Fédérale parle dans ce cas-là "d'au moins dix ans afin de pouvoir développer un plan d'action approfondi pour améliorer la sûreté nucléaire".

A cela, il convient également d'ajouter le facteur ressources humaines : il faut pouvoir déterminer s'il existe assez de personnel pour prolonger deux réacteurs et, de manière parallèle, pouvoir en démanteler cinq autres. Pour finir, l'AFCN soulève la question des déchets radioactifs. 

"Avant tout, le plan de prolongation doit être approuvé par tous les acteurs concernés. De nombreux travaux préparatoires supplémentaires sont nécessaires d'ici le 18 mars - date de la décision du gouvernement - et pas seulement dans le domaine de la sûreté nucléaire", ajoute encore le communiqué. 

Pour l'Agence Fédérale, le gouvernement doit "valider une telle approche globale avec toutes les parties impliquées au plus tard fin janvier et de leur donner le mandat explicite de développer les actions détaillées et le planning pour le 18 mars. Si le gouvernement fédéral décide le 18 mars de prolonger la période d'exploitation de Doel 4 et Tihange 3, l'AFCN demande la nomination d'un coordinateur qui veillera à ce que le plan soit correctement mis en œuvre."

Une date butoir: le 18 mars 

Parmi les questions qui restent à régler d'ici le 18 mars, figure celle des permis des nouvelles unités de production prévues, soit les centrales au gaz des Awirs (Liège) et de Vilvorde. La première est en ordre, même si un recours a été introduit. Pour la seconde, la ministre flamande de l'Environnement refuse pour le moment la délivrance d'un permis. D'autres unités pourraient la remplacer dans le cadre d'un "re-run". Or, selon Elia, il existe "un intérêt" pour celui-ci, a appris Belga à bonnes sources. Si le plan A est confirmé, "les activités du plan B s'arrêteront", a décidé le gouvernement le 23 décembre.

En revanche, l'AFCN estime que si le gouvernement optera pour la "sortie complète du nucléaire en mars, elle devra être considérée comme irréversible à partir de ce moment-là".

 

Dans la majorité, seul le MR a pris ouvertement fait et cause pour le plan B. Le rapport remis lundi va dans son sens, estime-t-il. "Ce que le MR a toujours dit. Nous n'avons aucune position dogmatique sur le sujet. C'est la science et la technique qui guident nos positions. Notre pays doit faire les bons choix stratégiques", a souligné le président, Georges-Louis Bouchez, sur Twitter.

Belgique: sortie du nucléaire (JT 23/12/2021)

Le calendrier de la sortie du nucléaire : un long processus

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