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La NBA est de retour: analyse de ce Game of Thrones à la sauce basket

La saison du 75e anniversaire de la NBA, qui commence mardi prochain, sera la première campagne (presque) normale depuis la pandémie. Et elle sera peut-être mémorable, car marquée par l’affrontement entre les anciennes et les nouvelles superpuissances. Quelle équipe occupera le trône du champion en juin 2022? Et qui succédera à LeBron James comme meilleur joueur du monde? Analyse.

Le tenant du titre

« Ne m’appelez pas champion ou MVP. Si vous n’entendez que des compliments, vous avez tendance à vous reposer sur vos lauriers, et c’est hors de question pour moi. Je veux devenir encore meilleur », a récemment déclaré GiannisAntetokounmpo. Pourtant, le GreekFreak a frisé la perfection lorsqu’il a conduit ses Milwaukee Bucks au titre lors des dernières finales NBA contre les Phoenix Suns. Son chef-d’oeuvre, ce sont les cinquante points inscrits lors du septième match décisif, alors qu’il avait déjà atteint une moyenne effrayante de trente points, treize rebonds et cinq passes décisives tout au long des play-offs. Durant les Finals cependant, Antetokounmpo a été gêné par une blessure au genou et paralysé par la peur à la ligne de lancers francs, le talon d’Achille du guerrier grec. Des séances quotidiennes avec un psychologue l’ont finalement aidé à surmonter cette peur. Résultat: 17 de ses 19 lancers francs ont été convertis lors du septième match de la finale et il a fait taire toutes les critiques.

C’est le talon d’Achille des Brooklyn Nets: combien de fois verrons-nous Durant, Irving et Harden ensemble sur le parquet?

Après deux titres de MVP en saison régulière, Antetokounmpo a enfin réalisé ce rêve qu’il poursuivait depuis qu’il était un gamin sans le sou vendant des bibelots dans les rues d’Athènes: remporter le titre NBA et être élu MVP des Finals. Et cela, à 26 ans à peine. C’est plus jeune que MichaelJordan, LeBronJames et bien d’autres icônes lorsqu’ils ont remporté leur première bague NBA. De plus, il a réalisé ce rêve avec une équipe dont il est la seule vedette majeure. « Mieux vaut gagner un titre dans ces circonstances-là, que trois avec une équipe pleine de stars », a-t-il déclaré, fièrement.

La question qui se pose maintenant, est de savoir si le Grec peut remporter d’autres titres avec les Bucks. Et s’il peut encore élever davantage son niveau personnel? Ça dépendra principalement de son adresse à (mi-) distance et aux lancers francs. S’il devient plus régulier dans cet exercice, et s’il améliore son pourcentage de réussite, aucun défenseur ne pourra résister à ce monstre de la nature de 2m11, qui est également un excellent défenseur.

Pour prolonger le titre NBA, Antetokounmpo pourra compter sur le même noyau que la saison dernière, avec des joueurs sous-estimés comme JrueHoliday et KhrisMiddleton comme bras droits. Seul PJTucker, un défenseur hors pair mais limité offensivement, a quitté les Bucks pour le Miami Heat. Son départ a été compensé par de nouveaux roleplayers comme SemiOjeleye, GeorgeHill, GraysonAllen et RodneyHood, et par le retour de blessure de DonteDiVincenzo. Une continuité qui a également été marquée par un nouveau contrat de trois ans offert à l’entraîneur MikeBudenholzer, pourtant très critiqué jusqu’à la conquête du titre.

Cela suffira-t-il pour surmonter toute fatigue mentale et physique après des play-offs très éprouvants, une intersaison plus courte que d’habitude (la finale s’est terminée fin juillet au lieu de mi-juin) et un périple olympique couronné d’or pour Holiday et Middleton? En tout cas, un éventuel échec ne pourra certainement pas être imputé à la fougue ou à la motivation d’Antetokounmpo.

Le principal favori

À combien de centimètres cela s’est-il joué, lorsque KevinDurant a tiré à l’ultime seconde du septième match de la demi-finale de la Conférence Est contre les Milwaukee Bucks? Deux? C’est la différence entre un tir à trois points victorieux, lorsque le pied est positionnée juste derrière la ligne des trois points, et un « simple » tir à deux points, lorsque la chaussure est juste sur la ligne. Au grand désarroi de tous les fans de Brooklyn, les arbitres ont décidé que le pied de Durant était bien sur la ligne. Le marquoir a donc indiqué 109-109, et pas 109-110. Les Bucks ont ensuite porté le coup fatal aux Nets durant la prolongation.

Pourtant, les éloges ont plu de partout sur Durant, qui a failli emmener Brooklyn en finale en inscrivant 48 points. Le tout sans KyrieIrving, blessé, et avec un JamesHarden titubant à ses côtés. Ces éloges se sont encore amplifiés lorsqu’il a livré des prestations divines aux Jeux Olympiques de Tokyo, où il a terminé meilleur marqueur du Team USA et où il a récolté une troisième médaille d’or. Lorsque ESPN et SportsIllustrated ont publié leur classement annuel des cent meilleurs joueurs de la NBA, c’est d’ailleurs Durant – et non Antetokounmpo – qui était classé premier. Et ce, alors qu’il n’avait pas joué pendant toute la saison précédente, se remettant d’une déchirure du tendon d’Achille. KD est revenu, aussi bon, sinon meilleur qu’avant. Et comme il l’a dit récemment, le jour de son 33e anniversaire: mentalement plus détendu que jamais. L’opinion des autres ne l’empêche plus de dormir. Avec Brooklyn, il ne ressent pas la pression extérieure de toujours devoir gagner. Cette pression, il affirme se l’imposer lui-même, car il se considère comme une bête de compétition.

Pourtant, cette saison, cette énorme pression sera bien présente, car les Nets sont les grands favoris pour le titre. Le scepticisme qu’éprouvaient de nombreux analystes la saison dernière, lorsque James Harden a formé un nouveau super trio avec Durant et Irving à la suite d’un échange avec Houston, a rapidement disparu lorsque Brooklyn a réalisé en 2020-2021 la saison régulière la plus efficace de tous les temps en termes de chiffres offensifs. En partie parce que Harden est passé du statut de simple marqueur à celui de meneur de jeu, avec la deuxième meilleure moyenne d’assists de la NBA. Il a transformé Brooklyn en une machine offensive inarrêtable, qui a plus que compensé ses carences défensives.

Pourtant, les Nets ont loupé le titre. En partie à cause des blessures et à un « break mental » d’Irving (29 ans), qui expliquent que lui, Durant (33 ans) et Harden (32 ans) ne se sont retrouvés ensemble sur le parquet que durant quatorze matches, play-offs compris. Ce sera également le talon d’Achille des Nets, cette saison: combien de fois verrons-nous les trois stars ensemble? Ça ne se produira peut-être même jamais si Irving reste totalement opposé au vaccin ( voir encadré), et si les Nets ne l’alignent pas ou ne l’échangent pas. Ce ne serait cependant pas catastrophique, pour autant que Durant et Harden soient épargnés par les blessures. Après tout, ils seront bien encadrés par une équipe des joueurs totalement à leur service. Avec PattyMills, un meneur de jeu expérimenté qui peut compenser l’absence d’Irving, et des vétérans comme LaMarcusAldridge et PaulMillsap. Si la saga du vaccin de Kyrie Irving et le non-renouvellement de son contrat (ainsi que celui de James Harden) n’éloignent pas l’équipe de l’objectif initial, on ne voit pas qui pourra arrêter les Nets.

Un ensemble de vétérans

Zéro. C’est le nombre de votes obtenus par LeBron James lors du sondage annuel mené par les dirigeants et les recruteurs de la NBA pour élire le meilleur joueur de la Ligue. Invisible, alors que le King a régné sur toute une génération lors de la dernière décennie. Mais après un quatrième titre NBA en 2020, son premier avec les Lakers, le poids des ans commence à produire son effet: la saison dernière, il a loupé 27 matches en raison d’une blessure à la cheville et a été éliminé au premier tour des play-offs pour la première fois de sa carrière, par les Phoenix Suns. Dans les classements ESPN et SportsIllustrated des cent meilleurs joueurs, Durant et Antetokounmpo l’ont également dépassé.

Stephen Curry
Stephen Curry© GETTY

Il faut reconnaître qu’à 36 ans, la couronne du King ne brille plus de tout son éclat. Il n’est plus l’athlète impressionnant et explosif d’antan. Mais il reste le joueur avec la plus grande expertise, grâce à sa vision à 360° et à sa mémoire phénoménale. Son nouveau coéquipier CarmeloAnthony l’a comparé à une grand-mère italienne. « Vous ne direz jamais qu’elle est trop vieille pour cuisiner. Vous allez goûter et apprécier les plats qu’elle a préparés. »

Les sceptiques se demandent si LeBron et ses Lakers pourront concocter des plats savoureux durant toute la saison. À LA, après une grande lessive effectuée au sein de l’équipe, il y a davantage de « grands-mères » aux fourneaux: on dénombre cinq joueurs de plus de 35 ans, un record. Parmi eux, outre JamesCarmeloAnthony (37 ans), on trouve TrevorAriza (36), RajonRondo (35) et DwightHoward (35). Et neuf joueurs ont plus de 32 ans, dont DeAndreJordan (33 ans), WayneEllington (33), RussellWestbrook (32) et KentBazemore (32). C’est un autre record. Ces joueurs détiennent quelques-uns des records le plus prestigieux: James (numéro 1), Anthony (numéro 2), Westbrook (numéro 5) et Howard (numéro 8) font partie des huit joueurs actifs de la NBA ayant inscrit le plus de points. Ce sont également quatre futurs HallofFamers. Avec le jeune AnthonyDavis (28 ans) également présent, la poussière d’étoiles va tourbillonner dans le Staples Center de LA à chaque match. La question est de savoir si ces étoiles ne vont pas devenir des supernovas, explosant à travers des corps en décomposition. Même Anthony Davis est connu pour son corps fragile: la saison dernière, TheBrow a manqué 26 matches, et n’a plus atteint le niveau particulièrement élevé qu’il avait dans la « bulle corona » en 2020, lorsque les Lakers ont remporté le titre.

Si lui et LeBron James peuvent traverser une saison entière, et surtout les play-offs, sans problèmes physiques, ces deux-là peuvent à eux seuls faire la différence dans la Conférence Ouest. Cependant, pour gagner le titre, le rôle de RussellWestbrook sera crucial. Le meneur de jeu controversé a été transféré de Washington sur base d’un échange. Or, il faut se souvenir qu’il a terminé quatre des cinq dernières saisons avec une moyenne de triple double (plus de vingt points, plus de dix assists et plus dix de rebonds par match). Cependant, l’énergique Westbrook traîne également la réputation d’être un joueur trop friand de ballon, piètre défenseur, et dont la sélection des tirs et la finition laissent à désirer. Comment se passera la cohabitation avec LeBron James, qui s’est de plus en plus imposé comme un meneur de jeu ces dernières années? En saison régulière, Westbrook pourra le soulager, mais en play-offs, cela pourrait devenir un problème, tout comme le manque de bons défenseurs dans le noyau. James lui-même est convaincu que ça va fonctionner. « Nous avons juste besoin de temps pour tout mettre au point », a-t-il déclaré. À moins que le temps n’ait raison de lui et de ses Lakers.

Les challengers

Les Bucks, les Nets et les LA Lakers sont les favoris des bookmakers pour le titre NBA, mais d’autres équipes ont également leurs chances. Dans la Conférence Est, Miami Heat apparaît comme un outsider à ne pas sous-estimer, après l’ajout des guards All-Star KyleLowry et PJ Tucker. Avec DuncanRobinson, JimmyButler et BamAdebayo, qui ont propulsé le Heat en finale contre les LA Lakers dans la bulle d’Orlando en 2020, ils forment un cinq de base redoutable. Le banc du Heat est cependant un point d’interrogation.

Tout comme BenSimmons à Philadelphie. Il refuse de jouer pour les 76ers après des play-offs désastreux, au cours desquels il a également été fort critiqué au sein de sa propre équipe. Le propriétaire de l’équipe, DarylMorey, souhaite récupérer suffisamment de qualité par le biais d’un échange, mais l’offre n’est pas encore sur la table. Et donc les 76ers se trouvent dans une impasse. Avec JoelEmbiid, ils possèdent le centre le plus dominant de la NBA, et même un candidat au titre de MVP. Cependant, il lui faudrait le soutien d’une star plus complémentaire, capable de tirer de l’extérieur, si Philly veut surpasser les Bucks, les Nets et les Hawks d’Atlanta (avec TraeYoung) meilleurs d’année en année, lors des play-offs.

Dans la conférence Ouest, de nombreux regards sont tournés vers les Golden State Warriors, champions NBA 2015, 2017 et 2018 et finalistes perdants en 2019. Avec le départ de Kevin Durant et les graves blessures de KlayThompson, ils ont ensuite complètement sombré. Le tireur d’élite, qui s’est déchiré le tendon d’Achille la saison dernière, devrait effectuer son retour fin décembre. S’il retrouve toutes ses facultés, et si son SplashBrotherStephCurry retrouve son niveau de la saison dernière, lorsqu’il était le meilleur marqueur de NBA (avec DraymondGreen comme maître défenseur), ils pourraient à nouveau atteindre les sommets. Beaucoup dépendra aussi de l’évolution de jeunes prometteurs comme JamesWiseman, MosesMoody, JonathanKuminga et JordanPoole. Et si les nouveaux venus comme OttoPorterJr, NemanjaBjelica et le vétéran AndreIguodala apportent également leur pierre à l’édifice, avec l’aide du volatile AndrewWiggins, les Warriors pourraient donner une nouvelle dimension à leur fameux jeu offensif, caractérisé par de nombreux tirs à trois points, qui a fait leur réputation.

Autre outsider important: le Utah Jazz, qui a remporté le plus grand nombre de matches lors de la saison régulière abrégée l’an dernier, mais qui s’est effondré en play-offs contre les Clippers en raison de blessures. Si leurs guards All-Star DonovanMitchell et MikeConley restent en forme, dans un trio qu’ils forment avec le joueur défensif de l’année RudyGobert, une première place en finale depuis 1998 n’est pas irréaliste. Dans la Conférence Ouest, les surprenants Phoenix Suns ont atteint cette finale la saison dernière. Cependant, beaucoup doutent que ChrisPaul, DevinBooker et DeandreAyton puissent en faire autant. Des doutes existent également au sujet de KristapsPorzingis, le bras droit letton du wonderboyLukaDoncic aux Dallas Mavericks. Il serait plus en forme et plus frais mentalement que l’année dernière. Le nouveau coach JasonKidd souhaite qu’il soit plus performant aux côtés de Doncic, dans un rôle complémentaire de centre. Et il veut aussi polir encore davantage le diamant slovène grâce à son expérience d’ex-joueur. Quoi qu’il en soit, LukaMagic, qui entame sa quatrième saison en NBA, sera une attraction à part entière, et peut-être même le nouveau MVP.

On peut en dire de même de l’autre joueur des Balkans: NikolaJokic, le MVP de la saison dernière. À l’époque, le Serbe et ses Denver Nuggets semblaient pouvoir prétendre à une place finale, jusqu’à ce que le guardJamalMurray ne doive déclarer forfait à cause d’une grave blessure au genou. Beaucoup dépendra de son retour, en fin de saison. Mais, même sans Murray, Jokic, qui a particulièrement travaillé sa condition physique durant l’été, est capable de ramener Denver dans le top 4 de la Conférence Ouest.

Kyrie Irving (à gauche, Brooklyn Nets) est farouchement opposé au vaccin. Et pourrait le payer au prix fort.
Kyrie Irving (à gauche, Brooklyn Nets) est farouchement opposé au vaccin. Et pourrait le payer au prix fort.© GETTY

Pas de vaccin: moins d’argent et moins de liberté

Tout autant que les prévisions d’avant-saison, le sujet de conversation de ces dernières semaines a été le taux de vaccination contre le coronavirus des joueurs de la NBA: la semaine dernière, il a atteint 96%. Pas 100% (comme c’est le cas pour les arbitres, les entraîneurs et les officiels de l’équipe), car le syndicat des joueurs refuse d’accepter une obligation de vaccination. Il ne veut pas créer un précédent et céder le pouvoir. Même des joueurs vedettes vaccinés comme LeBronJames, ChrisPaul, DraymondGreen et KevinDurant se sont prononcés contre une telle exigence. Selon eux, c’est devenu une question politique et une question de liberté personnelle.

Quelques quinze à vingt joueurs refusent de se faire vacciner, les plus grands noms étant KyrieIrving et BradleyBeal. Malgré la position de Durant sur la « liberté personnelle », ce refus pourrait avoir des conséquences majeures, notamment pour Irving et les Brooklyn Nets: dans l’État de New York, les athlètes professionnels doivent avoir reçu au moins une dose du vaccin pour être autorisés à jouer. S’il reste sur sa position anti-vaccination, Irving manquera les 41 matches à domicile des Nets au Barclays Center et deux matches à l’extérieur contre les New York Knicks. Selon son coach Steve Nash, ce sera probablement le cas.

Irving et les autres joueurs non vaccinés ne seront pas payés pour ces matches manqués. Du moins, si la NBA parvient à imposer ses vues, car le syndicat des joueurs s’y oppose également. Cela coûterait à Irving environ 330.000 euros par match, soit quinze millions d’euros sur une saison régulière. L’avenir nous dira si Irving finira par changer d’avis, comme AndrewWiggins des Golden State Warriors. Lui aussi était opposé au vaccin, mais il a fini par céder compte tenu de l’importante perte de salaire. Contre sa volonté, cependant: « Si vous travaillez dans une société, vous n’êtes pas responsable de votre propre corps. J’espère que d’autres personnes se montreront plus fortes que moi et continueront à se battre. »

Pour les convaincre, lui et les autres sceptiques, la NBA a également restreint la liberté des joueurs non vaccinés: ils ne sont pas autorisés à dîner dans la même pièce que leurs coéquipiers, doivent s’installer dans un vestiaire aussi éloigné que possible des joueurs vaccinés, ne sont pas autorisés à quitter leur hôtel lorsqu’ils sont en déplacement ni à entrer dans des lieux publics. Les joueurs non vaccinés sont également soumis à un test de dépistage quotidien et doivent être placés en quarantaine pendant sept jours après tout contact à risque. Une chose reste inchangée pour tous les joueurs: ils doivent porter un masque à tout moment, sauf sur le terrain de basket, pendant la douche et les repas.

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