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Pourquoi Taiwan ne participe pas à l’ONU et pourquoi la Chine ne le voudra jamais

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Par Philippe Antoine

Pour reprendre une formule qui s’est imposée sur les réseaux sociaux il y a un peu plus d’un an, "la question a été vite répondue" : "Taiwan n’a aucun droit de participation à l’ONU". Ces quelques mots, ce mercredi, du porte-parole du Bureau chinois des affaires taïwanaises ont le mérite d’être dépourvus de toute ambiguïté. Pékin, qui a célébré ce lundi 25 octobre le 50e anniversaire de son adhésion à l’ONU, a aussi rappelé que seuls les Etats souverains peuvent adhérer aux Nations unies.

Depuis le 25 octobre 1971 et la reconnaissance par l’ONU de la République populaire de Chine comme "les seuls représentants légitimes de la Chine aux Nations Unies", l’île de Taiwan (Formose) sur laquelle s’était réfugié 22 ans plus tôt le gouvernement nationaliste chinois du Kuomintang après sa défaite face aux communistes, est devenue une démocratie autonome.


►►► Les tensions montent à Taïwan, l’île qui tient tête à la Chine


Mais à Pékin, on considère que l’île de 24 millions d’habitants fait partie de la Chine, ou plus précisément qu’elle est l’une de ses provinces en attente de réunification avec le reste du pays.

Un communiqué au contenu hautement délicat

Ce qui a suscité cette très stricte mise au point, c’est un communiqué publié par Anthony Bliken, le secrétaire d’Etat américain, un texte dans lequel le chef de la diplomatie des Etats-Unis loue la transparence, le respect des droits humains et de l’Etat de droit de Taiwan qu’il qualifie de "success story" avant de regretter son absence des institutions de l’ONU, en citant l’exemple de l’OMS (l’organisation mondiale de la santé) où l’expérience taïwanaise de gestion de la pandémie aurait pu être partagée.

Le secrétaire d’Etat américain évoque aussi l’OACI (l’organisation de l’aviation civile internationale) qui vient de tenir son assemblée générale en l’absence de représentants de Taiwan alors que des "dizaines de millions de passagers fréquentent chaque année ses aéroports".

En conclusion de son communiqué, Anthony Blinken écrit que "l’exclusion de Taiwan sape le travail important de l’ONU et de ses agences", et le patron de la diplomatie américaine va plus loin encore lorsqu’il "encourage tous les Etats membres de l’ONU à se joindre aux Etats-Unis pour soutenir une participation robuste et significative de Taiwan dans le système de l’ONU et dans la communauté internationale".

A Taiwan, l’initiative a forcément été saluée comme un "soutien crucial pour faire face aux défis mondiaux". Du côté officiel chinois, c’est Liu Pengyu, le porte-parole de l’ambassadeur chinois aux Etats-Unis qui a dégainé le premier sur les réseaux sociaux en exprimant " une vive inquiétude " et en déclarant dans la foulée que la participation de Taiwan à l’ONU ne serait acceptée en aucun cas.

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Mais que cache vraiment cet épisode ? Pour Sven Biscop, professeur en Sciences politiques de l’Université de Gand et chercheur à l’Institut Egmont, il faut regarder cette séquence dans le cadre de l’instrumentalisation de Taiwan au cœur de la rivalité américano-chinoise : "Depuis quelque temps, on parle beaucoup côté occidental des incursions des avions militaires chinois dans la zone d’identification de défense aérienne de Taïwan, comme s’il existait un risque de guerre imminent. Mais la réalité, c’est qu’à Taiwan, cela n’est pas perçu de cette façon. Ce qui préoccupe l’opinion publique taïwanaise pour le moment", poursuit le chercheur de l’Institut Egmont, "ce n’est pas la Chine, mais le manque de vaccins. C’est ce sujet-là qui fait la une des médias à Taiwan !".

Ce que font les Chinois et ce que font les Américains, c’est un peu pour la galerie

Selon Sven Biscop, cette création artificielle de risque de guerre sert à démontrer les mauvaises intentions de la Chine et donc à inciter à se placer dans le camp des Etats-Unis dans leur bras de fer avec la Chine : "C’est un jeu dangereux, risqué pour les Taiwanais", estime-t-il, "parce que si cela devait mal tourner, c’est Taiwan qui en paierait le prix. La seule chose à espérer", ajoute le professeur de l’Université de Gand, "c’est que le statut quo perdure".

Et Sven Biscop de conclure : "Tout le reste, à savoir ce que font les Chinois et ce que font les Américains, c’est un peu pour la galerie". Autrement dit, pour leur opinion publique nationale. Ce qui est à peu près certain, c’est que la Chine ne fera pas de concession à Taiwan, dont elle n’a objectivement pas vraiment besoin. Mais c’est un symbole. Et en politique, les symboles sont parfois d’une importance capitale.

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