Belgique

L’histoire continue : Standard-Waterschei, carte noire pour le football belge

Temps de lecture
Par Bertand Henne

La corruption dans le monde du foot n’a rien de nouveau. On en retrouve la trace depuis très longtemps. Dès les années 60 des soupçons de matchs truqués commencent à faire du bruit. Mais c'est dans les années 80 que les affaires éclatent au grand jour. Elles concernent parfois les plus grands clubs.
Nous avons décidé de revenir sur l’affaire qui à sans doute faire couler le plus d’encre : le match Standard-Waterschei en 1982, il y a exactement 40 ans. Il a permis aux Liégeois de devenir champions de Belgique pour la 7ème fois de leur histoire. Le club Liégeois à son apogée avoue avoir acheté le match. Il va payer durement sa révélation et connaître un déclin durable. Cette affaire est frappante et emblématique.

La légendaire équipe du Standard 1982
La légendaire équipe du Standard 1982 © Source : Standard de Liège

8 mai 1982

Les Liégeois ont deux points d’avance sur Anderlecht. Ils peuvent remporter le championnat devant leur public. Il joue contre l’avant-dernier du championnat, Waterschei, un club situé en plein charbonnage du Limbourg. Ce sera l’acier contre le charbon. L’équipe liégeoise est belle : Simon Tahamata, Harrie Han, Eric Gerets,  Michel Preud'homme, Guy Vandersmissen. Ils ne sont pas encore des légendes, mais ce sont déjà des grandes stars.

Le banc du Standard redoute la défaite. Mais plus encore, il redoute une blessure car le Standard doit jouer 4 jours plus tard la finale de la coupe d’Europe contre Barcelone. Ce match, ils doivent impérativement le gagner, mais sans trop s’exposer. C’est la hantise de Raymond la science. Le standard enquille trois buts, sans souffrir, Waterschei n’est pas à la hauteur malgré un but marqué.

Vandersmissen arme un tir, qui finira au fond des cages de Waterschei…
Vandersmissen arme un tir, qui finira au fond des cages de Waterschei… © Belga
Euphoriques! Harie Haan et Simon Tahamata fêtent la victoire contre Waterschei dans les douches du Standard.
Euphoriques! Harie Haan et Simon Tahamata fêtent la victoire contre Waterschei dans les douches du Standard. © Belga

Après le match, Eric Gerets, le capitaine, est resté seul sur la pelouse envahie par les supporters. Parce qu’il fallait qu’il leur dise merci. Eric Gerets, c’est lui incarne le plus le club. Avec sa tignasse et sa barbe noire, il est le visage de la victoire Liégoise. Il le sera encore en 1983 en remportant une deuxième fois le championnat. Il est devenu capitaine de l’équipe nationale et soulier d’or. Deux ans plus tard, tout s’écroule…

Eric Gertes en 1983. Le capitaine du Standard et de l’équipe nationale est sacré soulier d’or. La consécration.
Eric Gertes en 1983. Le capitaine du Standard et de l’équipe nationale est sacré soulier d’or. La consécration. © Belga

29 février 1984

C’est un peu par hasard, qu’un juge qui enquêtait sur de la fraude fiscale dans les clubs de foot à découvert un mouvement suspect dans la caisse du standard. Une ligne mentionne “Goethals-Genk 500.000F/150.000F”. C’est l’enveloppe que le secrétaire général du club Roger Petit a prévu à la demande de Goethals pour acheter le match.
Sous la pression de Raymond Goethals, Eric Gerets demande donc à son ami Roland Janssens, le capitaine de Waterschei, de lever le pied. 420.000 francs de l’époque, 10.000 euros à peu près.

Ce 28 février 1984, Les trois hommes, Roger Petit, Raymond Goethals et Eric Gerets avoueront devant le juge d’instruction. Eric Gerets, seul joueur à saluer le public en 82 est aussi le seul à assumer publiquement devant le micro de Frank Beaudoncq.

EG : J’ai commis des fautes que je ne pouvais pas commettre. Je suis coupable de certaines choses. Il y a eu quelque chose avec Waterschei.

FB : De la corruption ?

EG : C’est ce qu’on me met dans les souliers, oui.

C’est ce qu’on me met dans les souliers. Cette petite phrase tranche avec le reste. Eric Gerets sous entend qu’il n’est pas seul en cause. Le corrupteur, ce n’est pas lui. Frank Baudoncq qui est derrière le micro, comprend que tout le problème est là.

FB : Vous n’êtes pas seul en cause ?

EG : Non. Il faut voir comment ça a commencé.

FB : On peut parler d’influence.

EG : C’est le moins que l’on puisse dire.

Pas la mine des grands jours le Raymond! Raymond Goethals et son avocat après une convocation à l’union belge en 1984.
Pas la mine des grands jours le Raymond! Raymond Goethals et son avocat après une convocation à l’union belge en 1984. © Tous droits réservés

Le Standard, la tête coupée

Eric Gerets, le Soulier d’or de cette année. C’était aussi le visage de l’équipe nationale et donc du Football Belge. Voilà qui donne une ampleur peu commune à l’affaire.

Le standard évite la relégation, mais il est décapité. Fini la grande équipe des rouges et blanc. Les supporters devront attendre 25 ans pour connaître à nouveau frisson du champion. Raymond Goethals et Roger Petit sont radiés à vie. Gérard Plessers, Jos Daerden, Théo Poel, Walter Meeuws, Simon Tahamata, Michel Preud’homme, et Guy Vandersmissen sont suspendus pour six mois. Éric Gerets est suspendu pour deux ans.
Le Standard est par terre mais beaucoup de joueurs suspendus pourront poursuivre leur carrière, parfois à l’étranger.
Raymond Goethals lui s’en va exercer son art au Portugal. Sa carrière est loin d’être terminée, déjà mythique entraîneur d’Anderlecht et du Standard, il posera bientôt ses valises à Marseille avec Bernard Tapie pour aller gagner la ligue des champions tentant de faire oublier qu’il a été à l’origine du plus grand scandale du football Belge.

Pour Thierry Luthers, ex-journaliste de la RTBF, cette affaire a signé le déclin du Standard de Liège. Deux choses m’étonnent. Harie Haan lui n’a jamais été inquiété. Ensuite ce qui est frappant c’est que Raymond Goethals arrivé à Marseille va se retrouver dans l’affaire OM-Valencienne. Elle présente des similitudes troublantes. La aussi un joueur de l’équipe adverse (Valencienne) a été payé pour lever le pied contre Marseille à quelques jours d’un match de coupe d’Europe.

Le parallèle avec l’affaire OM-Valencienne est en effet troublant abonde Thomas Bricmont, journaliste Sport Magazine. C’est un calque de l’affaire Standard Waterschei. Les conséquences vont être extrêmes pour le Standard comme pour Marseille, qui auront bien du mal à s’en remettre. Alors que c’était des matchs ou les deux clubs étaient largement supérieurs. Quand on voit les conséquences, c’est assez difficile à comprendre.

Anderlecht Nottingham

A cette époque, la corruption ne concerne pas que le Standard. Anderlecht aura aussi droit à son scandale. En 1984, le club bruxellois joue une demi-finale de la coupe de l’UEFA contre le club Anglais de Nottingham. Anderlecht est le tenant du titre. Anderlecht à perdu le match aller 2-0, il doit donc gagner 3-0 pour se qualifier. Avec Czerniatiscki, Vanderbergh et Enzo Scifo 18 ans, les joueurs vont réaliser l’incroyable. Si Anderlecht se réjouit, Notthingam en veut beaucoup à l’arbitre espagnol Guruceta Muro, un penalty largement imaginaire et surtout un but tout à fait valable, refusé. A l’époque pas de var !

Morten Olsen perce la défense de Nottingham. L’arbitre espagnol Guruceta Muro suit la phase de près. Il sera lourdement soupçonné d’avoir fait basculer le match en faveur du sporting.
Morten Olsen perce la défense de Nottingham. L’arbitre espagnol Guruceta Muro suit la phase de près. Il sera lourdement soupçonné d’avoir fait basculer le match en faveur du sporting. © Tous droits réservés
Le marquoir affiche 3-0 pour Anderlecht qui est donc qualifié pour la finale de la coupe de l'UEFA. Mmmouais...en partie grâce à un penalty généreux et un goal anglais injustement annulé dans les dernières minutes.
Le marquoir affiche 3-0 pour Anderlecht qui est donc qualifié pour la finale de la coupe de l'UEFA. Mmmouais...en partie grâce à un penalty généreux et un goal anglais injustement annulé dans les dernières minutes. © Tous droits réservés

Il faudra attendre 13 ans pour qu’éclate l’affaire. Le président Constant Vanden Stock avoue avoir versé un million de francs belges, environ 25.000 euros à l’arbitre. Les intermédiaires qui se sont chargés du versement ont tenté de faire chanter le club, qui a dû se résoudre à porter plainte. En 1997 éclate l’affaire, couverte par la prescription.

Constant Van den Stock, le président historique d’Anderlecht, s’explique. C’était pour aider l’arbitre. Et puis l’argent a été versé après, pas avant. Une version qui prête aujourd’hui à sourire, mais qu’il a bel et bien défendue dans une interview à la RTBF. Malgré les aveux de l’historique président, Anderlecht est acquitté. L’arbitre Guruceta Muro est décédé, les preuves manquent et Nottingham abandonne les poursuites.

Thomas Bricmont (Foot Magazine) : C’est évident que Constant Vandenstock a reconnu sa responsabilité. Mais on ne sait toujours pas si l’arbitre espagnol à reçu les sous. Mais on soupçonne qu’il a influencé le match. Le penalty est très litigieux, le but annulé est grotesque. Il ne se passe rien et il annule le but.

Mais qu’est-ce qui a changé dans le monde du foot depuis ces affaires ? Rien ! Pour Thierry Luthers. Les valises d’argent sont parfois remplacées par des montres ! C’est sans doute plus sophistiqué qu’avant, il y a les montres, les fausses factures des scouts, les rétrocommissions. Thomas Bricmont juge que la corruption s’est internationalisée. C’est ce que montre l’affaire Zheyun Yé, ce mafieux chinois qui a acheté des joueurs, des arbitres, des coachs pour truquer des matchs et réaliser des paris truqués.

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma... Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Articles recommandés pour vous