Loup pendu devant une mairie en France: le débat est-il aussi tendu en Belgique ?

Images d’illustration de loups

© Belgaimage

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Par Estelle De Houck

Ce vendredi matin, des habitants de Saint-Bonnet-en-Champsaur dans les Hautes-Alpes ont découvert un loup pendu devant la devanture de leur mairie. Une revendication on ne peut plus claire : pour certains, le canidé n’est pas le bienvenu. Il faut dire que le loup connaît de nombreux détracteurs Outre-Quiévrain. Mais qu’en est-il chez nous, en Belgique ?

Notons tout d’abord qu’il n’existe pour l’instant que deux meutes territoriales en Belgique : une dans le Limbourg, et une dans les Hautes-Fagnes. La première remonte à 2020, la seconde date de cette année. Le retour du loup est donc récent, même si des indices laissent penser qu’il parcourt notre pays depuis 2011.


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Comment le loup est-il arrivé là ? Il faut savoir que le loup est un grand voyageur. Les jeunes peuvent parcourir jusqu’à 1000 km pour trouver un territoire. "Une fois qu’un loup se plaît à un endroit, il s’installe", explique simplement Corentin Rousseau, program manager à la WWF. "Il est seul, la plupart du temps, et attend un ou une partenaire."

Chez nous, par exemple, Akela a pris ses quartiers dans le Limbourg en 2018. Et ce n’est qu’en 2020 qu’il est rejoint par une femelle. C’est ainsi qu’une première meute a vu le jour en Belgique.

Il va falloir s’adapter pour un retour harmonieux de cette espèce

Or, à l’avenir, il devrait y avoir de plus en plus de loups dans nos contrées. "Il y a plus de 150 meutes en Allemagne et une centaine en France. Chaque meute produit chaque année de trois à cinq jeunes. Il y a donc des centaines de jeunes loups qui sont à la recherche d’un territoire", indique Corentin Rousseau. Certains se rendront en Italie, d’autres en Pologne… mais certains traverseront la Belgique.

"Il y en aura de plus en plus parce que les populations voisines sont en croissance. Et donc, il va falloir s’adapter pour un retour harmonieux de cette espèce."

Les quatre louveteaux surnommés les "daltons de la forêt", en juillet 2020
Les quatre louveteaux surnommés les "daltons de la forêt", en juillet 2020 © Agentschap Natuur en Bos (ANB) et Instituut voor Natuur en Bosonderzoek (INBO)

"Retour harmonieux", vraiment ?

Là est la source de tensions. Si certains se réjouissent du retour du loup, d’autres grincent des dents. Particulièrement dans l’Hexagone. "La France est le pays où le retour du loup se passe assez mal. En Europe, c’est même le pays où ça se passe le moins bien", confirme le program manager à la WWF.

Comment expliquer un tel rejet ? "En France, le loup est plutôt installé dans l’arc alpin, là où l’on trouve des troupeaux de centaines voire de milliers de moutons. Il est donc assez difficile de les protéger." Là-bas, un loup tuerait donc chaque année "quelques dizaines d’animaux d’élevage".

Quid de la Belgique ?

Et chez nous ? Comme le dit Corentin Rousseau, le Belge francophone a le regard tourné vers son voisin français. Nous pourrions donc vite être tentés de penser que le débat est autant polarisé en Belgique qu’il ne l’est Outre-Quiévrain. C’est toutefois loin d’être le cas.

Certes, il y a bien quelques résistances. En témoigne la manifestation anti-loups qui avait lieu ce vendredi dans la commune d’Oudsenberg. La situation demeure cependant très différente entre les deux pays frontaliers.


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"Chez nous, on a plus quelques dizaines de moutons dans des petites parcelles. Et donc, c’est un contexte paysager très différent. Nous n’avons pas de hautes montagnes avec des immenses troupeaux qui passent la nuit dans l’alpage. Ce sont des contextes très différents", rappelle Corentin Rousseau.

La louve Naya, en mai 2019
La louve Naya, en mai 2019 © Natuur en bos

Nos voisins allemands

Notre contexte paysager ressemble en fait davantage à celui de l’Allemagne. Et puisque nos deux pays élèvent leurs animaux dans des parcelles plus petites, nous pouvons les protéger. Si, en France, "chaque loup tue chaque année quelques dizaines d’animaux d’élevage", en Allemagne, "c’est trois animaux d’élevage tués par an, par loup."

"Et c’est surtout dans les zones où le loup vient d’arriver, dans les zones où l’éleveur n’a pas encore eu le temps pour s’adapter à la présence du loup. Là où le loup est présent depuis longtemps, ça se passe plus ou moins bien la plupart du temps. Il y a parfois une prédation ou l’autre, mais c’est assez limité", précise Corentin Rousseau.

La fin des tensions ?

Il existerait donc une solution : adapter les clôtures pour qu’elles ne laissent plus passer les loups. Et cela semble être assez efficace. "On remarque que depuis que ces clôtures sont installées, il n’y a encore jamais eu de prédations puisque les animaux sont bien protégés."

Il est vrai, cela prend du temps et de l’argent à l’éleveur. Mais en Belgique, il existe des subsides. Et cela tant en Wallonie qu’en Flandre. "Pour une bonne cohabitation, il faut aider au maximum les éleveurs. On peut comprendre que c’est une charge supplémentaire", reconnaît Corentin Rousseau.

Ouvrir le dialogue

Pour aider les éleveurs à installer leurs clôtures, WWF, Natagora et Natuurpunt ont créé la Wolf Fencing Team. "C’est un groupe de volontaires qui ont été formés à placer des clôtures. C’est donc de la main-d’œuvre gratuite et cela permet aussi un dialogue avec l’éleveur. Chacun découvre la vision de l’autre, et cela permet d’éviter la polarisation de débat, comme c’est le cas en France."

"En Flandre, on a aidé plus de 150-170 éleveurs pour les aider à adapter leurs clôtures", se réjouit Corentin Rousseau.


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Rien ne sert donc de comparer la situation belge avec celle vécue par les Français. Les réalités territoriales sont très différentes, et le débat l’est tout autant.

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