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Arabie saoudite : pourquoi ce jeune manifestant antigouvernemental a été libéré alors qu’il avait été condamné à mort ?

Ali al Nimr, arrêté en février 2012, alors qu’il avait 17 ans.

© Reprieve.org

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Par Aurélie Didier

Ali Al-Nimr avait 17 ans quand il a été arrêté en février 2012 en Arabie saoudite. Il avait participé avec deux autres Saoudiens chiites à des manifestations au moment des soulèvements du Printemps arabe.

Selon Amnesty International, "Après son arrestation, il a tout d’abord été placé dans un centre de réinsertion pour mineurs, avant d’être incarcéré dans une prison pour adultes." Avec les deux autres Saoudiens, il a ensuite été jugé par le Tribunal pénal spécial de Djedda, un tribunal spécialisé dans les affaires de terrorisme, puis il a été condamné à mort en 2014. Le jeune homme avait par après affirmé avoir avoué des faits sous la torture.

Les peines de mort prononcées à l’encontre de ces trois personnes ont été commuées en février à 10 ans de prison. En avril 2020, Ryad avait en effet déclaré mettre fin à la peine de mort pour les personnes condamnées pour des crimes commis alors qu’elles avaient moins de 18 ans.


►►►A lire aussi : L’Arabie saoudite supprime la peine de mort pour les crimes commis avant la majorité


Le jeune saoudien vient enfin d’être libéré ce mercredi. "Ali al-Nimr, un jeune homme en détention depuis 2012 pour avoir participé à des manifestations quand il était mineur, et qui avait été auparavant condamné à mort, a été libéré ce jour", a tweeté l’organisation de défense des droits humains, ALQST. Ce jeune homme aura donc passé une dizaine d’années en prison.

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Pourquoi avait-il manifesté en 2012 ?

Ali al-Nimr appartient à la communauté chiite saoudienne. Comme l’explique Amnesty International, "Les tensions entre les membres de la communauté chiite et les autorités saoudiennes se sont accrues depuis 2011, lorsque, en partie inspirés par les mouvements de protestation qui ont balayé le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, des Saoudiens vivant dans la province de l’Est, majoritairement chiite, ont multiplié les appels publics en faveur de réformes." Le pouvoir saoudien a alors durement réprimé les personnes soupçonnées d’être liées à ces mouvements : détentions longues sans inculpation, tortures et mauvais traitement.

 


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Ali al-Nimr et ses sœurs avant son arrestation
Ali al-Nimr et ses sœurs avant son arrestation © Amnesty International

Mobilisation internationale et combat d’une mère

Très rapidement après l'arrestatio d'Ali al-Nimr, une mobilisation nationale et internationale s’est organisée pour faire pression sur les autorités saoudiennes via des manifestations et pétitions. La mère d’Ali s’est aussi investie pour tenter de faire libérer son fils. Elle avait pu communiquer avec lui et lui rendre visite, comme elle l'avait expliqué sur les réseaux sociaux en 2017.

 "Ses mots étaient empreints d’amour et de gratitude. Son sourire ne le quittait jamais. Nous avons parlé […] des cinq années qu’il a passées enfermé, et de ce qu’il espère accomplir dans les années à venir : La prison n’est qu’une clé et la liberté est inévitable […] Nous revêtons les ailes faites de chaînes qui nous permettent de voler à notre guise, sans attaches".

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L’Arabie saoudite tente de soigner son image

La réforme pour mettre fin à la peine de mort pour des crimes commis par des mineurs est arrivée en avril 2020. Elle participe d’une stratégie mise en place par Ryad depuis plusieurs années et qui vise à améliorer son bilan en matière de droits humains.

En effet, le Royaume est pointé du doigt par plusieurs défenseurs des droits humains dans de nombreux dossiers concernant les droits de l’opposition politique, des mineurs et des des femmes. Mais comme l’expliquait récemment Bichara Khader à la RTBF, malgré les efforts du gouvernement saoudien et du prince héritier Mohammed ben Salmane pour se présenter comme un pays réformé et progressiste, l’Arabie saoudite reste l’un des pires pays en matière de droit humains.


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"Avec l’arrivée du prince héritier Mohammed Ben Salmane, il y a non pas un vent de liberté, mais un projet de modernisation, conscient, voulant mettre l’Arabie saoudite en phase avec le monde moderne. Il y a une volonté de s’ouvrir progressivement, graduellement, parce que les forces conservatrices sont telles que le prince doit agir avec prudence". Le spécialiste doute d’ailleurs que l’Arabie saoudite arrivera un jour à l’ouverture et au respect des droits humains comme dans les sociétés européennes.


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