Dépolluant, engrais, renforçateur de matériaux : le recyclage des cheveux, une filière très innovante

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Par Adeline Percept, Thomas Chantepie

Utilisés depuis l’antiquité pour fabriquer des couvertures, puis des chapeaux, les cheveux ont été un temps oubliés avant de reprendre du poil de la bête à des filières de recyclage. Fondée par un coiffeur du Sud de la France, l’association Les Coiffeurs justes vient de commercialiser des "boudins" de cheveux capables de dépolluer l’eau des ports, des cours d’eau, du ruissellement des routes, des fonds de cale des bateaux. C’est l’application la plus aboutie, mais d’autres multiples possibilités commencent à être exploitées.

Et si nous avions à portée de main, ou plutôt de ciseaux, une matière première illimitée, aux ressources insoupçonnées ? Plusieurs milliers de coiffeurs en France recyclent 100% des cheveux coupés. Les cheveux naturels ou colorés. Longs, courts… Jérémie Cannarozzo, coiffeur du salon Beauty Zen dans le 13e arrondissement de Paris, récupère toutes les chutes et les place immédiatement dans un sac de recyclage.

"Dans un sac, il y a à peu près l’équivalent de 200 coupes, soit 2,5 kilogrammes de cheveux", explique-t-il. Auparavant, les cheveux représentaient la moitié des déchets à traiter dans le salon de coiffure. Aujourd’hui, ses sacs de recyclage sont directement relevés par son fournisseur de produits de soin Davines, et expédiés en Provence.


►►► À lire aussi : En Grande-Bretagne, les coiffeurs recyclent des cheveux pour nettoyer les océans


C’est à Brignoles qu’un coiffeur a imaginé – et mis en pratique – cette aventure qui est en train de passer au stade industriel. Thierry Gras, de l’association Coiffeurs justes, montre ses hangars remplis de tonnes de sacs venant de toute la France : "L’idée est rapidement de monter de multiples filières comme la nôtre sur tout le territoire. Que les déchets de cheveux de Paris soient traités à Paris, ceux de Bretagne en Bretagne, etc." Ici, c’est une association de réinsertion (ACI) qui s’occupe de traiter cette "matière première" comme il aime à le rappeler.

Thierry Gras

Le "boudin" de cheveux dépolluant

Avec ces cheveux, Thierry Gras a réussi à industrialiser la fabrication d’un premier produit : le "boudin" de cheveux dépolluant. Sur la ligne de production, rien ne se perd. Les cheveux sont d’abord triés dans un tamis où on élimine les plus petits éléments : "Cette poussière est récupérée, elle peut servir d’engrais pour les plantes, ou peut servir sous forme amalgamée à faire des tampons isolants du bruit, par exemple". Les cheveux les plus longs sont placés dans des sacs souples d’une trentaine de centimètres de longueur, tassés. Ces "boudins" de cheveux sont capables de capturer des hydrocarbures, même en pleine mer.

Le fait d’avoir des boudins dans les cales, on se retrouvera avec de l’eau saine et plus du tout d’hydrocarbures dans le port

Le port de Cavalaire sur la Côte d’Azur a servi de lieu pilote. Ici, les cales des bateaux de plaisance sont équipées avant l’hiver. Les plaisanciers les disposent dans les cales des bateaux. "A cette période, il y a beaucoup moins de monde sur les bateaux, c’est là que les pollutions sont les plus importantes, parce que personne ne vérifie. Le fait d’avoir des boudins dans les cales, on se retrouvera avec de l’eau saine et plus du tout d’hydrocarbures dans le port."

Existant en plus grande taille, ces "boudins" permettent d’absorber le pétrole au niveau des stations essence sur les ports, et en pleine mer, peuvent permettre d’endiguer les marées noires.

© Tous droits réservés

L’entreprise Ecofhair s’est créée dans le sillage de l’association pour passer au stade industriel. Elle est désormais capable de laver les boudins d’hydrocarbures et de les réutiliser : "On peut leur accorder trois cycles complets de vie, détaille Emmanuel Garcia, le patron d’Ecofhair. Nous les lavons. Ensuite au-delà de ces trois cycles, ils sont réintégrés dans des usines de chauffage conventionnel, de type fioul. C’est un substitut du fioul lourd qu’on met d’habitude dans les chaudières."

À aucun moment, ces cheveux recyclés ne reviennent sur la chaîne des déchets. Et l’espoir est désormais de voir se créer des applications extrêmement variées. Une start-up de Clermont-Ferrand, Capillum, fabrique déjà des tapis de paillage pour le jardinage avec les cheveux. Cette start-up travaille sur la kératine des cheveux pour envisager de créer des soins médicaux de la peau.

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Les cheveux peuvent avoir plein de vies

"Les cheveux peuvent avoir plein de vies, souligne Thierry Gras. Ils peuvent être utilisés en renforçateurs de matériaux. On peut même imaginer faire des coques de bateau avec, des coques de piscine, des pare-chocs de voiture. Travailler avec le plâtre, le béton, en matériau isolant aussi. Le cheveu, c’est pour ça qu’on l’a encore sur la tête : sa vertu première est qu’il est isolant."

Le rêve, pour l’association Les Coiffeurs justes serait que plus aucun cheveu ne soit jeté…

En France, cela représenterait 4000 tonnes de matières premières à exploiter. Et la ressource est inépuisable.

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