Coronavirus

Pourquoi ne pourrait-on pas laisser circuler le virus ?

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Par Arnaud Ruyssen

C’est une question que beaucoup se posent : comme une grande partie de la population est vaccinée et donc largement protégée contre les formes graves du COVID, comme chacun a eu la possibilité d’être vacciné, ne pourrait-on pas reprendre une vie normale et laisser circuler le virus ? Déclic a voulu y voir clair.

Pour ce faire, nous avons consulté 3 experts : Jean-Christophe Goffard (immunologue et directeur du service de médecine interne à Erasme), Marius Gilbert et Simon Dellicour (épidémiologistes FNRS et ULB). Tous trois estiment que laisser circuler le virus aujourd’hui, chez nous, serait une stratégie extrêmement risquée. Voici pourquoi :

1. Des centaines de milliers de personnes toujours à risque

Malgré un taux de vaccination parmi les plus élevés d’Europe, toute la population belge n’est pas protégée face au COVID.  Il reste grosso-modo une dizaine de % des + de 65 ans qui a choisi de ne pas se faire vacciner et qui ne bénéficie donc pas de la très bonne protection du vaccin (jusqu’à 90%) contre les formes graves. 

" Ensuite il y a tous ceux qui ne répondent pas bien ou répondent mal à la vaccination " explique Jean-Christophe Goffard, " ces 10 % de la population qui ont bien reçu le vaccin mais sans qu’il réussisse à les protéger contre les formes sévères ". Si l’on additionne ces deux cas de figures, ça fait beaucoup de monde. Suffisamment malheureusement pour remplir à moyen terme les hôpitaux et les lits en soins intensifs, ce qui aurait des conséquences pour tout notre système de soins.

2. L’ampleur encore méconnue du risque des COVID longs

C’est une autre caractéristique de cette maladie, elle provoque, chez nombre de patients, des pathologies encore méconnues que sont les COVID longs. " 15% à 20% des personnes qui ont été infectées font état de troubles de la concentration, de fatigue chronique, de douleurs qui les handicapent dans la vie de tous les jours " précise Jean-Christophe Goffard. " Ce problème existe ! Il faut qu’on le comprenne, qu’on comprenne ce qui se passe dans le cerveau de ces personnes, pour le moment on n’a pas encore d’explication suffisamment claires sur le sujet ".  De l’avis de plusieurs spécialistes consultés, laisser courir ce virus largement, sans connaître davantage ces implications neurologiques serait prendre un grand risque également.

3. Le risque de favoriser les mutations

Il faut se souvenir de comment ce virus se reproduit.  Si l'on veut utiliser une métaphore, disons qu'il se sert de nos organismes comme d’une photocopieuse pour se répliquer des millions de fois.  Mais de temps en temps, très rarement, la photocopieuse fait une petite erreur qui peut concourir à faire naitre un variant différent du virus de départ. C’est ce qui s’est produit avec le variant Delta, souche beaucoup plus contagieuse du virus qui a fini par prendre le pas, en quelques semaines seulement, sur les autres souches.

Plus le virus circule, plus le risque – pourtant infime au départ – de mutation augmente. En outre, dans une population comme la nôtre qui est largement immunisée contre les formes sévères (naturellement et par le vaccin), on prend le risque, si on laisse proliférer cette réplication, de favoriser l’émergence de variants résistants aux vaccins.

"En soi, es 11 millions de belges ne représentent pas grand-chose par rapport aux milliards d’individus aujourd’hui exposés aux virus dans le monde " tempère Simon Dellicour (ULB). Il n’empêche, au global, la large circulation du virus – même dans les populations vaccinées – augmente la probabilité de l’émergence de ces variants dont l’histoire récente a prouvé qu’ils pouvaient solidement nous compliquer la vie.

Un principe de précaution...

Au vu de tout cela, les 3 spécialistes que nous avons consultés trouvent très imprudente l’idée de " laisser circuler le virus ". Dans l’état actuel de la protection de la population et face à l’étendue de ce que nous ignorons encore sur ce virus, ils prônent une approche équilibrée et prudente qui limite au maximum la transmission du virus sans pour autant revenir aux mesures aveugles et massives que nous avons dû appliquer dans les phases précédentes de cette épidémie.

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