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Sven Jaecques, directeur général de l’Antwerp: « On n’a pas le temps »

Sven Jaecques, le directeur général, explique pourquoi les nombreux changements opérés à l’Antwerp c’était nécessaire. « Ce qu’il s’est passé ici n’était pas seulement fantastique, c’était aussi anormal. »

Sven Jaecques est un ancien médian offensif du Cercle, où il est devenu entraîneur des jeunes puis directeur sportif de l’équipe première, avant de passer à l’Antwerp. Cet été, le club a tellement changé qu’il s’est malgré lui retrouvé au coeur de l’actu.

Êtes-vous satisfait de la situation actuelle du club?

SVEN JAECQUES: Compte tenu de tout ce qu’il s’est passé au cours des derniers mois, je suis très content. Il fallait que certaines choses changent, mais il y a trois ou quatre mois, on ne savait pas si on allait réussir. Changer le staff, l’entourage de l’équipe, les jeunes et la façon de travailler, tout en s’installant dans de nouvelles infrastructures, ça fait beaucoup à la fois, mais ça s’est bien passé. Aujourd’hui, on peut dire que l’Antwerp est très professionnel à tous les niveaux. Sur le plan des résultats, on sait qu’il faudra du temps, mais j’estime qu’on devrait avoir trois ou quatre points de plus. Ça nous permettrait d’être plus sereins. J’en ai parlé avec Brian Priske: malgré les blessures et les arrivées tardives, on n’aurait jamais dû commencer par un zéro sur six.

Quand vous êtes-vous rendu compte qu’il fallait que les choses changent?

JAECQUES: Je ne peux pas donner de date exacte, ça s’est vérifié au fil des jours. Quand Luciano D’Onofrio est arrivé, en 2017, on savait qu’on ne dirigerait pas un grand club de cette façon pendant dix ou vingt ans. Ça nous a permis de grandir et il n’a pas été simple de choisir le moment de changer. Luciano nous a souvent dit: « Bientôt, ce sera à vous de jouer ». Mais sans préciser ce qu’il entendait par bientôt. Il savait qu’on devrait faire de la plus-value sur les joueurs, ce qu’on n’avait pas encore fait puisqu’on louait des joueurs ou on engageait des plus âgés. C’était du court terme. Aujourd’hui, on essaye de trouver l’équilibre entre le court et le long terme, d’avoir un noyau plus équilibré en termes de profil et de maturité. On n’a plus qu’un seul joueur loué: Ally Samatta.

« Radja, c’est Radja. Il est pur, il faut savoir le prendre »

Avez-vous d’abord choisi l’entraîneur ou les joueurs?

JAECQUES: L’entraîneur a été le premier choix effectué. C’était nécessaire pour entamer rapidement la préparation. Une liste de cibles était déjà prête. On l’a impliqué dans le choix de ces joueurs, mais sans lui laisser le dernier mot, car ce n’est pas sain. Ça n’a jamais été le cas à l’Antwerp.

Sa vision du jeu était cependant importante: s’il voulait jouer le pressing, inutile de proposer un nouveau contrat à Mbokani et Refaelov.

JAECQUES: On n’est pas encore assez mûrs pour dire qu’on joue selon un système de jeu défini. C’est un objectif à plus long terme, mais on veut un jeu plus positif car on est convaincus que ça va nous apporter des résultats. On veut des joueurs et un entraîneur capables d’alterner les systèmes.

Vous avez opté pour de vieilles connaissances. Pourquoi?

JAECQUES: Fin mai, on a perdu de bons joueurs. Il fallait les remplacer par des joueurs capables de nous apporter directement quelque chose. On a donc choisi de prendre le moins de risques possible. Si ça marche, en janvier et en juin prochains, on effectuera peut-être des transferts plus ciblés et on achètera peut-être des joueurs moins connus en Belgique à qui on laissera le temps de s’adapter.

Vous avez aussi acheté très jeune.

JAECQUES: Six des quatorze joueurs ont moins de 23 ans. Seul Radja a plus de trente ans. Les autres ont entre 26 et 28 ans, car on manquait de joueurs dans cette tranche d’âge.

Radja, c’est votre plus gros transfert.

JAECQUES: Radja, c’est Radja. Il est pur, il faut savoir le prendre, mais beaucoup de joueurs sont comme ça. Il était étonné que tout le monde le connaisse. À Milan ou à Rome, on peut se cacher, pas à Anvers.

Dès le premier week-end, il a été contrôlé par la police.

JAECQUES: Je ne vais pas dire que j’étais heureux, mais j’ai directement songé à des solutions positives. Je pense qu’il a compris. On sait qu’il ne se cache pas. En équipe nationale, c’était pareil: d’autres ne sont pas des saints, mais ils ne le montrent pas.

Quand sera-t-il prêt?

JAECQUES: Il manque de rythme, mais ce n’est jamais lui qui a présenté les meilleurs tests de VO2max. Il doit surtout s’adapter à la façon de jouer dans notre championnat. On attend plus de lui que des autres. Avec ses qualités et son expérience, s’il ne se blesse pas, dans trois semaines, il aura trouvé le rythme.

« Chaque point perdu est anormal »

Le coach a-t-il tiré les leçons des problèmes?

JAECQUES: Je pense qu’il a déjà appris plus de choses qu’au cours des deux dernières années. Au début, il ne voyait pas les choses de la même façon. Même s’il a l’expérience de la Ligue des Champions, ici, tout est différent, personne ne lâche rien et toutes les équipes sont prêtes physiquement. Il croyait avoir du temps, mais je lui répète tous les jours qu’on n’en a pas. Sauf si on obtient des résultats.

L’équipe n’est pas encore équilibrée, il y a trop de joueurs devant le ballon.

JAECQUES: On a suffisamment de qualité pour faire la différence devant sans devoir créer le surnombre. On doit être plus patients, moins naïfs.

Le coach est d’accord?

JAECQUES: Brian est un gagnant et est ouvert à la critique. Il est évident qu’il a déjà procédé à des ajustements. Mais comme tout entraîneur, il peut aussi être un peu entêté.

Il doit aussi apprendre à faire des déçus, car il est très proche du groupe.

JAECQUES: Il n’aime pas le conflit. Bölöni ou Vercauteren pouvaient se montrer très durs, mais ils ont aussi vingt ou trente ans d’expérience de plus. Ivan Leko avait le même problème. D’où l’importance d’un staff équilibré, avec un Rudi Cossey par exemple. Il faut apprendre à se connaître et trouver un compromis. Brian sait qu’il y a de la pression, que chaque point perdu est anormal.

Il doit le savoir, car il a joué à Genk et à Bruges.

JAECQUES: Un joueur peut toujours rejeter la faute sur quelqu’un d’autre. L’entraîneur est en première ligne.

Le voyez-vous parfois douter?

JAECQUES: Oui. Toutes nos discussions n’ont pas été cordiales. Il y a dix ans, j’étais peut-être comme lui. Maintenant, je suis plus direct, sans quoi on perd son temps.

« Je sais très bien combien on peut être porté aux nues puis démoli »

Le jeu de l’Antwerp est-il moins athlétique?

JAECQUES: Non, notre noyau compte toujours suffisamment de force. Dans le football moderne, il faut savoir jouer de plusieurs façons et avoir des profils différents dans l’équipe. On tente de jouer de façon athlétique et technique. On veut proposer un football plus soigné, mais on a transféré des battants. C’est dans notre ADN.

Après le Nouvel An, le jeu de l’Antwerp était moins chatoyant.

JAECQUES: Franky Vercauteren est terriblement intelligent. Il n’avait jamais joué à trois derrière, mais il l’a fait. Et il a terminé à la troisième place avec un vestiaire très difficile.

A-t-il tiré un bilan et vous a-t-il donné des conseils?

JAECQUES: Au cours des trois ou quatre mois pendant lesquels on a collaboré, on a sans cesse évalué le noyau. Il nous a dit ce qu’il fallait changer, qui devait rester, qui devait partir. Et les choses se sont plus ou moins passées comme ça.

Pourquoi n’a-t-il pas succédé à Luciano D’Onofrio comme directeur technique?

JAECQUES: Il aurait pu, mais il nous a très vite fait savoir qu’il souhaitait rester sur le terrain.

Il n’y aura pas de directeur sportif?

JAECQUES: On va élargir la cellule sportive, mais un directeur sportif doit rester proche du core business et on n’a pas encore trouvé la personne avec qui le courant passe.

Les négociations ont été difficiles cet été?

JAECQUES: Les gens pensent que c’est nouveau pour moi, mais je fais ça depuis quatre ou cinq ans. Au début, je rédigeais les contrats moi-même, mais maintenant, ça se fait en équipe. La seule différence c’est que les autres années, une cellule préparait le terrain. Avant, Luciano était ici deux ou trois jours par semaine et on se concertait. Rien n’a donc vraiment changé sauf que la ligne avec Paul Gheysens est plus directe, ce qui nous permet de prendre des décisions rapidement.

La différence, c’est que maintenant, c’est vous qui serez jugé et plus D’Onofrio.

JAECQUES: Oui et je sais très bien combien on peut être porté aux nues puis démoli, ça fait partie du job. Je ne regarde pas les réseaux sociaux et je lis peu les journaux: ça m’aide.

Sven Jaecques:
Sven Jaecques: « On veut des joueurs et un entraîneur capables d’alterner les systèmes. »© KOEN BAUTERS

Et les jeunes?

Sven Jaecques l’admet: en matière de formation des jeunes, l’Antwerp est encore à la traîne. « Lorsque je suis arrivé, en 2016, l’école des jeunes était encore une ASBL avec des comptes séparés. En cinq ans, on a beaucoup progressé. Pour la première fois, on joue au plus haut niveau, on a des internationaux et les jeunes osent venir chez nous plutôt qu’à Anderlecht ou à Bruges. Mais ça prend du temps. Jusqu’en U14, on est parés, mais c’est plus haut qu’on a du retard. Il faut encore nous laisser cinq ans avant de pouvoir rivaliser avec Genk, qui produit des jeunes depuis plus de vingt ans. Nos infrastructures sont top: on manque de terrains, mais tous les clubs anversois peuvent en dire autant. »

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